Chapitre 26 :OLIVER ENTRE DANS NOS VIES

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 Comme promis, en fin de journée, on frappe à notre porte, je me lève et vais ouvrir. Un grand brun aux cheveux en bataille, une veste en cuir, un jean, des baskets aux pieds me sourit et me tend la main en disant :

—Bonjour, je suis Oliver Quinn, c'est Jon qui m'envoie, tu dois être Julian ?

—Bonjour, oui je suis Julian, entre et merci d'être là.

 J'avoue que je suis surpris, ce mec n'est pas plus âgé que nous, enfin je ne pense pas, où alors il emploie une super crème antirides. Oliver est rentré dans notre suite et il s'y est installé comme si nous le connaissions depuis toujours. Dès que j'ai serré sa main, j'ai su que ce gars allait nous aider, je sais qu'il va nous tirer de la merde dans laquelle nous nous trouvons. Il y a quelque chose de calme, de serein, de confiance qui se dégage de lui, le portrait opposé de Brian. Je ne sais pas pourquoi, et en le voyant s'approcher des autres, cette idée se renforce.

 Il se présente, puis regarde sa montre en nous disant : "il est temps d'aller bouffer un morceau, je crève la dalle".

—Mec, on n'a plus un rond, j'ajoute.

—Je sais, Jon m'a mis au courant de la situation, alors tu me fais plaisir et tu me laisses gérer les problèmes d'argent. Vous avez besoin de manger, tous autant que vous êtes. Je ne vous promets pas un resto français gastronomique, mais on descend et on s'installe au resto de l'hôtel.

 Nous nous regardons et nous sommes d'accord, cela nous fera du bien de manger un morceau, depuis le petit déjeuner, nous n'avons plus rien avalé et nous avons les crocs, tous les quatre. Nous habillons les enfants et nous les déposons dans leur poussette afin qu'ils nous accompagnent. Nous nous installons à une table, les enfants sont calmes, reposés. Un couple passe à côté de nous et nous fait une remarque "c'est scandaleux, deux enfants sans femme autour d'eux !".

 Je suis la grande gueule du groupe et mon sang fait un tour dans mes veines à cinq cents à l'heure. Thomas ne sait pas quoi dire, il déglutit difficilement, Hugo a attrapé ma main, mais c'est trop tard je me lève et je me dirige vers la connasse qui a fait la réflexion en lui disant :

— Vous avez raison, nous sommes cinq gars à s'occuper de deux enfants. Vous savez pourquoi ? Leur mère est décédée il y a deux jours en les mettant au monde, alors oui on s'en occupe, mais cela ne se voit pas que leur mère est décédée. Et dans des cas pareils, il y a toujours une imbécile pour faire des remarques, et cet imbécile c'est vous. J'ai rencontré un tas de gens dans ma vie, mais une conne telle que vous, c'est la première fois.

 J'ai pris la carafe d'eau qui se trouve sur la table et je la verse sur sa tête en ajoutant : "j'espère que cela vous mettra les esprits en place, évitez de juger avant de savoir, pauvre conne".

 Je suis retourné à ma table. Son compagnon n'a rien dit, elle s'est levée et elle a traversé le resto furibonde. Oliver a ajouté : "la grande gueule du groupe, je commence à comprendre pourquoi".

—Désolé mec, on ne m'a pas éduqué comme cela. On ne juge pas quand on ne sait pas, jamais.

 Le compagnon de "la connasse" s'est levé et s'est arrêté à notre table en disant : "Je vous présente toutes mes excuses pour son comportement et toutes mes condoléances pour la mort de leur mère. Merci, vous m'avez ouvert les yeux, je ne fais pas ma vie avec une femme telle qu'elle".

 La connasse avait pris à gauche en sortant du resto, le mec a continué tout droit. Nous nous sommes installés et nous avons commandé à manger, je crève la dalle. Le repas est délicieux, les enfants sont sages et Oliver est l'homme qu'il nous faut, il va nous trouver une solution, je le sais, je l'entends à sa façon de parler. Nous avons discuté de tout, de rien, puis il glisse gentiment dans la conversation :

—Thomas, si tu veux que je gère cela avec les guys, vas te promener, je peux comprendre que tu ne veuilles rien entendre.

—Je vais rester Oliver. Je veux savoir ce que tu vas faire.

—Comme tu le souhaites Thomas et si quelque chose ne te plaît pas, tu le dis, tu n'attends pas, pas de rancœur entre nous, promis ?

—Promis. J'ai une question ?

—Laquelle ?

—Pourquoi ?

—Jon m'a expliqué la situation et je lui ai donné mon accord pour vous aider alors je suis présent. J'ai écouté ce que vous faites, j'ai assisté à plusieurs de vos concerts, vous faites un taf extra ! Vous avez du talent, il faut le développer, mais aujourd'hui vous êtes dans la merde, et si quelqu'un ne vous tend pas la main, vous n'en sortirez pas, alors moi, je vous aide.

— Je comprends, tu travailles pour Jon et il te demande de t'occuper de nous ?

— Non, je ne travaille pas pour Jon, je suis un de ses amis et j'ai perdu mes parents dans un accident de voiture, il y a trois ans. Je sais ce que c'est d'être à la rue, dans la merde et de ne pas avoir de quoi bouffer. Après une longue procédure d'avocat, j'ai eu ce à quoi j'avais droit. Mes parents avaient beaucoup d'argent, mais ma tante a décidé que cet argent lui revenait et elle m'a mis à la rue. J'ai été sonné chez Jon et il m'a aidé. Aujourd'hui, je gère mon patrimoine, et j'aide les personnes qui en ont besoin, alors je vous aide.

—Tu as quel âge Oliver ? demande Hugo.

— J'ai vingt-deux ans, les gars.

— Ouais, à peine plus âgé que nous et tu as aussi connu la merde.

— C'est la raison pour laquelle je veux vous aider. Vous avez du talent, tous les quatre, vous êtes doués, vous êtes unis, soudés, un vrai groupe. Alors je vous donne un coup de pouce pour mettre tout cela en route.

—Pour que les choses soient claires, ajoute Thomas, on n'a plus un rond, je ne sais pas te donner un salaire. On n'a pas bouffé à midi car je ne sais plus payer. Il faut que tu le comprenne.

— C'est clair Thomas, j'ai compris et on est ici afin de vous sortir de la merde, pas pour vous y enfoncer plus loin. Je ne te demande aucun salaire, je veux juste de la franchise et de l'honnêteté. Si tu n'es pas d'accord, tu le dis et on procède autrement et c'est valable pour vous tous.

 On a commandé des cafés et on a continué à discuter de tous les points auxquels on pensait, le cercueil de Sarah, son rapatriement, le single, la promo, la tournée suivante avec Bon Jovi. A la fin de la discussion, Thomas s'est levé et il a dit: "je vais téléphoner à maman, j'ai besoin de lui parler". Je pars avec Thomas et nous montons dans notre suite. Il met le téléphone sur haut-parleur.

—Bonsoir maman.

—Bonsoir mon lapin. Comment vous allez ?

—Maman....

—Mon lapin, cela ne va pas, tu ne m'appelle jamais "maman". Dis-moi ce qui ne va pas.

—Bonsoir maman, j'ajoute.

—Bonsoir Julian. Vous avez une voix d'outre-tombe. Parlez !

—On a une bonne nouvelle et des dizaines de mauvaises nouvelles, ajoute Thomas. Je me rapproche de lui, nos chaises sont côte à côte,  il s'installe dans mes bras et essaie de parler :

— La bonne nouvelle maman, c'est que j'ai deux enfants magnifiques !

 Carole est folle de joie, elle pousse un cri de joie et nous bombarde de questions :

 Leur prénom, leur poids, la taille, ils mangent? Ils dorment? Ils vont bien.... et j'en passe. Nous répondons à toutes ses questions, Carole est aux anges et j'avoue que lorsque nous y répondons, nous sommes heureux aussi, ces enfants sont notre avenir.

— Pourquoi êtes-vous aussi tristes mes fils ? Nous demande-t-elle. Il y a quelque chose que vous ne me dites pas. Parlez, s'il vous plaît.

 Nous prenons une grande inspiration tous les deux, mais aucun des deux n'arrivent à parler et c'est en mettant quelques mots bout à bout, entre nos larmes que nous expliquons à Carole que Sarah est décédée.

— Seigneur, ce n'est pas possible. Vous êtes où ? Rentrez à la maison. On vous attend.

— C'est ce que l'on essaye de faire maman, j'articule péniblement, on essaye.

 Thomas essuie ses larmes, une fois de plus. Je déteste le voir ainsi, je voudrais pouvoir lui prendre toute sa douleur et l'envoyer au loin. Quand je le vois ainsi j'ai l'impression que l'on ne sortira jamais de cet enfer, qu'il ne sortira jamais de ces eaux troubles. Qui nous a infligé un tel châtiment ? Qu'avons-nous fait pour devoir payer ainsi ? Je vendrais mon âme au Diable, s'Il me promettait de rendre le sourire à Thomas. J'aime cet homme, c'est mon frère, et je suis totalement impuissant face à la douleur qu'il ressent.

 Nous sommes restés encore un bon bout de temps en ligne avec maman. Une maman est la personne la plus importante au monde. Je sais de quoi je parle, la mienne, la biologique ne veut pas de moi, alors je sais ce que cela fait de vivre sans maman, je comprends ce que les enfants de Thomas endurent. Je sais aussi que Carole va faire tout ce qu'elle peut pour nous aider. Cela fait plusieurs minutes que nous avons raccroché et que nous sommes en train de pleurer dans les bras l'un de l'autre, lorsque Oliver entre.

 Il se met à genoux entre nous deux et nous passe une main sur les épaules. J'ai confiance en lui, je sais que j'ai fait une bonne chose en ayant contacté Jon. On lui doit une fière chandelle, aux deux d'ailleurs. Sans ces deux hommes-là, j'ai l'impression que l'on ne sortira jamais de ce bourbier.

— Les gars, je ne vous promets pas que cela va s'arranger, je pense que je ne peux rien faire pour soulager la peine que vous avez, et personne ne le peut, mais je vous promets que le côté logistique est en route, vous serez bientôt à la maison, encore un peu de patience.

— Tu fais un boulot extraordinaire Oliver, merci, nous lui répondons.

 Thomas ajoute : "merci mec, j'ai besoin de repos. Julian est là, j'ai entière confiance en lui".

 Il se lève et retourne dans sa chambre. Il a besoin de sommeil. C'est une coquille vide, il est au bout du rouleau, il traîne les pieds et arrive difficilement à mettre un pied devant l'autre.

— Julian, j'ai besoin de diverses choses.

— Je t'écoute, je lui dis en essuyant mon visage maculé de larmes.

— Il me faut une copie de l'acte de décès.

— Il est dans ma chambre, je te le donne tout à l'heure.

— Je prends quoi comme cercueil ? Du sapin, du chêne, du méranti ?

— Du sapin, Sarah adore l'odeur du sapin.

— Enterrée ou incinérée ?

— Enterrée chez nous, il faut que nous puissions aller se recueillir sur sa tombe, c'est important pour nous, pour nous tous.

— Ok, cela sera fait. Il faut aussi une copie de l'acte de naissance des enfants, pour pouvoir leur faire prendre l'avion.

— J'ai cela aussi.

 Oliver a continué comme cela pendant un long moment, mais à chacune de ses questions, je savais que je rentrais à la maison. Nous allons y arriver, lentement mais sûrement. Nous avons loué deux camionnettes pour mettre tout notre matériel musical et de puériculture, afin d'aller à l'aéroport. Un pilote nous a accueilli en nous présentant ses condoléances. On dit que c'est dans l'adversité que l'on reconnait ses amis, je sais que nous sommes bien entourés. Nous n'avons rien à craindre, la vie nous a joué un sale tour, mais voilà on est à nouveau sur de bons rails.

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