Ne me laisse pas seule

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Ça faisait trois ans. Trois ans que lui et moi sortions ensemble. C’était pourquoi, j’allais le chercher tous les les soirs – ou plutôt fin d’après-midi - après le boulot. Il travaillait dans la restauration rapide, mais il était appliqué dans ce qu’il faisait. Son travail était soigné et consciencieux. Cela faisait partie d’une des raisons pour lesquelles je l’aimais. Il prenait soin de moi, était à mon écoute, bref. Il n’avait aucun défaut à mes yeux. Ceux que voyaient les autres étaient pour moi, ses meilleures qualités. Il était différent. Tellement différent du monde entier que je l’aimais plus que moi-même. Plus… Que la Terre entière.

Quand je venais le chercher, Peter venait m’accueillir, les bras ouverts, comme pour flirter avec moi. Je le rejetai innocemment, peut-être trop puisqu’il continuait. C’était un des collègues de travail d’Eden, mon petit-ami. Je ne savais pas si je devais appeler ça de la pureté, mais il ne se rendait même pas compte que j’étais côtoyée sous ses propres yeux. Il continuait à nous regarder en souriant de mon arrivée, ses yeux plissés et qui laissaient pourtant transparaître la sincérité de sa joie de me voir. Ses dents parfaitement alignées et leur blancheur ne laissait personne de marbre, surtout moi mais aussi malheureusement pas la clientèle. Ses mèches de cheveux brunes venaient balayer son visage uniforme de sa beauté virile et angélique. Je me sentais obligée de le protéger en le voyant comme tel.

Il détacha lentement son tablier pour le poser dans les vestiaires, je l’observai avec admiration, toujours aux côtés de Peter qui continuait d’essayer de m’accoster. J’avais répliqué à quelques uns de ses attouchements trop intimes auprès de ma taille, il semblait comprendre que je venais bel et bien de le repousser. Mais justement. Sûrement trop idiot pour acquiescer un refus éternel et donc la véritable signification de mon acte, ça avait semblé lui plaire puisqu’il esquissa un rictus. Ça me mettait en rogne les gens qui forçaient le destin, un qui n’aurait jamais lieu d’être. J’attendis donc dorénavant avec une impatience sans limite qu’Eden nous rejoigne vite.

- Tu n’as pas faim ? Je peux te préparer quelque chose si tu veux. À mon compte.

- Non merci, Peter. Ce n’est pas à toi de me préparer quoique ce soit ni à toi de payer. Mais c’est gentil de ta part.

- Allons, ne te fais pas prier va ! J’sais très bien qu’au fond de toi t’as envie de rester un peu ici, protesta t-il à ma déclinaison.

Je commençais à réellement ne plus me contenir. Pour quelle raison devrai-je prendre sur moi ? Aucune. Eden m’avait toujours conseillé de dire ce que j’avais envie de dire. C’était un premier pas pour moi. Alors je me lançai.

- Tu commences à devenir lourd à être aussi collant. Je vais aller l’attendre autre part. Fiche moi la paix, préviens le pour moi si tu veux te rendre utile.

Je partis confuse sans qu’il n’eut le temps de dire quoique ce soit. Il avait tendu la main comme un crétin, bouche-bée sans un mot. Cela n’était pas déplaisant des fois d’être égoïste et de dire ce que l’on pense vraiment. À ce moment là j’avais l’air de grandir, d’évoluer, être mature. À ce moment là, je n’imaginais rien de ce qu’il arriverait. J’étais toujours aussi naïve. J’aurai voulu arranger cela plus tôt. Bien plus tôt. Mais ça… Je n’ai pas su le faire à temps. Il était trop tard.

Quand je descendis les escaliers qui me menaient dans un couloir maussade et sépulcral, je m’arrêtai ahurie par la mélancolie des lieux. Je n’étais jamais passée par là. Je ressentais une sensation bizarre et j’avais l’impression de connaître cet endroit. Une impression de déjà-vu… J’en ai eu énormément. Pourtant, Eden et moi avions fait le tour de l’enceinte du bâtiment, récemment rénové pour le restaurant. Toutes les pièces n’avaient pas été occupé mais celle-là, c’était comme si elle n’avait jamais existé. Comme si mes membres m’attiraient par là et me restreignaient à aller plus au fond de ce labyrinthe déjà tracé. Je jetai un coup d’œil à ma montre. Il devait certainement me rejoindre bientôt par chance, si Peter l’a prévenu sans se vexer. Au fond, je n’avais pas de raison d’avoir peur… J’avais Eden. Que pourrait bien t-il se passer si je visitais l’inconnu seule ? Il m’a dit de me faire confiance à moi-même. Oui. Et il avait raison.

Je débutai mes pas lents qui devinrent rapidement plus rapides. Je ne sus pourquoi, mais je venais de me rappeler de quelque chose. Oui, cet endroit, je le connaissais bien. Je l’avais vu dans un rêve. Alors je pouvais y aller, j’ai vu qu’il me retrouverait. Je pouvais partir sereine… Il me retrouverait.

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