Vengeance

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J’avais toujours vécu seul, dans cette pièce, froide et humide.

Une erreur de la nature, voilà ce que j’étais.

Un monstre. Une honte pour le nom de ma famille.

Un bâtard aux yeux étranges.

La seule chose qui me maintenait en vie était la haine.

Cette haine, si profonde que la nuit, elle me brûlait les entrailles.

La porte claqua, le bruit de pas ainsi que celui d’un léger tintement résonna ensuite.

Doucement, elle s’agenouilla devant moi pour déposer le plateau de nourriture qu’elle poussa ensuite dans ma direction.

« Qui es-tu ? »

Elle ne releva pas la tête pour me répondre, ses cheveux formant un mur entre elle et moi. Muette elle attendait que je prenne le plateau pour repartir.

« Tu n’es pas celle qui vient d’habitude. »

Ma voix sonna accusatrice.

Ses poings se serrèrent et en réponse, son regard me fixa.

Elle avait un œil au beurre noir, ses lèvres étaient fendues et son visage tuméfié.

Pourtant, dans ses yeux brillait une flamme. Une rage. Un désir de vengeance.

« Qui es-tu ? »

Sans un mot, elle se redressa puis partit.

Pendant un temps, notre relation fut ainsi.

Un plateau, une question, un départ et aucune réponse.

Néanmoins, un jour, contre toute attente, elle resta pour me répondre.

Un seigneur voisin attaqué, incapable de se défendre, avait perdu ses terres, son château et sa vie. Elle était une de ses filles, réduite en esclavage comme cela se faisait si souvent.

Une histoire banale. Une histoire habituelle. Une histoire sans surprise normalement.

C’est peut-être pour cela qu’elle était différente des autres femmes que je connaissais, elle ne se résignait pas à accepter son sort. À laisser l’histoire se finir ainsi.

Elle voulait se battre.

Elle avait besoin d’alliés.

Elle avait besoin de moi.

C’est comme ça qu’une nuit, sans un mot, sans un bruit autre que celui de la clé qui tourne dans la serrure, elle me libéra.

Comment avons-nous pu à seulement nous deux décimer un clan entier et en ressortir vivant ? Aucune idée.

Le fait qu’elle les ait préalablement empoisonnés peut-être ?

Nous sommes retournés chez elle, son ancien chez elle. Elle voulait offrir un enterrement digne de ce nom à sa famille.

Sans surprise, les cadavres avaient depuis longtemps été dévorés par le temps et les animaux.

On a fait un grand bûcher pour permettre à leurs âmes de se libérer du reste de leurs enveloppes charnelles.

Cependant avant qu’on y mette le feu, elle a sur chacun des corps de femmes, ajouté une branche de cerisier en fleur, murmurant tout bas quelques mots que je pus entendre malgré tout.

Puis elle s’était adressée aux flammes qui s’élevaient déjà haut, répandant un épais nuage de fumée noire dans le ciel.

« Maman, tu n’as pas pu changer les choses, mais moi je le ferai. »

Après un temps, les poings serrés elle ajouta :

« Je l’ai déjà fait »

Son regard empreint de détermination, lui a fait gagner mon respect et mon estime.

« Une branche de cerisier ?»

« C’est une tradition. »

« Pourquoi sur celui des femmes et pas des hommes ? »

« C’est une tradition qu’y ne se transmet qu’aux femmes de ma famille depuis des générations. »

Une tradition représente toujours quelque chose. Elles sont là pour nous rappeler un acte, une parole, un symbole.

Elles prennent tout leur sens quand on connaît leur origine.

« Qu’est-ce qu’elle représente ? »

Elle m’a regardée comme si elle pouvait lire dans mon âme à travers mes yeux.

« Un espoir. »

J’ai arrêté mes questions, comprenant soudain le sens de ses mots :

«L'espoir est le plus grand des fardeaux, aussi fragile qu'un bourgeon.»

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