Chapitre 1

4 minutes de lecture

Ce soir, je laisse mes soucis au placard. J’ai en main le sésame vers la Fête, The place to be, la Soirée de la reine de la nuit parisienne, l’excentrique Cassandra. Un carton épais dont le fond noir n'est brisé que par les lettres pailletées de mon nom : "Luc Nitsed". Au dos, le logo du club branché “La Virgule” scintille comme un diamant.

Ce soir, toutes les folies sont permises !

J’arrive à l’entrée. Marc, le videur (il préfère qu’on l’appelle “le physionomiste”) me dévisage, hoche la tête imperceptiblement et m’ouvre la porte sans un mot. Je fais en quelque sorte partie des murs.

Cassandra, outrageusement fardée, vient m’accueillir dans une robe ahurissante qui évoque un grand hibou. D’une voix éraillée, elle s’écrie :

« “Lucky Luc”, mon chou, comme tu es beau ! »

Je réponds par un sourire faussement modeste, puis par une petite boutade dont j’ai le secret.

« Vous aussi Cassandra, vous êtes ravissante. Très “chouette”, votre costume ! »

Elle rit de manière exagérée et m’embrasse affectueusement. Elle s'adresse toujours à vous comme si vous étiez le centre de son monde, comme si vous étiez unique. J’ignore quelle est la part de sincérité et celle de calcul dans son attitude - elle est chaleureuse avec tout le monde - mais j’ai arrêté depuis longtemps de me poser la question.

Je l'abandonne dans l’entrée, essuie discrètement la trace de rouge à lèvres qu’elle m’a laissé sur les joues, puis pénètre dans la vaste salle éclairée par des néons mauves. Musique électro, invités bien sapés groupés par affinités, tous très beaux et jeunes. Je reconnais deux ou trois animateurs télé, un acteur connu accompagné par deux bimbos, une brune et l’autre blonde. L’homme sait varier les plaisirs.

Sur deux cubes géants lumineux tout blancs, des jeunes filles en tenue légère se trémoussent au rythme du son.

Là, j'avise une jeune femme. Assise au comptoir, seule. Ses longs cheveux noirs tombent en cascade sur un corps que je devine étourdissant. Je distingue enfin son visage. C'est Olivia, je la reconnais immédiatement. Je m’assois à côté d’elle et demande au barman, d’une voix ferme mais polie :

« Un vodka martini, s’il vous plaît » .

Comme James Bond, la classe incarnée. Je me tourne vers elle :

« Et pour Mademoiselle, je prends quoi ? ».

Nullement impressionnée, elle esquisse un petit sourire mutin. “Champagne”. Je commande un Jeroboam, pour montrer que j’ai de l’oseille et que je m'en fiche de claquer cinq-mille euros d’un coup. Je sais qu'elle aime les hommes riches. Charmeur, je lui pose des questions sur sa vie, les femmes aiment qu’on s’intéresse à elles. Ses traits sont réguliers, sa bouche pulpeuse. Elle m'avoue se prénommer Olivia, être mariée à un PDG qui la délaisse, toujours entre New York et Singapour, alors elle trompe sa solitude dans les soirées hype à la recherche d’un peu de “compagnie”. Je sais déjà tout ça, mais je fais mine d'être intéressé. Tout à coup, elle me regarde fixement, puis dit avec aplomb :

« On ne s’est pas déjà vus quelque part ? »

Oui, on s'est vus quelque part, mais ça s'est mal passé, je ne veux pas le lui rappeler. Je lui réponds par la négative. Elle fait une petite moue, et me sourit d'un air mutin. Au fond de moi, je me gargarise : le message est clair, ce soir elle a bien l’intention de passer à la casserole, et je serai le chef cuistot. Au bout d’un moment, la conversation commence à ronronner.

Je l’invite à danser. Elle se plaque contre moi, sensuelle, je sens son souffle chaud dans mon cou. Le désir monte et j’ai tôt fait de l’amener dans une petite backroom aux tentures rouges et à la lumière tamisée. Réservée rien que pour nous, Cassandra ne peut rien me refuser.

J’ai apporté de quoi pimenter les choses, il faut savoir s’amuser. MDMA, coke, ecsta, kétamine : je lui donne le choix des armes. Elle ne semble pas surprise. Elle opte pour la première, “curieuse d’essayer”, et moi je me fais trois traits de C. sur la table en verre. A peine a-t-elle pris son produit qu'elle se fait câline, puis se soumet à moi. Ses pupilles dilatées me fixent amoureusement. De mon côté je me sens tout-puissant, maître des choses, des gens et du temps. Nous faisons l’amour comme des dingues pendant plusieurs heures entre rêve et réalité, le plaisir décuplé par les drogues qui coulent dans nos veines et se mélangent dans nos corps par l’intermédiaire de nos fluides respectifs.

Au petit matin, les effets des stupéfiants commencent à s’atténuer. J’ai un mauvais pressentiment, la descente certainement. Nous nous séparons en bons termes, il était clair dès le début que l’aventure resterait sans lendemain. Je prends ma Lamborghini et rentre chez moi en faisant bien attention à ne pas me faire pincer par les flics, jusqu’à ce que j’arrive enfin devant ma baraque, une somptueuse maison bourgeoise dans le XVIème arrondissement.

Lorsque je sors de mon véhicule, j’ai juste le temps de voir deux phares fondre sur moi. Puis un choc, sourd. Et enfin le trou noir.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 8 versions.

Vous aimez lire Caiuspupus ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0