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Notre poste de police était un grand bâtiment d'une dizaine d'étages, où différentes sections et brigades étaient réparties. Celles-ci enquêtaient généralement sur des vols à l'étalage en passant par les cambriolages et braquages musclés, mais aussi sur des crimes en rapport avec la délinquance juvénile et le blanchiment d'argent. En ce qui nous concernait, Dawilé et moi, nous nous occupions des crimes majeurs dans la Section Criminelle et ce depuis six ans, en tant que coéquipiers.

Mon bureau faisait face à celui de Dawilé. Il était composé d'une chaise et d'une table assez rustiques. Par-dessus étaient posés un ordinateur de bureau, des bics ainsi qu'un rame de papier, quelques effets personnels et enfin, quelques comptes-rendus d'enquêtes déjà bouclées.

Avant même d'avoir eu le temps de poser mon béret sur ma table, la voix de stentor de notre supérieur, le Commandant Gassoba, se fit entendre à travers la porte ouverte de son bureau :

  • Mensah et Koma ! Dans mon bureau, immédiatement.

Dawilé, me jeta un regard éloquent et, avec un soupir, nous nous rendîmes auprès de Gassoba.

Il était assis derrière sa table de travail, toujours aussi carré et méthodique, avec un visage fin et bien dessiné. Son port vestimentaire était impeccable, ses dossiers et effets personnels étaient rangés par taille et par catégorie sur sa table ainsi que sur une étagère.

  • Vous n'avez rien à me dire ? nous demanda-t-il sans lever les yeux, tandis qu'il apposait sa signature sur un certain nombre de documents.

Je m'humectai longuement les lèvres, ne sachant pas par où commencer.

  • Je m'adresse à vous, Capitaine, lança-t-il en me fixant cette fois droit dans les yeux. Je sais de source sûre que vous connaissiez bien la victime. Et pourtant, vous avez jugé utile de me dissimuler cette information.

Je jetai un oeil en direction de Dawilé qui haussa les sourcils, comme pour me faire comprendre qu'il n'y était pour rien.

  • Ce n'est pas votre coéquipier qui me l'a dit, dit Gassoba en se levant pour s'adosser légèrement sur le rebord de la table, tout en croisant les bras. Madou Owonko a appelé ici pour tenter d'avoir des informations concernant l'avancée de l'enquête. Bien évidemment, je lui ai poliment dit que ce n'était pas possible. C'est là qu'il m'a révélé que vous et sa fille, à savoir la victime, étiez proches.
  • Commandant, pardonnez-moi tout d'abord de ne pas vous avoir informé... du fait que je connaissais effectivement la victime. Tamara était ma meilleure amie depuis des années et je connais bien sa famille.
  • Et ?

Gassoba semblait espérer me voir fondre en larmes.

  • Et ce matin, le Lieutenant Koma avait fortement insisté pour que je vous le dise. Mais je m'étais dit qu'il valait mieux dans un premier temps informer la famille de Tam... de la victime... Je veux dire l'informer de son meurtre, avant de vous révéler que je la connaissais.
  • Je ne sais pas ce qui me retiens de vous dessaisir de cette enquête, Capitaine, opina Gassoba en plissant les yeux. Vous êtes trop impliquée et votre objectivité pourrait être remise en cause dans un procès.
  • Je suis parfaitement capable de mener cette enquête en restant objective, Commandant, me défendis-je de la manière la plus calme qui soit.
  • Je n'en doute pas une seconde, Mensah. Mais comptez sur moi pour vous avoir à l'œil. Au moindre problème vous concernant, poufff ! Je vous retire à tous les deux cette enquête pour la refiler aux lieutenants Dawo et Loba.
  • Très bien, Commandant.
  • Bien ! Parlez-moi de l'affaire en cours.

Sur le long mur de la salle principale où nous menions nos investigations se trouvaient des tableaux, similaires à ceux que l'on trouverait dans une salle de classe. Des éponges, ainsi que des craies différentes couleurs, étaient posées sur leurs rebords.

Nous résumions tous les détails de l'enquête, en soulignant et en entourant les noms des principaux suspects. Des flèches reliaient les suspects aux différents mobiles du crime envisagés, ainsi que les indices retrouvés sur les lieux.

  • Si je comprends bien, dit Gassoba en se rapprochant, on a pour le moment quatre suspects. Le fiancé, l'ancien prof, le frère de la victime et l'inconnu dont vous a parlé la bonne.
  • Oui, c'est bien ça, Commandant, confirma Dawilé.
  • Capitaine, puisque vous les connaissez bien, que pouvez-vous nous dire sur Youssou Owonko ?

Je pris le temps de réfléchir avant de répondre :

  • Je me rappelle que dernièrement, Tamara était inquiète à son sujet. Elle m'avait récemment confiée que Youssou avait pris l'habitude de traîner avec des types assez louches. Et qu'ils se disputaient très souvent à cause de ça.

Dawilé et Gassoba échangèrent un bref regard.

  • Je dois admettre que... c'est un motif valable pour tuer sa soeur, repris-je, en posant les morceaux de craie sur le support. Il doit en principe passer demain matin afin qu'on puisse l'interroger.
  • Je vois. Aucune nouvelle de Wassy ?
  • Pas encore, Commandant, répondit Dawilé. L'autopsie n'est pas encore terminée.
  • Bien. Allez interroger Lanssana Agbo. L'adjudant Adowa vous assistera dans cette enquête et il se chargera de consulter la liste des communications téléphoniques de la victime durant ces six derniers mois. Il vérifiera également l'alibi de son ancien professeur.
  • Il serait également important de convoquer Karys, la femme de ménage des Owonko, suggéra Dawilé. Ceci afin qu'elle puisse nous aider à dresser un portrait robot du supposé amant de Tamara.

Gassoba sembla approuver cette initiative.

  • Je n'y vois pas d'inconvénients. Bien ! Tenez-moi au courant. Au fait, une dernière chose.

Je sentis des gouttes de sueur perler sur ma tempe.

  • Owonko est un ami du Premier Ministre et de certains membres du gouvernement. Soyez sur le coup, car je ne tiens pas à ce que le Chef de la police me tombe dessus s'il y a un pépin au cours de cette enquête. Ce que je ne souhaite pas. Car dans ce cas, c'est moi qui vais vous tomber dessus et croyez-moi, ce ne sera pas très beau à voir.

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