7.

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Gassoba entra brusquement dans la vaste pièce qui servait généralement aux réunions hebdomadaires des différents départements de notre poste de police.

  • Bonjour, nous salua-t-il.

Il posa une petite pile de documents devant lui, avant de s’asseoir tout au bout de la longue table autour de laquelle nous étions déjà installés.

"Nous", à savoir Dawilé et moi-même, le Dr Wassy, l'Adjudant Adowa ainsi que le Capitaine Hawa Pako de la BMDJ.

Le commandant survola notre petite assemblée du regard, puis prit la parole :

  • Je vois que tout le monde est là. Bien. Je vous ai demandé de prendre part à cette réunion, afin que nous puissions mettre en œuvre tout ce qu’il faut pour retrouver au plus vite l’assassin de Mlle Owonko. Je sais que vous êtes sur le coup, mais le chef de la police en personne m’a fait comprendre qu’on devait mettre les bouchées doubles, afin de passer à la vitesse supérieure dans nos investigations. J'ai également appris ce matin la tentative d'intimidation sur la personne du Capitaine Mensah à son domicile. Capitaine, pouvez-vous nous expliquer en détail ce qui s'est passé ?

Je relatais en détail les évènements de la veille, sans omettre quoi que ce soit. Je remarquai que Gassoba fixait Dawilé avec un air quelque peu soupçonneux.

  • Si je comprends bien, lui dit-il ironiquement, vous faites office de garde du corps sur vos temps libres ?

Mon coéquipier se contenta de sourire en regardant devant lui, sans répondre.

  • J’ai pu faire un gros plan du visage de notre second suspect à partir d’une des photos que j’avais prise avec Tam… la victime, déclarais-je avec une certaine maladresse.

Je sortis une photographie de mon dossier que je remis à mon coéquipier, qui la tendit ensuite à Gassoba. Celui-ci regarda sans mot dire l'image imprimée, avant de la remettre à Dawilé.

  • Faites transférer cette photo à tous nos services de la région, ainsi qu’à la Section de recherches de Arobo. Docteur Wassy, qu’avez-vous découvert ?

L’intéressé se râcla la gorge avant de prendre la parole :

  • La victime a reçu dans un premier temps plusieurs coups violents portés à la tête avec un objet contondant, ce qui explique les plaies ouvertes, ainsi qu'un affaissement du crâne en plusieurs endroits. D’autre part, de nombreuses contusions et de multiples fractures présentes sur le visage et sur l'ensemble du corps attestent que la victime à bel et bien été battue, puis jetée du haut de la falaise. Cela a occasionné une hémorragie massive qui a entraîné sa mort. Je peux affirmer que la victime est décédée aux environs de minuit trente. D’une mort longue et douleureuse hélas.

Je fermais les yeux quelques secondes et je sentis la main de Dawilé presser discrètement la mienne sous la table.

  • Très bien, merci pour vos conclusions, Docteur Wassy, le remercia Gassoba.

Il prit un air sombre, avant de reprendre :

  • Les nouvelles ne sont guère meilleures, si je puis dire, du côté de nos investigations. Comme vous le savez, l’agenda de la victime a été dérobé hier, ici même, par un faux policier qui, en toute vraisemblance, a usurpé l’identité d’un certain Yawo Sakho. Ce dernier s’avère être un instituteur d'Arobo de 52 ans, sans casier judiciaire. Le chef de la police nous a également confirmé qu’il n’avait délivré aucune autorisation pour analyser une pièce à conviction. Cela veut dire que notre suspect se balade avec de faux cachets de la police nationale, mais la police judiciaire est sur le coup. Par-ailleurs, le pendentif de la victime, à savoir une pierre améthyste sur une base en argent, n’a également toujours pas été retrouvé. Enfin, l’analyse des traces de roues sur les falaises n'a malheureusement rien donné.
  • Ce qui m’intrigue, dit Dawilé sur un ton perplexe, c’est que le tueur a laissé sur place le téléphone et le sac de Tamara qui peuvent aider à l’identifier, alors qu’il aurait pu s’en débarrasser ! Pourquoi s’emparer uniquement du pendentif ?
  • Il se peut que ce pendentif revête une importance particulière pour le tueur, suggérai-je.
  • C’est pourtant son propre père, Mr Owonko, qui le lui avait offert lorsqu’elle était plus jeune, continua Dawilé. Seul un membre de l’entourage de la victime pouvait le savoir.

Gassoba, qui observait silencieusement nos échanges en joignant ses doigts sous son menton, s’adressa au Capitaine Pako.

  • Capitaine, où en êtes-vous avec la Brigade par rapport à Youssou Owonko ?

La jeune femme, avec son physique de mannequin, avait cependant un côté militaire qui me rappellait étrangement mon supérieur.

  • Il se trouve que nous avions dans le collimateur Youssou Owonko depuis un certain temps. Grâce aux documents et photographies fournis par vos services, en plus de nos propres enquêtes sur le terrain, nous pouvons désormais avoir la preuve que Youssou Owonko est bel et bien un membre d’un groupe de jeunes délinquants spécialisés dans le vol de médicaments. Une vaste base de données, avec l’identité des suspects, était déjà en notre possession, mais les listes de noms, en plus des coordonnées des suspects que vous avez partagé avec la Brigade, nous ont permis d’appréhender tôt ce matin tout le groupe. Sauf Youssou Owonko.
  • Vous voulez dire qu’il a réussi à vous échapper? s’étonna Gassoba.
  • En réalité, il ne se trouvait pas dans la planque où squattaient les jeunes délinquants.
  • Je vois. Au fait, Adjudant, qu’ont donné vos investigations par rapport aux communications de la victime avant sa mort ?
  • J’ai consulté la liste de ses appels les trois derniers mois avant sa mort, ainsi que ses SMS et autres messages dans ses applications, mais ça ne concernait principalement que le travail ou ses proches et ses amis, rien de particulier. Cependant, elle avait reçu des quantités de mails d’un harceleur qui se fait appeler Fadyl54. Il s’agit principalement de phrases telles que "Tu vas crever" ou encore "T’es qu’une rapporteuse", etc.
  • S’agit-il de son ancien professeur mécontent dont nous avait parlé Mme Owonko ? lui demanda Gassoba.
  • Il s’avère que le Pr Daffé, qui enseigne le Marketing à l’Ecole de Design où a étudié la victime, est atteint d’une forme de sclérose en plaques depuis cinq mois. Sa sœur m’a expliqué qu’il avait espéré que Mlle Owonko lui vienne en aide à un moment donné par rapport à ses frais médicaux, mais qu’elle avait refusé. Faute de ne pas pouvoir bénéficier d’un traitement expérimental, le Pr Daffé est immobilisé sur son lit d’hôpital depuis bientôt deux mois.
  • Et où était sa soeur la nuit du meurtre ?
  • On a vérifié son alibi. Elle est infirmière dans le même hôpital où se trouve son frère et elle était de garde cette nuit-là.
  • Bon, on peut donc définitivement les éliminer de notre liste de suspects, grommela Gassoba, qui semblait déçu. Et avez-vous des nouvelles de Lanssana Agbo ?
  • Nous l’avons installé à l’accueil en attendant, il vient d’arriver.
  • Ok. Adjudant, continuez vos recherches concernant ce Fadyl54 et même s’il n’est pas l’assassin, nous devons remonter jusqu’à lui pour lui faire passer l’envie d’importuner les gens et le mettre au frais pour un bout de temps. Vous pouvez disposer. Capitaine Pako, ajouta-t-il sur un ton plus radouci, nous vous remercions pour votre disponibilité mais également pour votre efficacité. Nous n’allons pas user davantage de votre temps précieux.
  • C’est toujours un plaisir de collaborer avec vos services, dit-elle avec un sourire. Tenons-nous au courant par rapport à l’affaire Youssou Owonko et si vous avez du nouveau, faites-le nous savoir!
  • Nous n’y manquerons pas, Capitaine.

Le Dr Wassy prit également congé, nous laissant seuls avec Gassoba, qui se mit à se masser les tempes.

  • Cette affaire est aussi épineuse qu’une peau de porc-épic, murmura-t-il.

On frappa à la porte.

  • Oui ! grogna Gassoba.

L'agent Kilewa entra dans la pièce.

  • Bonjour. Commandant, Youssou Owonko n’a pas répondu à la convocation et nous nous sommes donc rendus au domicile des Owonko tout à l’heure. Il se trouve que Youssou avait apparemment quitté les lieux. Ses affaires ne s’y trouvaient plus et ses parents affirment qu’il n’ont aucune idée de là où il peut être actuellement et son téléphone est sur répondeur. Leur femme de ménage, Karys Dabo, ne s'est également pas présentée ce matin chez eux.
  • Lancez tout de suite un mandat d’arrêt contre Youssou Owonko ! ordonna Gassoba, l’air soucieux. Sa fuite fait de lui notre principal suspect. Transmettez également cette photographie qui représente l'homme à l'œil de verre à l'ensemble de nos services, à Arobo et dans les régions alentours ! Prévenez la Sécurité de l’aéroport, ainsi que nos collègues qui se trouvent aux frontières.

Il se tourna ensuite vers nous.

  • Allez immédiatement au domicile de Karys Dabo. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai un mauvais pressentiment en ce qui la concerne. Soit elle est depuis le début mêlée à cette histoire, soit il lui est arrivé quelque chose.

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