5.

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  • Un vrai bazar, murmura Dawilé en plissant les yeux.

L'écran d'accueil de l'ordinateur de Tamara était rempli d'une centaine de dossiers et de logiciels en tout genre.

  • Elle était soignée par rapport à son apparence, mais effectivement très désordonnée pour ce qui était de ses affaires.

Nous étions penchés par-dessus les épaules de l'adjudant Adowa dans la salle des investigations. Il avait, grâce à ses aptitudes en informatique, réussi à déverouiller le mot de passe de l'ordinateur un quart d'heure plus tôt.

Dans cette multitude de dossiers, j'en aperçus un qui attira mon attention.

  • Adjudant, vous pouvez ouvrir ce dossier ? Celui-ci, le dossier Owonko.
  • Oui, Capitaine.

Il s'exécuta et trois secondes plus tard, Adowa fit apparaître sur l'écran une bonne centaine de photos de Youssou Owonko, en compagnie de jeunes à l'allure de gangsters. Ils avaient l'air en pleines négociations et apparemment, les photos avaient été prises à des dates et à des lieux différents.

Adowa cliqua sur un autre fichier et il s'agissait de trois listes, avec des noms, adresses et numéros de téléphone.

  • Il me semble reconnaître des noms dans cette liste, dis-je en parcourant des yeux le premier document. On va sûrement devoir collaborer avec la Brigade des mœurs et de la délinquance juvénile, pour avoir une confirmation. Adjudant, faites une copie de ces documents et envoyez-les par fax et en urgence à la BMDJ. Demandez-leur de nous communiquer d'éventuelles informations par rapport à ces photos et à ce répertoire, si possible avant demain.
  • Oui, Capitaine !

Dawilé me fit signe qu'il souhaitait s'entretenir avec moi en aparté.

  • Oui ?
  • Akawo, tu penses la même chose que moi, j'espère ? Tamara a dû trouver quelque chose d'important concernant son frère avec ces criminels, peut-être un trafic. Et c'est sûr qu'avec ces photos et ces listes, elle avait de quoi faire tomber toute cette organisation ! Cela constitue un sérieux mobile si Youssou l'a découvert.

Je me massais la tempe droite. Ma migraine semblait s'étendre sur l'ensemble de mon cortex cérébral.

  • Akawo, ça va?
  • Oui, oui, c'est juste mon mal de tête de ce matin qui est tenace. Je vais reprendre un antalgique et ça va passer.
  • Ok. Mais essaie de te ménager un peu, d'accord ?

J'aquiesçai avec un léger sourire, avant de lui donner une tape sur l'épaule.

  • T'en fais pas pour moi.

Au même moment, une nouvelle recrue vint nous annoncer que Karys venait d'arriver au poste.

  • Elle ne devait pas venir demain ? demandais-je à Dawilé.
  • Si. Mais elle veut peut-être nous donner d'autres informations en dehors de la demeure des Owonko.
  • Tu as sans doute raison. Agent Masseba, faites-la venir s'il vous plaît.
  • Bien, Capitaine !

Quelques minutes plus tard, nous étions assis avec elle dans une des salles d'interrogatoire.

Elle ne portait plus son uniforme mais une robe avec des imprimés wax bleus et blancs, ainsi que des ballerines et un sac à main noir. Elle se rongeait les ongles, sûrement un tic, mais une certaine angoisse se reflétait sur son visage.

  • Des policiers de chez vous sont venus chez les Owonko, dit-elle en nous regardant tour à tour, les sourcils froncés. Par chance, c'est moi qui leur ai ouvert. Je ne pourrai pas venir demain matin ici car je travaille ! Je me suis dis qu'il valait donc mieux que je passe d'abord vous voir, avant de rentrer à la maison. Vous voulez que je perde mon job ou quoi ?
  • Karys, nous avons besoin de vous pour dresser un portrait robot de...
  • Mlle Mensah, euh... Capitaine, je... je ne veux pas avoir d'ennuis ! Cet homme me connaît et il sait que je suis la seule à le connaître avec Mlle Owonko ! Je ne veux pas qu'il m'arrive quelque chose comme...
  • Karys, calmez-vous, intervint Dawilé sur un ton posé. C'est une simple formalité. Un dessinateur va juste, et grâce à votre description, établir un portrait réaliste de l'homme dont vous nous avez parlé. Cela nous permettra de lui mettre la main dessus au plus vite, mais il ne vous arrivera rien. Ok ?

Elle fixa mon coéquipier, l'air tendu. Je posai ma main sur la sienne avec un visage avenant, afin de la rassurer et lui redonner courage.

  • Karys, on a besoin de vous.

Elle hésita un instant, puis aquiesça.

  • Bon, très bien. Mais à condition que vous ne veniez plus me chercher chez mes employeurs.
  • D'accord, lui promis-je.

Une heure et demi plus tard, nous avions un portrait robot d'un de nos principaux suspects.

  • C'est vrai qu'il fout la frousse, admis-je, en contemplant le portrait que je tenais entre les mains.
  • On devrait le photocopier en plusieurs exemplaires et le faire circuler dans tous les postes de police de la ville. On ne sait jamais, il pourrait être faire l'objet d'une recherche active en cours dans une autre enquête.
  • Bonne initiative, Lieutenant, lui dis-je en lui faisant un clin d'oeil.
  • On pourrait aller dîner ce soir.
  • Quoi ?

Il me dévisagea et j'eus l'impression étrange de manquer d'air.

  • Dawilé, je...
  • Je ne te demande pas d'aller en Australie, Akawo. C'est juste un dîner, précisa-t-il, mi-figue, mi-raisin.
  • Je sais, mais... J'ai besoin de rester seule ce soir.
  • Je comprends. Mais ne compte pas sur moi pour abandonner cette idée. On va juste remettre ça à plus tard.

Je ne sus quoi dire et porta mon regard sur ma table de travail. Quelque chose semblait manquer parmi les affaires qui y étaient posées.

  • Où est l'agenda ?
  • L'agenda... Celui de Tamara ? me demanda Dawilé, l'air perplexe.
  • Oui, je l'avais posé sur ma table ! affirmais-je sur un ton légèrement affolé, tout en me rapprochant de mon bureau.

L'agenda ne s'y trouvait plus.

Je regardai ensuite dans mes tiroirs. Rien.

C'est pas vrai.

  • Les gars, demanda Dawilé à la ronde, vous n'avez pas vu l'agenda posé sur la table du Capitaine Mensah ?

Les agents de la Section Criminelle nous regardèrent, intrigués, en faisant non de la tête et je sentis un filet d'eau glacée couler le long de ma colonne vertébrale.

  • Vous devriez aller voir à l'accueil, suggéra le Lieutenant Amy Issikia, qui enquêtait généralement sur des crimes sexuels.

Le Sergent Adouwé Maska était de service aujourd'hui au niveau de l'accueil et il parut surpris de nous voir.

  • Capitaine ? Lieutenant ?
  • Sergent Maska... Il se trouve qu'on nous a probalement subtilisé une pièce à conviction, lui-dis-je, en tentant de garder mon calme. N'avez-vous pas vu une personne à l'allure suspecte passer par ici ?
  • Excepté Mlle Karys Dabo, toutes les personnes qui sont passées ici sont des policiers.
  • Et vous ne vous êtes pas absenté, même une minute ? lui demanda Dawilé.
  • Si, mais uniquement à la pause déjeuner. L'agent Kilewa, une de nos nouvelles recrues, a pris la relève à ce moment-là.
  • Où est-elle ?

J'espérais intérieurement qu'on ne l'ait pas envoyée sur le terrain.

  • Au dépôt des pièces à conviction. Attendez un instant, dit Maska en saissisant le combiné de son téléphone fixe.

Cinq minutes plus tard, l'agent Kilewa arriva vers nous, d'un pas décidé et dynamique. Elle devait avoir une vingtaine d'années et elle semblait très sûre d'elle.

  • Agent Kilewa, nous venons de constater qu'une de nos pièces à conviction avait disparu. Vous étiez bien là durant la pause déjeuner du Sergent ?
  • Oui, Capitaine !
  • Et n'avez-vous vu personne en dehors du service aller et repartir d'ici avec un agenda ?

Elle réfléchit une seconde et répondit :

  • Non, Capitaine ! Enfin... Je me rappelle maintenant...
  • De quoi ?
  • Il y a un homme, un policier. Il m'a présenté une note avec le cachet du Bureau du Chef de la police. Dans cette note, il y avait une demande pour une analyse en laboratoire. Par rapport à une pièce à conviction.
  • Agent Kilewa, vous dites que c'était un policier ? lui demanda Dawilé.
  • Oui, il portait son uniforme.
  • Vous a-t-il dit son nom ?
  • Euh... Je l'ai noté sur le registre, attendez !

Sous le regard furieux du Sergent, elle s'exclama :

  • Il s'agit du Capitaine Yawo Sakho!
  • Tu le connais ? demandais-je à Dawilé.
  • Non, et toi ?
  • Absolument pas. Agent Kilewa, pourquoi vous ne nous avez pas averti immédiatement de la présence de cet individu dans nos services ?

L'interessée semblait au bord des larmes mais trouva néanmoins le courage de se défendre :

  • Capitaine, il m'a dit que c'était un ordre direct du...
  • Même s'il s'agissait d'un ordre du Président de la République en personne, vous deviez aviser les enquêteurs liés à cette pièce à conviction qu'une personne est désireuse de l'emporter avec elle. Cet agenda aurait pû nous aider à résoudre un meurtre, en avez-vous conscience ?

Dawilé me pressa discrètement le bras, sûrement pour me faire comprendre que je devais garder mon calme.

  • J'en ai conscience, Capitaine, répondit-elle.
  • Bien. Pouvez-vous nous le décrire ? lui demanda Dawilé.
  • Il était grand, assez fort. Il avait une barbe mais peu fournie, je dirais une barbe de trois jours. Mais aussi, on aurait dit qu'il lui manquait un œil, car la pupille et la cornée de son œil droit avaient une teinte blanchâtre. Aussi, sa joue semblait légèrement brûlée. On aurait dit qu'il a eu un grave accident dans le passé.

Je fermais lentement les yeux.

  • C'est notre suspect... Le type à l'œil de verre ! s'écria Dawilé.
  • Oui, confirmais-je, sur un ton rauque. Ce qui ne va pas arranger nos affaires.
  • Pourquoi ?
  • Primo, parce qu'il est probalement le meurtrier de Tamara et qu'il a réussi à s'introduire ici sous une fausse identité, avant de s'envoler avec l'agenda qui aurait pu l'incriminer. Secundo, j'en connais un qui va nous tomber dessus à son retour. Et comme il nous l'avait promis, ça ne va pas être très beau à voir.

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