L'Usine des animaux

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Cochonnet, dans sa maison de ciment,

Se préparait pour la rentrée.

Il embrassa le front de sa maman,

Rejoignit ses camarad’s préférés.

Le directeur, au grand chapeau pointu,

Annonça qu'ils choisiraient leurs classes.

« Pour la première, empruntez cette issue. »

À la surfac’ d'austèr’ plexiglas.

« Et pour la deuxième, celle-là. »

Sombre, délabrée et tachée de rouille.

Goret sur la premièr’ se rua ;

La franchit avant qu'on ne la verrouille.

L'autre moitié des nouveaux écoliers,

Par fatigu’, lenteur ou fragil’ santé

Dut se rabattre sur la port' souillée

Et s'y traîna de mauvais’ volonté.

Passé le dernier porcelet,

Le directeur referma d'un coup sec

Son grillage au grincement étranglé

Sur l'av’nir de ces bébés steaks.

« Petits porcets, tenez ces crochets,

À attacher à leurs pieds roides.

Petits porcets, prenez ces coup’rets,

Tranchez en deux vos camarades.

Ici les cœurs, ici les boyaux.

Ici les côtes, ici les gigots. »

Douce et chaude peau de pourceau.

Métal dur et froid du couteau.

« Soyez vifs et soyez précis

Car les lents et les négligents

Passeront du côté des gruîîîîîî

Sans plus jamais revoir maman ! »

Jour après jour, le porcinet

Embrassait le front de mamounette,

Rejoignait l'atelier damné

Et coupait ses amis vite et net.

Son petit groin découragé

L'odeur métalliqu’ tolérait ;

Noyé, saturé, submergé,

Du sang des tardifs et distraits.

Les vorac’s rats des murs de l'usine

Grignotaient les restes faisandés

Des latrines et cuisines porcines

Par les suidés suphages boudés.

« Peu a changé », disaient-ils,

« Depuis l'époque des hommes.

Nouveaux bouchers, mêm’s périls.

Nouveaux visages, mêm’ maelström. »

Après la révolte des porcs

Aux âcres lendemains d'orages,

Ils croyaient encore à tort, alors,

Faire cesser le sanglant carnage.

Mais rien ne germe dans l'abattoir

Anguleux, congelé, bétonné.

Que manger, cultiver, à l'instar,

Hormis les leurs et leurs maisonnées ?

Mêm’ les rats admiraient fort

La fécondité des porcs.

Mais que faire, sinon produire

Afin de nourrir sans faillir

Le nombre croissant

De cochons naissants ?

Pourtant à leurs nuées kyrielles

L'usin’ clos’ ne résisterait.

Les rats savaient donc l'essentiel :

Que cette folie cesserait

Dans la violence et le fiel.

Les cochons abandonneraient

Le peuplement torrentiel,

Sans quoi les murs succomberaient

Au raz-de-marée démentiel

De gigots de grêles gorets.

Mais seuls les distants spectateurs

Se perd’nt en de tels raisonn’ments.

Cochonnet retourne, pour l'heure,

À la maison, chez sa maman.

Il lui embrasse le front,

Puisqu'elle n'a plus que la tête :

Mangée depuis belle lurette

Des patt’s girond’s au ceinturon

Et du cou jusqu'au giron

Par d'affamés pourceaux larrons.

Bonne nuit, petit porcinet.

Demain, sois vif et concentré.

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