25/ Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Tu dois en être un.

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  Connectées, la panthère et sa maîtresse ne conversaient pas par le prisme d'une télépathie, mais plutôt, leurs pensées se combinaient pour en créer une unique. Ainsi reliées, elles se sentaient complètes, mais différentes. Séparées, elles désiraient immédiatement ressentir la puissance et l'intelligence qu'elles avaient reçues, mais craignaient également de disparaître en se fondant l'une dans l'autre.

 Ensemble, elles formaient alors une troisième personne. Un jour, elle décida de se nommer, et elles acceptèrent. Sa naissance officielle fut proclamée : Elle s'appelait Deux.

 Souvent, celle qui décidait le lien en premier pouvait influencer Deux plus que l'autre pendant un temps avec un objectif précis. C'est ainsi que Deux et Pollah ne purent discuter la volonté de Karathris.

 Elle voulait convaincre Iridar.

 Deux imaginait très bien la conversation qu'elle aurait avec le Gardien. Inutile, embarrassante, elle risquait même de créer des hostilités.

 Le chemin trop court pour qu'un assemblage parfait puisse se créer, Karathris et son obstination décidèrent d'aller à sa rencontre tout de même. Quoi qu'il puisse en coûter.

 Le Gardien fut satisfait de voir la centième cage s'ériger, bien qu'il en restât le double à construire. En prévision des futurs contrevenants, Iridar en fit construire le triple.

 "Ils discuteront ton autorité et ton choix. Ils ne savent pas comme nous ce qu'il y a de mieux. Certains comprendront seulement après coup tes raisons", lui avait expliqué l'Arbre.

 "nos raisons" et "mes raisons" n'auraient pas aussi bien fonctionné.

 Iridar ne se doutait pas que le choix des mots pouvait le manipuler si aisément.

 Karathris se coupa de Pollah puis descendit d'elle. La déesse grimpa elle-même la colline. Le Centaure se tourna, laissant à Karathris la vue sur le désordre et le massacre en contrebas.

 — Te revoilà déjà. As-tu changé d'avis ?

 — Oui. Et non. Ton conseiller est la véritable menace.

 Iridar ne cacha pas sa surprise face à une si soudaine révélation.

 — Qu'est-ce que tu me racontes ?

 — Je vais te demander ne pas m'interrompre et de me laisser dérouler mon rapport.

 Le Gardien acquiesça et Karathris lui conta son altercation avec l'Arbre sacré.

 Il soupira.

 — Il t'a révélé tout ça, comme ça ?

 — Absolument.

 — Ce serait stupide de sa part. Et cela ne lui ressemble pas.

 — Oui, ça l'était. Il espérait sans doute que je me rallie à sa cause en usant la terreur. Malgré tous ces millénaires, il ne me connait pas encore suffisamment. Tout le monde fait des erreurs, tu es le premier à le savoir.

 — Écoute, il n'a jamais trahi ma confiance, tout comme toi. Lequel des deux devrais-je croire ?

 — Celle qui ose te contredire. Celle qui parfois aussi te laisse agir comme bon te semble. Celle qui ne dicte pas ta conduite. Mais là, non, je me dois de te la dicter. Il est temps de mettre un terme à cette hécatombe.

 — Nous n'avons tué personne, nous les emprisonnons juste le temps qu'ils comprennent.

 — Je te parle des exterminations dont tu es responsable, et de celle que tu t'apprêtes à commettre.

 — STOP ! Toujours, j'ai effectué ces sacrifices pour la bonne cause, pour un avenir plus prospère. Et oui, parfois, nous devons accomplir des horreurs pour la beauté.

 — Tu détruis le présent radieux pour un lointain futur que tu crois paradisiaque. C'est utopique. Jamais il n'existera, et toujours nous devrons tuer pour lui. Il n'arrivera jamais, c'est un fait. Ton arbre devrait le savoir, lui qui prétend connaître le futur à la perfection.

 — Tu doutes de ses dons de divinations ?

 — Je suis certaine qu'il en possède, malheureusement. Mais, aussi fort soit-il, il ne peut être le réceptacle de l'infinité. L'infinité de futurs possibles. Impossible. Certaines éventualités lui échappent sans aucun doute. Il ne peut donc pas contrôler tout à fait ce qui adviendra. Voilà une autre raison qui prouve que ton paradis radieux n'est qu'une chimère. Sinon, pourquoi m'aurait-il tout révélé si ça se devait se retourner contre lui ?

 "Parce qu'il savait que tu ne me trouverais pas crédible quoiqu'il advienne.", se répondit mentalement la déesse pendant le silence qui suivit.

 Le centaure resta perplexe, le regard rivé sur le sol.

 — Arrête de me mentir. Je ne te crois pas. Je l'ai vu à l'œuvre. Chaque fois il a eu raison. Et quand il a eu tort, c'est parce que je n'ai pas appliqué ses conseils à la lettre.

 — Voilà comment il te contrôle sans que tu ne t'en rendes pleinement compte.

 — Ce n'est qu'un simple instigateur, pas le sombre marionnettiste que tu t'évertues à me décrire. Il m'avait bien signalé que personne ne changerait d'avis avant la résolution de cette affaire, pas même-toi. Il avait raison une fois de plus.

 Iridar avala sa salive et, cette fois-ci, regarda la déesse dans les yeux avec au fond des siens un profond chagrin.

 — Va-t'en, Karathris. Nous enfermons ceux qui s'opposent à nous. Ne t'oppose pas davantage.

 Elle détourna la tête en serrant les dents, puis quitta le promontoire du Gardien. Son seul occupant observait désormais les cages avec plus de culpabilité et de doutes.

 Karathris flanqua son poing dans un rocher pour soulager sa frustration.

 Ses formes pervenches s'illuminèrent.

 "On te l'avait bien dit", lui signifia Pollah tandis qu'elles reprenaient le contact avec elles-mêmes.

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