Où es-tu

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« Bonjour. Oui. Elle n’est toujours pas revenue ?… Très bien. Des nouvelles de personne j’imagine. Je comprends… Depuis mercredi oui. Ça va faire six jours. La police m’a dit de vous contacter le plus souvent possible pour échanger des informations qui pouvaient nous rappeler quelque chose, je suis désolé si je vous dérange souvent, ça me tient vraiment à cœur. Bien entendu, je ne doute pas de votre bonne foie, même si en ce moment elle était un peu larguée avec vos disputes. Non, ne vous vexez pas ! Allô, allô ? »

Elle m’avait raccroché au nez, le chacal. Ça ne m’étonnait pas qu’Oriane soit aussi mal quand elle me voyait. Quand on avait une mère comme elle, n’importe qui aurait besoin d’une aide extérieure ! Sa fille avait disparu et elle n’était même pas capable de prendre sur elle pour communiquer avec les autres. Pourtant je ne lui avais rien fait. J’étais déjà assez stressé comme ça, il ne fallait pas qu’elle en rajoute.

Oriane… Mais où avait t-elle pu passer ?

Je recevais un second appel, c’était Peter. Je n’avais pas spécialement envie de décrocher, surtout si c’était pour un changement de planning.

« - Allô ?

- Coucou Eden, c’est moi Peter. Alors comment tu vas ? Ça va faire presque une semaine qu’Oriane n’est pas rentrée…

- Oui. J’essaie de tenir le coup, c’est dur mais bon.

- Tu sais, tu devrais faire comme moi, prends des vacances, pourquoi pas ! Ça pourrait te faire du bien.

- T’inquiète, j’ai besoin de me changer les idées pour ne pas partir trop loin dans mes pensées, travailler, y a rien de mieux, surtout qu’en restauration rapide, on a pas trop le temps d’avoir la tête dans les nuages.

- Ouais je sais, mais… Quand même. Tu sais je suis là pour toi. Alors si t’as des nouvelles, tiens moi au courant.

- J’hésiterai pas.

- J’te laisse, je dois voir ma petite masseuse personnelle, cet hôtel est génial, allez à la prochaine ! »

Il avait raccroché. La nuit tombait déjà, je n’avais pas faim, la vie était si fade sans Oriane. Si longue. Si ennuyante… Si je m’en étais rendu compte avant, est-ce quelle ne serait jamais partie ? Et si c’était ma faute ? Ou l’avait-on enlevé ? Elle avait fugué ? Voulait-elle… Une nouvelle vie ? Ce n’était pas son genre de foncer sans réfléchir. Au fond, une explication rationnelle ne pourrait avoir lieu sans qu’une autre personne y soit liée. Elle me racontait souvent qu’elle ne pourrait pas partir dans un pays étranger toute seule parce qu’elle avait besoin d’un repère. Sans moi, elle proclamait n’être rien. Pourtant, c’était moi qui l’était désormais aujourd’hui, sans elle…

Je vivais seul, dans cet appartement lugubre, sans luminosité ni gaieté. Plus je me renfermais sur moi-même, plus les murs se resserraient. C’était un tombeau qui me faisait mourir de plus en plus car actuellement, j’y étais enfermé vivant. Je ne pouvais cesser de réfléchir à toute cette histoire. Ça m’était tombé dessus d’un coup, comme ça, sans raison valable. Je faisais des cauchemars toutes les nuits, un monstre me tirait les pieds et voulait me manger. J’arrivais à échapper mais dès que je me réveillais, ma respiration était saccadée.

Quelques uns de mes proches m’avaient conseillé d’aller voir un psychologue, un thérapeute, on m’a même sorti : un psychiatre. Je ne devenais pas fou, je devais juste retrouver Oriane. C’était mon seul et unique but désormais…

Je reçus un SMS qui fit vibrer mon être, à ma grande surprise. Demain j’allais ouvrir le restaurant tout seul. L’effectif était de plus en plus petit, la ville manquait de personnes persévérantes, alors si quelqu’un prenait ses vacances, c’était la panique totale. Quelque soit mon état, je n’avais pas le droit de les laisser dans le merdier.

« Demain, tu fais l’ouverture, 7h tapante, tu feras les préparations et tu ouvriras à 8h. »

Si je devais me lever aussi tôt, il fallait que je commence déjà à me coucher. Il fallait que je sois fort mentalement, pour moi, pour le restaurant, pour mes amis, ma famille mais surtout… Pour Oriane.

Après m’être servi un verre d’eau que je n’avais qu’à peine bu et m’être vêtu de mon pyjama, je fonçai au lit.

Mes mirettes grandes ouvertes, fixaient ce plafond sans fin, noyé par des couleurs trop assombries pour que je puisse imaginer la magnifique facette d’Oriane, de ses joues rosées et sa peau luisante.

Ce point de vue inintéressant me laissa donc somnoler, pour ensuite plonger dans un sommeil profond. Dans les bras de Morphée, c’était désormais une autre lutte qu’il s’agissait. Toujours le même cauchemar… Toujours… Toujours ? Non… Non ! Ce n’était pas le même ! J’étais… Encore avec un monstre. Il voulait toujours me tuer. Et je continuais à courir. Je courais tellement, tellement vite que j’en tombais. Comme d’habitude. Je n’avais pas envie de me relever. J’avais envie qu’il me tue. Qu’il me fasse peut-être… Rejoindre Oriane. Si elle était dans un monde meilleur, je voulais être heureux, mais avec elle. Elle n’avait pas le droit de souffrir seule.

Le monstre se penchait sur moi, il me fixait en ouvrant sa bouche, ornée d’un feston de crocs, je ne pouvais pas hurler, j’avais trop peur, je n’amènerai personne dans ma chute avec moi. Il allait me dévorer, me donner un coup de grâce avec ses griffes titanesques allant bientôt effleurer ma tête, il pourrait me consumer tranquillement en s’empiffrant de ma chair.

Quand je reniflais l’odeur de la mort me titillait, mes sensations se coupèrent. Le monstre venait de disparaître. Je voyais une fumée noire avec comme expression un semblable d’émoticône. Je la suivis, m’autorisant de penser que c’était cette « chose » qui venait de me sauver. C’était là que je me rendis compte que j’étais dans le restaurant. À l’intérieur du bâtiment, mais je me dirigeais vers différentes pièces qui ne faisaient plus partie de notre établissement à nous.

J’avais un peu visité déjà avec Oriane, rapidement car elle n’était pas spécialement à l’aise et j’étais pressé la plupart du temps. Avant que mon patron décide de s’installer ici, c’était un ancien hôpital qui était devenu ensuite une résidence vieille de treize ans, pour ensuite devenir ça : juste un restaurant, dont de nombreuses parties pas exploitées car cela revenait trop chères.

Après avoir suivi cette fumée noire, je contemplais… Un dos. Cette chevelure familière que je reconnaîtrai entre mille. Plus euphorique que jamais, je lui sautai dessus pour la serrer contre moi et lui exprimer combien elle m’avait manqué. Mais elle disparut de nouveau.

Tournant la tête dans tous les sens, je ne pouvais comprendre. La fumée s’était également envolé. Je la cherchais. Encore. Comme dans ma vie quotidienne, c’était un cycle qui ne s’arrêtait jamais. Merde !

« Eden… Eden. »

Et en plus de ça j’entendais des voix.

« Pourquoi tu n’es pas venu me chercher ? »

De quoi est-ce qu’elle parlait celle la.

« Au fond, je m’en doutais… C’était évident. Mais je te fais confiance. Tu vas me retrouver. Je l’ai vu. Tu vas bientôt me rejoindre. »

… J’allais mourir ? Cette impression, ce saisissement, cette sensation d’imprégnation… C’était elle qui me parlait. Mais… Ce n’était pas sa voix. Et elle n’avait pas de corps.

« Si je tombe, tu tombes. »

- Je te rattraperai, pourquoi tu es comme ça ?

« Rappelle toi la dernière fois où nous nous sommes vus… Et si… Je t’avais laissé quelque chose ? Si je n’avais pas totalement disparu ? Si j’étais toujours là, mais que tu n’avais pas une volonté assez perspicace pour pouvoir me voir ? »

- Oriane ! Criai-je d’une voix rauque et désespérée. S’il-te-plaît ! Ne t’en va pas ! Où es-tu ? Je t’en supplie, réponds-moi ! Je vais te trouver, alors dis-moi ! Je te verrai où que tu sois ?

« Trouve moi si tu peux. »

Plus un bruit vacant. Plus d’images, plus de son, plus de connexion, plus de ressentis… Plus rien.

J’avais les yeux exorbitants, mon ventre laissait ressortir mes côtes, on pouvait même y lire quelque chose. Je ne savais pas si c’était ce phénomène ou ce qu’il y avait écrit dessus qui m’ébahissait mais ça transperçait mon entendement.

  • « Trouve moi si tu peux ».

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