Chronique des Temps ordinaire

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Mélusine rêvait d’un homme, un vrai. Pas ces chiffes molles, ces métrosexuels, ces mous du gland qu’elle côtoyait chaque jour, au travail, dans son groupe d’ami, dans la rue. Pour elle, le male, l’authentique, devait être revêche, ce devait être un guerrier. Elle ne supportait plus le type attentionné, érudit ou pas, mais qui dans tous les cas était capable d’empathie. Pour elle, l’empathie c’est un trait de caractère commun aux faibles, aux moutons. Elle préférait les loups.

Elle avait un petit ami, Pierre, un garçon charmant, aimable, qui avait su la séduire à un moment de sa vie où elle avait besoin d’amour. Aujourd’hui, elle ne comprenait plus ce qui lui avait tant plu chez lui au point de se mettre en couple. Au fond, elle n’avait rien à lui reprocher, il n’oubliait aucun anniversaires, ne pissait pas sur la lunette des toilettes, l’aidait aux taches ménagères, était même plutôt bon amant, mais, elle s’ennuyait avec lui.

Elle culpabilisait de cet état de fait, se disait qu’elle n’était pas raisonnable. Le soir, entre veilles et sommeil, quand elle essayait de méditer sur sa vie, elle fantasmait sur le bad boy de ses rêves, celui qui la ferait vibrer. Elle imaginait ses bras musclés, tatoué, la serrant fort. Elle désirait son sexe, dur, insatiable. Elle se faisait son porno dans sa tête.

Pierre ne se doutait de rien, il voyait bien que parfois elle était de mauvaise humeur, mais mettait cela sur le compte des règles, du stress où des sautes d’humeurs légendaires des femmes.

Tout aurait pu en rester là, n’être qu’un mécontentement passager, balayer par la routine, le passage du temps. C’était sans compter sur la malice de Cupidon.

Mélusine rencontra par hasard Mister J., un jeune musicien aux talents prometteurs. Une figure montante de la scène musicale.

Elle avait écouté ses chansons provocantes à la radio, des histoires de drogues, de filles faciles, de révoltes banlieusardes, racontées dans un style qui offusquait les plus anciens mais plaisait à la jeune génération. Sa vie s’étalait dans les journaux à sensations ou il apparaissait avec une fille différente dans chaque article qui lui était consacré.

Elle l’avait rencontré dans un magasin vendant de la culture aux masses, il y signait des autographes. Mélusine était avec une amie, une fan, elles avaient fait la queue pour avoir elles aussi droit à un paraphe du jeune homme.

Le musicien lui avait souri. Ils avaient échangé quelques blagues, il avait signé un album et, elle s’en était rendu compte plus tard, en arrivant chez elle, il avait glissé une carte avec son numéro de portable. Elle resta perplexe. En avait-il fait de même avec son amie. Faisait-il cela avec toutes les femmes qui lui plaisait ?

Puis, elle hésita, pour qui la prenait-il ? une fille facile ? une pute ? Elle se sentait à la fois blessée dans son amour propre et intriguée par le culot du musicien.

Elle ne l’appela pas. Il était venu s’ajouter comme acteur de ses fantasmes nocturnes, mais ça n’aurait certainement jamais été plus loin si le destin n’en avait pas décidé autrement.

Un soir, alors qu’elle rentrait tard du bureau, elle fut victime d’une crevaison. Elle pesta contre le mauvais sort et chercha à appeler Pierre pour qu’il vienne l’aider, mais il ne répondait pas. Il avait dû poser don portable sur un coin de son bureau et n’entendait pas la sonnerie.

Une voiture de luxe s’arrêta. C’était Mister J. Le cœur de Mélusine battait la chamade, il lui changea sa roue, lui proposa d’aller boire un verre. Ne sachant pourquoi, elle accepta tout en sachant qu’elle ne lui résisterait pas.

Ainsi naquit leur histoire d’amour. Mélusine quitta Pierre qui n’avait rien vu venir.

Tout alla très bien pendant des mois, Mister J. ne la quittait que rarement, elle le suivait partout. Il semblait très épris. C’était l’homme fort dont elle rêvait.

Puis ce qui devait arriver arriva, on ne va pas raconter l’éternelle histoire de Don Juan ici. Mister J. commença à avoir des aventures. Les deux amants se disputaient, se réconciliaient, se disputaient de nouveau, tout cela dans un cercle sans fin. Puis vinrent les coups. Mélusine ne voulait pas croire ce qui lui arrivait, elle se disait que c’était le travers des hommes de caractères, que cela passerait avec le temps. Qu’elle avait dû mal faire quelque part. Plus il la tapait, plus elle redoublait d’attention.

Un jour elle croisa Pierre, son ex-amant. Il ne la vit pas, il était au bras d’une jeune femme, semblait heureux.

Elle pleura.

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