CHAPITRE 20 : JUILLET 1989 NAISSANCE DE JESSICA

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"Nothing is as important as passion.

No matter what you want to do with your life, be passionate"

Jon Bon Jovi

 Nous sommes toujours à Mansfield, Sarah n'est plus capable de voyager, pourtant nous avons envie de rentrer chez nous, mais c'est impossible. Nous n'avons pas les moyens de nous payer un billet d'avion et nous sommes à plusieurs milliers de kilomètres de la maison. Il y a une tension monumentale au sein du groupe et bien sûr cela éclate entre Thomas et moi. Thoma se déchaîne : 

— Merde, fait chier Brian. On est dans la merde avec ce con !

— Relax mec, on va trouver une solution ! On a toujours trouvé une solution.

— Toi aussi tu me gonfles, Julian ! Non, on n'a pas de solution. Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, Sarah ne peut plus bouger, elle va accoucher, on n'a plus un rond, on n'est pas à la maison. Merde, sois réaliste pour une fois ! Dit Thomas en tapant du poing sur la table.

— Je te gonfle peut-être, mais je n'ai pas mis Sarah enceinte et je n'ai pas signé avec Brian, alors tes remarques tu te les gardes. Toi aussi tu m'emmerdes !

— Quoi, ça veut dire quoi ce genre de remarques ? Je n'ai pas signé tout seul avec Brian !

— C'est ton banquier qui est venu avec ce mec, ce n'est pas moi qui l'ai contacté !

— Tu fais chier Julian, fallait prendre des contacts alors si tu n'es pas content ! Merde, ce n'est pas à moi de tout faire !

— Tu fais quoi ? À part te lamenter ? Tu penses que c'est positif ce que tu fais en ce moment ?

— Et toi, tu fais quoi ? Fais pas chier, c'est pas le moment !

— Ce n'est jamais le moment avec toi. C'est ton idée qui prime !

— C'est faux, je vous ai toujours demandé votre avis, toujours !

 Hugo est arrivé à ce moment-là.  Il s'est levé du fauteuil,  déterminé, les bras et mains crispés le long du corps et j'ai cru qu'il allait nous foutre son poing sur la figure, à l'un comme à l'autre, mais très calmement, il nous a dit :

— Taisez-vous ! L'un comme l'autre. Vous ne pensez pas un mot de ce que vous dites ! Silence j'ai dit ! On doit se concentrer sur Sarah et sur les enfants de Thomas, le reste est accessoire. Silence  !!!!!! Allez faire un tour et revenez quand vous serez calmes ! Maintenant !

— Je sors Thomas, Sarah a besoin de toi. Salut, bonne soirée à tous.

  Je quitte la pièce d'un pas rapide, j'ai pris l'ascenseur. Merde, je ne pense pas un mot de ce que je lui ai dit. Il faut que j'aille m'excuser. Il ne commande pas, ce n'est pas vrai. L'air est frais, il est pratiquement vingt-trois heures, j'aurais dû prendre un pull. Mes pas s'accélèrent et au bout de dix petites minutes, je suis en train de courir, j'ai froid. Mais quel con je peux être, pourquoi je me dispute avec Thomas à cause de Brian. Il a tout gâché ce connard-là. On est dans la merde, Thomas a raison, on a une dette de quatre-vingt mille dollars sur le dos et Brian a disparu de la circulation. Je ne sais pas comment on va rembourser cela. Notre premier single est produit, mais il sera dans les bacs dans deux semaines seulement, merde, que va-t-on faire d'ici là ?

 Je ne sais pas combien de temps j'ai couru, mais cela m'a fait du bien. J'ai les idées claires. Je rentre à l'hôtel et je sais que je vais commencer par m'excuser auprès de mon frère. On a tous signé, on est tous en tort et c'est ensemble que l'on va s'en sortir.

 Il fait étrangement calme dans notre suite, mais bon il est un peu plus d'une heure du matin. Dans l'entrée il y avait une ambulance, un malaise pour l'un des voyageurs je suppose. Après une bonne douche, je m'habille et je me dirige vers la chambre de Thomas, elle est vide.

— Thomas ? Sarah ?

 Aucune réponse. Ce n'est pas normal. Je vais vers la chambre d'Hugo et Hector, elle est aussi vide. Pourtant toutes les affaires sont là. Merde, l'ambulance. J'arrive à la réception au pas de course :

— Monsieur, s'il vous plaît, l'ambulance c'est qui ?

— C'est votre amie monsieur, elle va accoucher. Je vous fais conduire à l'hôpital. Hank, conduis Monsieur à l'hôpital. Son amie va accoucher.

— Merci, merci mille fois, merci !

 Je trouve Thomas à l'entrée de l'hôpital. Il est assis tout seul, par terre, occupé à pleurer. Mon cœur cesse de battre, Thomas devrait être le plus heureux des hommes, la femme qu'il aime est en train de lui donner deux enfants.

— Thomas ! Je me suis mis à genoux et je le prends dans mes bras. Je ne l'ai jamais vu pleurer comme cela. Thomas, parle ! Qu'est-ce qui ne va pas ?

— Quelques minutes après ton départ, Sarah a commencé le travail. Elle n'a pas voulu partir directement. On vient de l'amener ici, mais on ne me laisse pas entrer. Il a mis plusieurs minutes avant de me raconter cela, ses pleurs redoublent à chaque mot.

— On ne te laisse pas entrer ???? C'est ce que l'on va voir ! Viens, on y va ! Maintenant !

 J'ai pris Thomas par les bras. Il prend appui sur mes épaules et nous arrivons à la salle d'accouchement. Beaucoup de personnes sont en train de travailler, j'accoste une infirmière :

— Madame, s'il vous plaît, Sarah Thorman, s'il vous plaît.

— Vous ne pouvez pas entrer. On doit travailler !

— Madame s'il vous plaît, Thomas est le papa, il doit entrer !

— Je vous ai dit non !

 Ces quelques mots bouillent dans mon cerveau. Je n'ai jamais frappé une personne et certainement pas une femme, mais là, je ne me contrôle plus. J'ai déposé Thomas contre un mur et j'ai attrapé l'infirmière par le col de son uniforme :

— Et c'est vous qui allez m'empêcher de rentrer ? Allez chercher encore quelques personnes pour faire cela. Je veux être présent et mon frère aussi. Alors vous allez nous donner des vêtements et nous laisser entrer.

 Je pense que mes yeux lancent des éclairs, je suis en colère ! Thomas doit assister à la naissance de ses enfants. Elle revient quelques minutes plus tard en me disant que Sarah est en salle "deux". Nous nous y rendons. Thomas est en état de choc. Sarah est sur une table, allongée, son ventre est énorme. Elle pleure, mais sans bruit, elle masse son ventre et parle aux enfants. Son regard rencontre le mien et elle me tend la main. Thomas s'installe de l'autre côté. Elle a pris nos mains dans les siennes.

— S'il y avait une personne sur laquelle je pouvais compter, c'était toi Julian. Tu te souviens de ce que tu m'as promis, il y a quelques jours ?

— Oui bien sûr Sarah, mais tout va bien, ma puce. Un peu de courage, tout va bien !

— Non Julian, cela ne va pas bien. Je fais un empoisonnement du sang, je ne m'en sortirai pas, alors tu vas me promettre de t'occuper de mes enfants et de Thomas et de tout le groupe. Promets-le-moi !

— Sarah, ça va aller ! On va trouver une solution !

— Julian, merde ! Promets-le-moi ! En me disant cela, elle a serré ma main. J'ai l'impression qu'elle va me broyer les os. Mon regard croise celui du médecin, elle a raison, elle ne s'en sortira pas.

— Je te le promets ma chérie, aujourd'hui, demain et les centaines d'années qui suivront.

 On a mis une chaise pour Thomas et une pour moi. Sarah se débat pour mettre au monde deux magnifiques enfants. Elle sert toujours ma main, mais elle s'est tournée vers Thomas :

— Thomas, ne pleure pas. Tu m'as fait le plus beau des cadeaux, j'ai senti la vie grandir en moi et c'est magnifique. Mais tu vas devoir prendre la relève. Ce sont nos enfants qui sont là et ils vont avoir besoin de leur père.

— Sarah, ne parle pas comme cela. Ma puce, s'il te plait, reste avec nous.

 Son visage est inondé de larmes. Je n'ai jamais vu une personne pleurer autant, j'ai un sentiment d'impuissance en moi.

— Je suis là Thomas, mais pas pour longtemps et je veux que tu saches que tu es ce qui est de meilleur dans ma vie. Je suis heureuse avec toi, avec ta famille, tes frères. Tu m'as donné l'amour, la joie, le bonheur. Je sais ce que c'est que d'être comblée et c'est grâce à toi. Merci, je t'aime Thomas. Tu m'as fait découvrir la joie, les rires, la maternité et je t'aime mon Thomas.

— Epouse-moi Sarah, s'il te plaît. Il se tourne vers moi, les joues maculées de larmes et ajoute :"trouve-moi un prêtre s'il te plaît".

 J'ai embrassé la main de Sarah et je suis sorti. J'arrive à la réception de l'hôpital et je demande où trouver un prêtre.

— Il n'y a plus personne, Monsieur à cette heure, mais la maison d'en face est celle du curé de la paroisse.

— Merci, j'y vais.

 Je traverse la rue et tambourine sur la porte. Il est plus d'une heure du matin, mais j'ai besoin d'un prêtre. Un homme à peine plus âgé que nous ouvre la porte, ses traits sont tirés, je viens de le réveiller c'est certain.

— Mon père, bonsoir, toutes mes excuses, mais j'ai besoin d'aide.

— Que puis-je faire pour vous mon fils ?

— Habillez-vous et venez avec moi, s'il vous plaît.

— J'arrive. Me dit-il.

 Il revient deux ou trois minutes plus tard. Je me suis appuyé contre la porte et je suis en train de prier, pourtant j'ai l'impression que cela ne sert à rien, ma demande va rester sans réponse, j'en suis persuadé.

— Qu'y a-t-il ? Que puis-je faire ?

— Mon amie Sarah donne naissance en ce moment même à deux magnifiques bambins. Mon frère Thomas et elle sont fous amoureux. Elle ne s'en sortira pas, elle fait un empoisonnement du sang. Ils veulent se marier, s'il vous plaît, mariez-les, s'il vous plaît.

— Mon Dieu, faites quelque chose ! Ce sont les premières paroles du prêtre. Il se signe tout en parlant.

— J'espère qu'Il vous entendra. J'ai l'impression qu'Il est occupé ailleurs. Mais merci mon père.

 Nous arrivons quelques minutes plus tard. Nous avons mis des vêtements d'hôpital. Sarah est effondrée, elle est pâle comme un linge, j'ai l'impression qu'elle n'a plus de forces, pourtant, j'entends le médecin qui lui dit "allez ma grande, encore un petit effort, allez, on y va". Je me suis mis derrière Thomas. Ses yeux sont rougis et gonflés. Je ne l'ai jamais vu dans un tel état. Il murmure des paroles réconfortantes à l'oreille de Sarah, leurs doigts sont entrelacés, et puis tout d'un coup, on entend un cri, puis un deuxième. Son premier enfant est présent.

— Thomas, mec, tu es papa ! C'est génial ! Thomas, regarde !

 L'infirmière nous présente une jolie petite fille. Thomas n'a plus la force de bouger. Il est concentré sur Sarah. Ses forces diminuent de minutes en minutes, cela se voit sur son visage. Je prends ce magnifique petit être dans mes bras. C'est une femme, elle braille.

— Bonjour ma chérie, bienvenue. Je suis tonton Julian, viens, je vais m'occuper de toi, viens ma belle.

 Thomas l'a regardée, en passant sa main sur ses cheveux mouillés. Je la prends dans mes bras et elle me sourit.

— Regardez, elle me sourit !

— C'est tout à fait impossible, mon garçon, me répond le médecin.

— Moi, je vous dis qu'elle me sourit !

 Et je sais que c'est vrai, ce n'est pas une idée, j'en suis persuadé. Cette magnifique petite fille me sourit.

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