41/ Devant le général

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 Le campement central.

 Établies dans une clairière deux à trois fois plus grande que les retranchements, vingt-quatre sentinelles, — étrangement aucune avec des arcs — flânaient près de six bâtiments assez conséquents. Vingt-quatre, autant que Yora pouvait en dénombrer depuis sa position. Il fallait s'attendre à une résistance d'au moins trente hommes.

 — Ils n'ont pas l'air bien affolés, remarqua l'adoratrice absolue de Karathris.

 — En effet, acquiesça Yora. Mais ils ont forcément entendu le grondement.

 — Ils s'en foutent en fait, c'est ça ? pensa Malgati.

 — Ça en a tout l'air, répéta la fan.

 — On les attaque pas, alors ?

 Un homme à la peau d'un noir semblable à un ciel nocturne démuni d'étoile, vêtu d'une armure dorée incrustée de joyaux, des muscles sculptés dessus et de larges épaulettes, sortit d'un édifice. Trois autres serviteurs en toges suivirent.

 — Vingt-cinq... Vingt-huit, compta Yora.

 — On s'en fout du nombre ! siffla Mastiff.

 Dix secondes suffirent à ce que tout le campement se tienne droit, tourné vers l'homme.

 — Nous avons décidé ! énonça-t-il d'une voix si forte que les bruits causés par l'Esprit roulant en paraissaient ridicules. Nous ne bougerons pas d'ici et défendrons la place, seuls, peu importe l'adversaire qui nous fait face !

 — Mais, général ! objecta un homme. Nous devrions appeler les dieux ! Vu l'ampleur du bruit, on ne sait...

 — Silence, souillure ! Moi vivant, jamais je n'aurais ni le besoin ni le déshonneur d'importuner un dieu. Jamais ! Me suis-je bien fait comprendre ? ... Réponds-moi !

 — Mais vous avez dit "silence" et...

 — Me suis-je bien fais comprendre ?

 — Oui mon général ! Seulement, puis-je me permettre d'émettre une...

 — Non.

 — Très bien... Toutefois, je pense que...

 — Silence !

 — Mais vous, silence, à la fin ! Je dis qu'il faut au moins prévenir les autres campements !

 Le général se tourna vers ses trois conseillers. Ils parlèrent à voix basse.

 — C'est pas une mauvaise idée, fit l'un d'eux.

 — Non, mais je ne peux me permettre d'accepter sa requête. Il m'a trop mal parlé, et laisser passer ce manque de discipline engendrerait la bérézina, vous comprenez... Mon autorité ne doit pas être insultée de la sorte.

 — Vous n'avez qu'à le punir exemplairement tout en disant "c'est ce que je comptais faire" ou une phrase comme ça.

 Le général se retourna vers le récalcitrant pour annoncer la nouvelle, les sourcils froncés, le front plissé. Quand il faisait cette tête, c'est qu'il n'allait pas être clément. Pourtant, ce ne fut pas ce que l'indiscipliné redouta le plus.

 — Là-bas, général !

 — Cessez de pointer du doigt des menaces invisibles ! Vous serez de corvée jusqu'à la...

 — Putain général, on est attaqués !

 — Très mauvaise farce. Vous préférez le cachot ?

 Par acquis de conscience, le général tourna sur lui-même, l'air de rien. Quatre guerriers inconnus au bataillon couraient, sortant de derrière les buissons. L'homme de guerre eut une sueur froide lorsque Mastiff embrocha un de ses soldats.

 — Aux aaaarmes !

 Il se retourna vers l'impoli, signifiant par son expression du visage qu'il s'excusait. L'intraitable sourit. Enfin, il avait eu raison face au tyran. Satisfait, il tomba sur le ventre, une flèche plantée entre les deux omoplates. Le chef remarqua alors d'autres anonymes entrants dans l'enceinte du camp. Non, pas anonymes. Il en reconnut un. Un des prisonniers.

 — On nous encercle !

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