CHAPITRE 18 : JULIAN JUILLET 2013

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"Je crois en toutes les idées, jusqu'à ce qu'elles soient réfutées.
Donc je crois aux fées, aux mythes, aux dragons.

Tout existe, même si ce n'est que dans votre esprit.

Qui est en mesure de dire que les rêves et les

cauchemars ne sont pas aussi réels que ici et maintenant ?"

John Lennon

 Il est un peu plus de onze heures quand on ouvre un œil. Je n'ai plus l'âge de faire l'amour toute la nuit, disons que je récupère moins vite. Jessica est allongée à côté de moi et c'est la première fois que je me réveille auprès d'elle, après avoir passé des heures à lui faire l'amour et j'adore cela. Il fait chaud, elle a rejeté les draps de ses jambes et son corps nu s'offre à moi. Je ne peux pas m'empêcher de déposer une quantité infinie de baisers sur son épaule et dans son dos. Elle se réveille, j'entends sa respiration qui accélère. Elle se met sur le dos, les bras au-dessus de la tête et c'est tout sourires qu'elle me dit : 

— Bonjour Julian dit-elle en m'embrassant tendrement sur les lèvres.

— Bonjour ma belle, bien dormi ?

— Bien oui, mais pas assez. Tu occupes mes nuits, me dit-elle les yeux brillants de désir.

 Je ne peux pas lui résister, je ne le veux pas, c'est différent. Il nous faut encore une bonne demi-heure afin que nous soyons en dehors de notre lit. Après une douche, on descend rejoindre le reste de la famille.

 Thomas est au téléphone avec Dorothé via Skype et cela ne se déroule pas bien, comme d'habitude. Ils ne sont pas faits pour vivre ensemble. Ils ont eu quatre enfants, mais j'ai l'impression que ce sont les seuls points communs qu'il a avec elle.

— Doro s'il te plaît, je te demande juste d'être présente un jour au mois de septembre, merde, on est au mois de juillet, tu ne vas pas me dire que tu ne peux pas te libérer en ayant plus de deux mois pour établir un planning.

— Pas question, Thomas, je suis à une réunion d'art martial et je suis la présidente de la fondation, je ne peux pas rater cela, c'est toi qui devrait bouger.

— Non, je ne rate pas la cérémonie des Awards.

— De toute de façon, vous êtes nominés, que veux-tu de plus ?

— Doro, je voudrais que tu sois là, s'il te plaît.

— Pas question, tu te débrouilles, bonne journée.

 Elle a raccroché. Thomas balance tout ce qu'il y a sur la table par terre en jurant tous les saints du paradis et de l'enfer, je pense. Je m'approche de lui, je passe mes mains autour de son torse et je lui parle doucement :

— Relax mec, relax, on fera sans elle. On trouvera une excuse, comme d'habitude. On n'a pas besoin d'elle, tu le sais bien. Relax, respire, encore....respire, encore...

  En lui répétant cela plusieurs fois, il s'apaise, se détend. Il pose sa tête sur mon épaule se tourne et je sens son front contre ma gorge. Sa respiration se calme. Je pense que lorsque nous sommes énervés l'un comme l'autre, on ne peut se détendre que grâce à la présence de l'autre. On est resté plusieurs minutes comme cela. Si je donne la cadence pour la respiration, c'est lui qui décide de se remettre en route. Il a pris mes mains dans les siennes et mentionne :

— Tu as toujours dit que je n'aurais pas dû l'épouser, j'aurais dû t'écouter, ce que je peux être con, merde !

— Hey, tu as quatre magnifiques enfants avec elle, tu ne les aurais pas eus autrement. Rien que pour cela, cela en valait la peine.

— Je sais, mais je ne la supporte plus. On aurait dû divorcer depuis longtemps, on n'est pas heureux.

— Tu finiras par trouver la personne qu'il te faut, un peu de patience, je lui dis en embrassant son crâne.

— C'est le célibataire endurci du groupe qui me fait cette réflexion ???? Tu y crois ? me questionne-t-il en se retournant, mais en gardant toujours mes mains dans les siennes.

— Oui j'y crois. Il y a quelque part une femme faite pour toi et une autre faite pour moi. Tu vas voir, on finira par trouver et si on ne trouve pas, on habitera ensemble.

— On habite déjà ensemble et depuis plus de trente ans, me dit-il en souriant. Il ajoute, merci, tu as réussi à me calmer, comme toujours.

 On se lâche, et on ramasse tout ce qui est au sol. Je prends une bouteille de whisky en mains et j'ajoute :

— Merde, un Jameson, tu aurais pu éviter !

 Il me sourit et me bouscule à l'épaule et c'est dans une ambiance bonne enfant que l'on nettoie le tout avant de se mettre à table. Je prends ma place habituelle, en face de Thomas, à côté de Jessica. J'essaye de ne pas faire de gaffes, d'agir comme d'habitude, mais c'est quoi agir comme d'habitude ? Je voudrais la prendre dans mes bras, crier au monde entier que j'ai la chance d'avoir trouvé la femme de ma vie. Je suis capable de le faire face à la planète, mais pas face à l'homme qui est assis devant moi. Jessica doit ressentir mes émotions, car elle glisse sa main sur ma cuisse et effectue de petits massages qui me calment.

 Jackson lance une idée géniale, j'y adhère tout de suite.

— Les gars, comme vous êtes au repos pendant trois mois, vous ne viendriez pas avec nous en Europe, afin de voir à quoi sert votre argent ? Cela pourrait être sympa, il y a surement des coins en Europe que vous ne connaissez pas. Vous n'êtes pas en tournée, cela vous ferai de la promo hors tournée ? Qu'en penses-tu papa ?

— Pourquoi pas, c'est une idée à creuser, je ne dis pas non. Qu'en pensez-vous les gars ? Quelques semaines en Europe, on pourrait faire un peu de tourisme aussi.

 Je trouve cela parfait, je vais pouvoir passer du temps avec Jessica, il ne faut pas oublier qu'elle a signé un contrat avec Solvay, elle doit aller travailler sur le vieux contient. De plus, depuis que les enfants se sont investis dans ce genre de projets, nous les soutenons en versant une partie des recettes de nos concerts. Alors, oui, pour moi c'est une excellente idée d'aller voir sur place ce que l'on fait avec notre argent. Heureusement, je ne suis pas le seul à trouver l'idée bonne. Durant l'après-midi, nous sommes dehors au soleil à discuter des endroits à visiter en Europe.

— Merci Jackson.

— De quoi ? me répond-il.

— Je ne savais pas quoi raconter à votre père pour vous accompagner, l'idée est géniale, merci.

— De rien tonton, me dit-il en souriant et en levant son verre. Ma sœur est heureuse et cela suffit. Elle a enfin trouvé celui qu'il lui fallait et c'est toi. Je suis heureux de vous savoir ensemble. Elle peut compter sur toi, je sais que tu la protégeras, elle sera bien avec toi, même si il reste un long chemin à parcourir, mais vous y arriverez, avec du temps, on arrive à tout.

— Merci fils, je lui dis en le prenant dans mes bras.

Thomas s'avance et nous dit :

— Alors, ça va mieux ? Plus de "connard" dans la phrase ? interroge-t-il.

— Tout est en ordre, nous répondons en cœur.

 Et c'est vrai, je me sens bien, je suis à ma place, avec les gens que j'aime, avec mes enfants, avec mes frères, avec la femme que j'aime.

 Comme prévu, avec une semaine de retard pour Jessica et Jackson, nous embarquons pour l'Europe, et ce qui est rarissime pour nous, nous prenons un avion de ligne. Lorsque les tournées s'arrêtent, une grande partie de notre équipe est au repos. Ceux qui peuvent être remplacés, le sont. Bien sûr, certains restent auprès de nous, comme nos gardes du corps. Mais le staff volant prend congé. Cela peut sembler présomptueux, mais nous apprécions d'être au calme pour voyager. Nous arrivons aux portes d'embarcation et la chef de cabine me dévisage. Merde, mon visage lui rappelle quelqu'un ! Et pour cause, une semaine plus tôt je lui ai expliqué qu'il fallait que je retrouve la femme de ma vie. Je m'avance auprès d'elle et elle me sourit :

— Bonjour, vous avez retrouvé la personne que vous cherchiez ?

— Bonjour, oui tout à fait. Encore merci pour votre aide. Je peux encore vous demander un service ?

— Tout ce que vous voulez !

— Ne dites rien à personne. Aucun membre de la famille ne sait que nous nous sommes retrouvés et je veux que cela reste comme ça pendant encore quelques temps.

— Pas de soucis, ne vous inquiétez pas, je fais passer le message, mais par contre, une des hôtesses me dit qu'elle pense que vous faites partie d'un groupe de rock ?

— Nous ?

— Oui, vous. Elle me dit que vous êtes Julian le guitariste du groupe et que le grand blond là-bas c'est Thomas, le chanteur. C'est vrai ?

— Qu'en pensez-vous ? je lui réponds tout sourires.

— A voir votre sourire, c'est vrai ! Désolée je ne vous remets pas. J'aime le "rap" me dit-elle en ayant les joues légèrement rosies par la gêne.

— Le "rap"????? Ce n'est pas de la musique, c'est du bruit, une association de mots... je lui réponds et en ajoutant, mais votre collègue à raison. Je pense que l'on a toute la first pour nous ?

— Je ne sais pas qui est "nous" ? J'ai un tas de noms différents me dit-elle en me tendant la liste des passagers de la first.

— C'est nous, notre famille, pas de soucis. Et si votre collègue veut passer, on se fera un plaisir de faire quelques photos avec elle, je vous le promets.

— Tu promets quoi encore ? me demande Thomas, en arrivant derrière moi.

— De faire quelques photos avec le personnel de cabine, on a des fans dans l'avion...

— Ouais, pour une fois que l'on prend un avion de ligne, je sais pourquoi on a acheté des avions privés.

— Hey.....t'as mal dormi mec ?

— Non, désolé, Doro me fait chier ces derniers temps et je viens encore de l'avoir en ligne. Il se tourne vers la chef de cabine et ajoute : "toutes mes excuses, Madame, faites venir le personnel de cabine quand nous serons installés. Je vous promets que je mets ma mauvaise humeur de côté".

— Pas de soucis et merci de votre gentillesse. Le personnel de cabine sera content.

 Nous montons à bord et nous nous installons. Effectivement, nous sommes en first et nous sommes seuls. Enfin seuls, c’est-à-dire, nous tous, mais seuls, pas d'autres voyageurs. Je m'installe à côté de Thomas comme je le fais à chaque fois que nous sommes dans un avion. Nous nous sommes mis à l'aise, après avoir fait quelques photos et signé quelques autographes. Les couchettes sont confortables. Je suis allongé sur mon côté gauche et Thomas est face à moi.

— Ca va mec ? Tu n'as pas l'habitude de bouffer le nez des gens.

— Je sais bien et je ne sais pas pourquoi je m'en suis pris à la chef de cabine. Ils sont tous supers gentils et attentionnés.

— Tu sais, tu as épousé Doro, c'est comme cela. Tu as quatre moufflets avec elle, il faut l'accepter.

— Je sais, mais je ne le supporte plus, enfin elle je ne la supporte plus. Tu sais que j'adore nos enfants, mais j'en ai marre. Je me suis encore cassé le cul durant notre tournée pour les galas de charité qu'elle organise. J'ai été présent à chaque fois. Elle m'a fait traverser le pays pour deux soirs, mais merde, quand moi je demande qu'elle soit là, pas possible. Elle m'emmerde et sérieusement. J'ai besoin d'autre chose, Julian.

— Tu sais ce que tu veux ?

— Je veux être heureux Julian, je ne demande pas plus et j'ai l'impression que c'est la chose la plus difficile au monde.

— Lennon a dit : "A l'école on m'a demandé ce que je voulais faire plus tard. J'ai répondu "heureux". Ils m'ont dit que je n'avais pas compris la question, j'ai répondu qu'ils n'avaient pas compris la vie". Lennon avait raison. C'est sans doute le but ultime de chaque être humain sur la planète et c'est sans doute le plus difficile à accomplir. Je le lui confirme en le prenant dans mes bras.

 Il s'y installe comme on s'est toujours installé dans les bras l'un de l'autre. Mon regard croise celui de Jessica qui m'envoie un baiser et un clin d'œil, je lui réponds de la même façon.

— Tu es heureux Julian ? me demande Thomas.

— Je ne me plains pas mec, honnêtement, on s'est plutôt bien débrouillé non ? Tu te souviens qu'en dernière année, Robinson nous a demandé ce que l'on voulait ? Le jour où Sarah est arrivée à l'école et j'ai répondu que je voulais que l'on remplisse des stades, toi tu as dit que si on remplissait les bars du coin, cela ne serait pas mal. J'avais raison ! Enfin comme d'habitude !

— Je m'en souviens, mais je me souviens surtout que tu as dit à Robinson que tu voulais que les gens qui écoutent nos chansons réfléchissent, se posent et se disent "Waouh, cette chanson me fait penser à telle ou telle chose", c'est de cela que je me souviens et j'avais adoré ta réponse, me dit Thomas.

— Alors, on y est arrivé, mec ! On a rempli les bars, on remplit toujours les stades et quand je lis les critiques des concerts, je sais que l'on a fait notre taf. Les gens réfléchissent au sens de nos paroles, alors oui, je pense que dans l'ensemble je suis heureux. J'ai atteint une partie de mes objectifs, même si je n'ai pas tout ce que je souhaite.

— Il te manque quoi ?

— Te présenter la femme de ma vie, par exemple.

— Tu as quelqu'un et je ne suis pas au courant ? m'interroge Thomas.

— Non, …..pas encore, mais un jour je te présenterai la personne que j'aime et là je sais que l'on sera arrivé à ce que l'on voulait.

 Je me rends compte qu'il y a eu un temps d'hésitation dans ma réponse, mais je suis incapable de parler à Thomas. Cette situation me ronge, et tous les jours un peu plus.

— Tu vois, on cherche la même chose, je suis marié et toi coureur de jupons et aucun de nous deux n'est heureux. J'envie Hugo et Jennifer. Ils sont vraiment heureux ces deux-là et tout ce que l'on a pu dire ou faire, n'a jamais entaché leur amour. C'est cela que je veux trouver.

— Avec le temps, on va y arriver !

— Tu sais que l'on a quarante-deux ans !

— Et alors ? On n'est pas encore à la moitié de notre vie ! On va trouver et puis je t'ai dit, autrement, on reste habiter ensemble, j'ajoute en le serrant dans mes bras et en embrassant ses cheveux.

— Encore???? Cela fait trente ans que l'on habite ensemble !

— Heureusement que tu es plus doué en musique qu'en maths, mec !!! Cela fait trente-quatre ans que l'on habite ensemble, j'avais huit ans quand j'ai débarqué chez toi.

— Un des meilleurs jours de ma vie, avec la naissance de mes enfants.

— Pour moi aussi, mec, pour moi aussi !

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