In my feelings

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Franchement je me moque tous les jours de mes clientes qui se lamentent à cause des hommes avec qui elles sortent. Pourquoi se compliquent-elles la vie à vouloir se caser si au final elles ont des doutes ? Tous les hommes trompent leurs femmes, il faut juste que les scientifiques l'attestent.

Alors que je suis en train de lui finir sa permanente, je roule inconsciemment des yeux et cela ne passe inaperçu aux yeux de Gigi, une cliente du salon plus présente pour les potins que pour se refaire ses maudites coiffures. Je ne cherche même pas justifier mon acte qu'elle doit sûrement trouver exagéré et continue sa permanente. Elle est en larmes en train de parler de son petit ami qu'elle a surpris avec sa sœur, mademoiselle ne sait pas quoi faire. Personnellement, je m'en fous, tout ce que je désire c'est qu'elle cesse enfin de bouger pour me permettre de lui finir sa putain de coiffure.

— Si tu pouvais cesser de gigoter dans tous les sens, Gigi, je pourrais te finir ta permanente, je me plains durement.

— Désolé ma belle, dit-elle en reniflant, son mouchoir contre ses narines, mais je souffre tellement. (Puis s'adressant à toutes les femmes présentes elle reprend) Que pensez-vous que je dois faire ?

Sister, ma meilleure amie et propriétaire du salon, me lance des œillades amusées dues à ma petite colère naissante. Cette femme m'exaspère à se lamenter comme un crocodile et Sister le sait.

— Et si tu nous disait ce que tu en penses Breona ? me questionne Sister uniquement pour me provoquer.

Les bruits s'estompent automatiquement. Tous les yeux se posent sur moi et Gigi a cessé de pleurer, elles attendent toutes ma réponse. Toutes les femmes ici présentes savent que je n'ai pas l'habitude de me mêler de tous ces ragots, y compris Sister, mais, comme elle m'a poussée, je ne vais pas la laisser en plan.

Je soupire et essaie d'assembler correctement quelques mots dans ma tête afin qu'ils aient du sens.

— Franchement, ce que tu traverses en ce moment Gigi est dégueulasse, dis-je sans la moindre délicatesse. Ta sœur en plus ! Honnêtement, ils n'en valent pas la peine. Tu peux leur pardonner leur égarement si tu en es capable mais si j'étais toi, j'aurais rompu avec ce salaud. Il en vaut pas la peine et tu vas beaucoup souffrir si tu le gardes. On ne peut pas faire confiance aux hommes.

Ma dernière phrase redonne le ton à la conversation et nous passons carrément au travers des problèmes de cette pleureuse de Gigi. Une cliente qui faisait semblant de lire un magazine à moitié se met à nous raconter une anecdote assez intéressante sur un homme avec qui elle est sortie. Gigi commence à se calmer en remarquant qu'elle n'est plus le centre d'attention.

Une fois sa coiffure effectuée, je peux enfin soupirer. Il ne m'en fallait plus pour longtemps avant de l'étranger sous ses larmes incessantes. L'heure tourne, le soleil s'est déjà couché et j'ai une pensée pour Aretha. Elle doit déjà être rentrée, j'espère simplement qu'elle a déjà fait le dîner.

Alors que j'attrape mon sac à main dans les vestiaires, je sursaute de surprise lorsque je tombe sur Sister devant moi sans m'y attendre. Je pose une main sur ma poitrine tout en lui adressant un regard meurtrier auquel elle répond par un simple sourire vraiment mignon.

Alors qu'elle me fait face, je ne peux m'empêcher de remarquer qu'elle est différente de d'habitude. En plus de sa nouvelle coiffure Afro, Sister s'est maquillée et cela lui va plutôt bien. Mince et élancée, ma meilleure amie est une femme assez jolie ; tous ceux qui connaissent Sister dans les environs savent que c'est une femme en or et se demandent ce qu'elle fait aux côtés d'une nana comme moi.

— Merde Sister ! Tu voulais me tuer ou quoi ?

— Excuse-moi de t'avoir fait peur mais il faut que je te parle, dit-elle posément.

— Je t'écoute, répliqué-je en croisant mes bras contre ma poitrine.

— Demain soir, eh bien, Drew fête ses vingt-cinq ans et j'avais planifié une petite surprise party avec seulement quelques personnes.

— Et je suis là dernière informée, dis-je, un peu vindicative.

— Je voulais t'en parler mais tu étais tellement préoccupée par les examens de ta sœur, se justifie-t-elle. Du coup j'ai tout organisé de mon côté et j'ai cherché le bon moment pour t'en informer. Tu seras de la partie alors ?

Quand mes yeux se posent sur ce visage adorable, il m'est impossible de lui dire non. Après tout je crois qu'Aretha sera capable de se débrouiller sans moi pour ce soir.

— T'as vraiment de la chance que ce soit toi, dis-je en soupirant.

— J'espère vraiment que tu vas t'amuser. C'est la première fois que j'organise quelque chose comme ça sans ta supervision.

— Bon. On se capte ce soir ?

Je me mets à avancer sans attendre sa réponse quand elle dit presque dans un murmure :

— Darik sera là…

Je soupire mais essaie de me contenir. Darik peut se pointer à toutes les fêtes du monde, il n'y a plus rien entre nous depuis belle lurette et je vis super bien depuis. Cette pensée sonne étrangement faux dans ma tête mais je n'y prête pas attention.

— J'avais l'impression que les histoires de cœur de Gigi t'agaçaient parce que ça te faisait penser à ta rupture.

— Non c'est juste parce que les chichis de tes clientes m'exaspèrent, je réponds-je en me retournant péniblement. Écoute si Darik y est, ça ne me dérange pas. Nous sommes des adultes. Et puis tu n'as pas à t'en faire : cet homme est mort pour moi.

— Tu n'as pas à me mentir, je vois bien que ça t'affecte encore.

— Au revoir Sister, tranché-je sèchement.

Reprenant mon chemin vers la sortie, je tente de ne pas accorder la moindre discussion au semblant de conversation que nous venons d'avoir. Je salue toutes les autres filles ainsi que Tony qui donne un coup de balais dans la pièce avant de franchir la porte et de me retrouver dans la nuit noire de la Nouvelle-Orléans.

J'hèle le premier taxi qui me passe sous le nez et m'y engouffre pour rentrer rapidement. Dans mon visage s'imprime étrangement le visage Darik alors qu'il a déserté mes pensées il y a de cela des mois. Son habituel sourire qui me faisait fondre et ses paroles qui me faisaient me sentir différente. Je déglutis difficilement et cligne plusieurs fois les yeux pour éviter de laisser couler des larmes. C'en est fini de Darik, il ne représente plus rien pour moi depuis des mois. Il pense comme tous les autres, il prétendait simplement me connaître.

Le chauffeur s'arrête devant les maisons agglutinées du quartier de Tremé. Je lui paye son dû avant prendre une grande inspiration et de m'avancer vers ma petite maison. Dedans l'odeur du jambalaya titille mes papilles gustatives ; Aretha nous a concocté sa meilleure recette. Je pénètre timidement dans le bâtiment et me dirige pratiquement mécaniquement vers la cuisine. C'est presque l'odeur qui me conduit.

— Ça sent bon dis donc ! m'exclamé-je, calée contre l'embrasure de la porte en croisant mes bras contre ma poitrine.

Aretha tourne vivement sa tête en ma direction, elle me regarde tout sourire avant de reprendre ses activités.

— Ah salut Breona ! dit-elle. Ta journée était bonne ?

— Il n'y avait rien de différent aujourd'hui, je lui réponds en m'approchant. Et la tienne ?

— C'était pas mal. Mais je stresse de plus en plus parce que les examens approchent. Du coup je fais ce que je peux pour me détendre.

— Tu veux dire que tu chantes Franklin ? l'interrogé-je en arquant un sourcil.

— Qu'est-ce que tu racontes ? Je fais de la cuisine ! ricane-t-elle. Chanter, ce n'est pas mon truc.

Sachant d'avance que je veux comme toujours entamer ce sujet-là, elle prend les devants.

— Tu peux déjà aller t'installer, tout est prêt maintenant et j'ai déjà dressé la table.

— D'accord, râlé-je.

Aretha déteste que l'on parle de son talent pour la musique pourtant elle ferait parfaitement la paire avec la défunte Queen du soul. Elles ont d'ailleurs le même prénom, d'où elle se fait surnommer Franklin par moi et tous ceux qui sont au courant pour sa voix capable d'atteindre des sommets.

La table est bel et bien dressée. Mes yeux s'attardent sur les photos de nos parents accrochées sur le mur en face de moi et un brin de nostalgie me voile le visage. Ils ont été tués par des policiers alors qu'ils étaient en voiture il y a aujourd'hui sept ans. J'avais dix-sept ans et était sur le point de finir mon lycée alors qu'Aretha n'en avait que douze. Ils baladaient en pleine nuit et se sont fait interpeller par des policiers. Ils ont reçu une balle chacun lorsque mon père a brandit son arme, sans chercher la moindre explication. Un homme noir armé est toujours synonyme d'un homme dangereux à abattre nécessairement.

— Bon appétit !

La voix d'Aretha claque dans ma tête et je sors de ma torpeur momentanée. Mes yeux tombent sur un délicieux repas fumant. Aretha récite une courte prière avant de commencer à manger tout en me relatant sa journée. Je joue avec ma fourchette en l'écoutant d'une oreille, l'esprit ailleurs. Il m'est impossible de penser à autre chose qu'à la tournure que prend ma vie. Mes objectifs ne sont pas atteints et j'ai l'impression de passer carrément à côté de ma vie de rêve.

— Breona ! Tu as l'air ailleurs, est-ce que ça va ?

La voix sifflante de ma petite sœur me sort de ma rêverie. Je lui accorde sur le coup toute mon attention tout en espérant qu'elle ne me questionne pas sur mes rêveries.

— Oui ça va… ça va…

— Tu penses à ce que les autres disent à propos de toi ?

Je lève des yeux surpris et consternés sur elle.

— Ne t'en fais pas, moi je suis fière d'avoir une sœur comme toi ! mz confie-t-elle en redressant ses lunettes sur son nez.

Je lui souris sincèrement. Ses mots me touchent. Je n'accorde jamais la moindre importance aux bruits qui courent sur moi mais me savoir considérée par quelqu'un que j'aime me fait énormément plaisir.

Nous continuons notre dîner, elle m'explique que les examens approchent et qu'elle stresse un max et je fais de mon mieux pour la rassurer. Je la préviens par la suite que je ne serai pas présente demain soir à cause de la fête surprise qu'organise Sister et qu'elle n'aura pas à m'attendre même le lendemain matin. Elle sait très bien comment je finis lors de ce genre de fêtes.

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