2/ La rumeur

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 « Ah oui, j'aime la nature ! Tout est calme et paisible, merveilleux et beau, un rythme agréable la compose. Le silence règne, pas un bruit, seule la mélodie du vent et des oiseaux. »


 Il essuyait son front trempé de son bras relativement peu musclé comparé à la norme de son métier, lorsqu’une voix parvint jusque à ses oreilles. Un homme, plus petit, recouvert d’une armure de métal, s’approchait. Il remarqua son air enjoué, visible puisqu’il portait son casque sous son bras.

 — Hé ! J'ai trouvé un super truc !

 « Lui, il ne fait pas partie de la nature, continua Quinquati pour lui-même, parce que je ne l’aime pas. C’est un soldat. Déjà que je n'aime pas la guerre, mais lui c'est un tire-au-flanc. Il faillit à sa tâche, se prend pour le meilleur, mais dès qu'un ennemi arrive, il fuit. Aussi, il ne prend jamais le temps de nettoyer les cochonneries qu'il laisse dans la forêt. Mais par-dessus tout, c'est un crétin de première ! Il vient régulièrement se balader ici, parce que tout est beau soi-disant. Venant de lui, j'ai un sérieux doute. Il est incapable de regarder la nature correctement, et s'il vient flâner, c'est surtout pour ne pas assumer son rôle de garde. Et malgré tout ça, il se croit fort, il pense pouvoir sauver notre village de tous ses ennuis. Là aussi, j'ai un doute. »


 Quinquati aimait bien se rappeler avant chaque conversation à qui il avait à faire, afin de réagir en conséquence. Cette habitude avait cependant un effet néfaste ; trop souvent, il réagissait en fonction de la première impression qu'il s'était faite de son interlocuteur, ignorant parfois ce qu'il lui racontait. Ainsi, il ne voyait pas les intentions pures du soldat, bien qu'il fût oisif.


 — J'ai découvert quelque chose qui pourrait t'aider, et aider le village en prime !

 — … Dis toujours.

 — Tu te rappelles, l'autre fois, quand tu m'as reproché de pas travailler assez ?

 — Vaguement...

 — J'y ai repensé, et je me suis dit que toi au contraire, tu te tues à la tâche.

 — C'est toujours mieux que rien.

 — Peut-être. Mais je sais comment te soulager de ce poids !

 — Super.

 — Je sais ! Comme t’es mon ami, je te file le scoop que j'ai entendu. On n’est pas censé répéter aux citoyens les détails de ce qu’on nous raconte, mais pour toi, je veux bien faire un effort.

  — C’est surtout que tu t’en fiches de la loi.

  — Ouais, aussi. Bref. Il y a un arbre géant vers ce côté ! T’auras juste à le couper, puis tu pourras te reposer sur tes acquis et prendre ta retraite.

  — Ce n'est pas dans mon habitude de me reposer sur mes acquis.

  — C'est normal ! T'en as pas !

  — Je ne suis pas comme toi, avec ta paye mensuelle sans rien faire, à part des balades.

  — Hé hé ! T'es rigolo toi ! C'est pour ça que je suis ton pote !

  — Ah... En tout cas je ne suis pas paresseux.

  — Tu comprends tout de travers, cet arbre, ça va te prendre deux semaines à le couper, mais grâce à lui le village entier en aura pour dix ans de bois ! Ça vaut le coup, pas vrai ?

  — À ce point-là ? s’intéressa soudainement Quinquati, arrêtant provisoirement de tailler son tronc, avant de reprendre, se rappelant des farces que Malgati adorait faire, ainsi que de sa tendance à tout exagérer. Et comment tu sais ça ?

  — Des chasseurs, amis de mes collègues, ont raconté qu’ils pourchassaient une bête énorme qui pourrait leur fournir un sacré tas de viande. Elle ressemblait à un ours qu’y disaient, mais celui-ci il s’est enfui au lieu de s’énerver quand il a reçu des flèches. Et il courait vite. Ils l’ont suivi, ici même dans cette forêt. Ils ont perdu sa trace, mais ont poursuivi les recherches. "Une bestiole comme ça", qu’y disaient, "c’est pas tous les jours qu’on en trouve". Ils sont finalement tombés sur cet arbre géant, et ils ont décidé de rebrousser chemin. J’ai pas tout entendu, mais les chasseurs sentaient comme un mauvais présage quand ils l’ont aperçu. Et puis Fenihart, le meilleur archer, a disparu sur le chemin du retour. Ils ne savent pas où il est passé.

 — Sacrée histoire, ponctua le bûcheron sans enthousiasme. C’est une belle légende qu’ils ont racontée là.

  — Moi non plus j'y croyais pas au début. Cette histoire d’ours trouillard et pacifique, c’est trop curieux. En tout cas, je suis allé voir. J’ai pas vu l’ours, mais l’arbre, ça oui !

  — Par hasard, ce n’est pas toi qui serais en train de mentir ?

  — Je le jure sur ma parole que non ! Tu as juste à partir par-là, puis tu suis le sentier dans le même sens. À un moment la route fait des zigzags, tu n’as qu’à tourner à droite avant, couper par les bois, et tout droit jusqu’à une clairière. Et au milieu de celle-ci, je te le donne en mille : l’arbre géant !

 — Cela ne m’intéresse pas. C’est bien trop loin, je prendrais trop de temps à tout ramener au village, et je ne crois pas que cet arbre soit si grand que tu le croies.

  — Comme tu voudras ! Bon, faut que j'aille faire semblant d'occuper mon poste, à plus !

  — Ouais, ouais, c’est ça.


 Quinquati continua de trancher son petit arbre. Les mots du soldat résonnaient dans son crâne. Cette histoire ne pouvait que l'intriguer. Quand il n’entendit plus les pas de Malgati, il se retourna vivement, s’assurant qu’il ne le voyait plus. Il se mit alors en route.

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