CHAPITRE 17 : LA PREMIÈRE SCÈNE

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"I don't know anyone who can really explane music.

What it does to the brain, what it does to the heart. But it does something that we need."

Bruce Springsteen

 C'est à ce moment-là que Brian entre dans la chambre, en faisant beaucoup de bruit et en mâchant un bonbon de façon très bruyante. Je ne sais pas pourquoi, mais il y a quelque chose que je n'aime pas chez lui :  ses vêtements sont trop criards, son sourire est trop faux. Je ne suis pas le seul et avant que je n’ai pu dire quoi que ce soit, Julian intervient :

— Salut Brian. Il va falloir mettre les choses au point et dès maintenant.

— De quoi tu parles fils ? dit-il en tirant sur son blazer.

— Je ne suis pas ton fils, mes parents sont Carole et Adam, et ici tu es dans notre chambre. Tu es notre manager et pour quelques semaines, pas plus, alors tu frappes à la porte avant d'entrer et tu ne rentres plus dans aucune de nos chambres. Il y a un salon, tu attends à cet endroit.

— Tu te prends pour une star,  petit !

— Absolument pas, je me prends pour ce que je suis, à savoir ton employeur. Alors tu vas bouger ton cul et sortir de cette chambre, tu t'assieds dans le salon et quand on sera prêt, on viendra te voir. Bouge ton cul, maintenant !

 Sarah n'a rien dit, moi non plus, Brian est sorti en claquant la porte.

— Je suis désolé Thomas, je ne veux pas jouer au chef, mais je ne l'aime pas.

— Moi non plus !

— Pourquoi tu as signé alors ?

— Il nous faut un manager, il est une connaissance de Monsieur Bertrand, je me dis que pour commencer, ce n'est pas mal, mais je ne veux pas continuer à travailler avec lui.

— On est d'accord, comme d'habitude.

— Tout à fait et encore une chose, je ne suis pas le chef, tu dis ce que tu as sur le cœur, cela ne me choque pas que tu prennes la parole.

 On s'est habillé et on a été rejoindre Brian dans le salon. Il était occupé au téléphone, il parlait de tournées en Europe, Julian s'est fâché !

— Brian, on a signé pour une tournée, celle de Bon Jovi. On commence avec cela. On y va calmement, on ne parle pas de l'Europe, pas pour l'instant, alors tu arrêtes de passer des heures au téléphone sans que l'on ait demandé quoi que ce soit. Je vais essayer d'être clair, nous sommes l'employeur, tu travailles pour nous et tu es grassement payé pour le faire, alors tu fais ce que l'on te demande, ni moins, ni plus.

— Tu oublies une chose, petit, c'est Thomas le leader du groupe, pas toi.

— C'est toi qui oublies une chose, Brian, je suis le leader vocal du groupe. Les autres membres du groupe ont autant à dire que moi, alors si Julian te fait une remarque, c'est qu'il pense que cela se justifie. Entre temps, tu sors, on a besoin de calme. Bonne soirée !

 Brian est sorti en claquant la porte, cela ne marchera jamais avec ce type, il a une vision tout à fait différente de la nôtre. Je suis content que nous ayons signé pour une seule et unique tournée, pas plus.  Nous sommes partis en direction du stade, nous sommes entrés dans les coulisses et le groupe de Bon Jovi nous a accueillis au même titre qu'un U2 ou un Scorpions. C'est ce que j'aime chez Jon, c'est un homme vrai, il fait attention aux personnes, pas à l'aspect extérieur.

 Vers dix-neuf heures, c'est à notre tour de monter sur scène, Hector monte en premier suivi d'Hugo, puis Julian, puis moi. Je ne sais pas pourquoi, mais on vient d'instaurer une habitude, on montera toujours sur scène dans cet ordre. Le public nous acclame, alors qu'il ne nous connaitt pas, c'est grandiose. Je m'installe devant le micro et j'avoue que je dois prendre plusieurs grandes inspirations avant de pouvoir commencer. Une femme en première ligne de la fosse me sourit, et je me focalise sur elle afin de pouvoir débuter :

— Bonsoir Providence ? Vous allez bien ?

 Un tonnerre d'applaudissement se fait entendre et cela me décontracte, je me sens bien ici sur cette scène, je suis chez moi.

— Vous ne nous connaissez pas, enfin pas encore, et j'avoue que c'est notre première grande scène, alors si on fait quelques erreurs, il ne faut pas nous en vouloir.

 Le public était chaud pour faire notre connaissance et nous avons commencé à chanter et à jouer. C'était grandiose, formidable, exceptionnel. Je ne connais aucun mot qui peut décrire ce que je ressens en ce moment.  Nous avons chanté pendant un peu plus d'une heure, je me suis arrêté, j'ai présenté les autres membres du groupe, puis nous avons repris. Je me suis arrêté régulièrement afin d'expliquer le pourquoi de l'écriture ou le pourquoi du choix de cette chanson. A chaque fois, le public m'écoutait et j'ai adoré pouvoir communiquer de cette façon, c'était magique.

 En réalité, la magie n'a fait que commencer et elle s'est terminée tard dans la nuit. Bon Jovi est monté sur scène un peu plus de deux heures trente après nous. Nous étions censés faire un concert de première partie d'une heure, un peu plus, mais pas deux heures trente. Jon nous a laissé faire et c'est le plus beau cadeau qu'il a pu nous faire.

 Pourtant, personnellement, j'ai reçu un autre cadeau de sa part. Nous sommes nés le même jour, c’est-à-dire aujourd'hui le deux mars. En voyant Jon Bon Jovi entré sur scène avec un gâteau en main pour me souhaiter un bon anniversaire pour mes dix-huit, cela a été le plus beau jour de ma vie. Richie est entré avec un gâteau pour Jon et nous avons soufflé nos bougies, j'ai dix-huit ans et Jon en a vingt-sept.

— Bonsoir Providence ! débute Jon, avec nous toujours sur scène.

— Je vais prendre la parole, car les petits jeunes là sont occupés à prendre toute la soirée pour eux.

 Il a un sourire immense sur les lèvres, mais il a raison, on occupe beaucoup de place !

— Alors vous avez aimé ?

  Un "Hard Night, we want more" résonne dans la salle pendant plusieurs minutes.

 Je suis aux anges et Jon sourit sans retenue. Il s'approche de moi et me dit :

— J'ai misé sur le bon cheval, je crois en vous, vous êtes doués, très doués. Vous irez loin !

 Je ne sais pas si je fais bien ou pas, je ne le connais pas depuis longtemps, mais je me mets dans ses bras en lui disant "merci" des dizaines de fois. Il enroule son bras autour de mes épaules et me dit "tu m'accompagnes sur "Living on a Prayer" ? 

 Ce n'était pas une question, mais une affirmation. Il vient de me tendre un micro et une fois de plus, je constate que c'est un homme au grand cœur.  C'est un cadeau inestimable pour mes dix-huit ans. Richie demande à Julian de se mettre à ses côtés pour le jeu de guitare, Hugo va rejoindre Alec et Hector et Tico discutent batterie. Nous sommes à neuf sur scène pour commencer le concert de Bon Jovi, "enfin" diront les fans.

 Accompagner Jon Bon Jovi représente pour moi l'aboutissement de la quête du Saint Graal. Un rêve d'ado qui se réalise, j'étais content de pouvoir porter leurs valises alors chanter avec eux sur scène c'est tout à fait indescriptible, surtout que Jon nous a demandé de rester. Il a trouvé que c’était "plutôt bon" ce que l'on faisait, alors on a chanté avec eux durant leurs deux heures de concert.

 Il est presque une heure du matin, et j'avoue que je commence à fatiguer. C'est notre premier concert en salle, on a fait fort, on a chanté plus de quatre heures, je suis crevé, mais aux anges et les autres aussi, surtout quand je vois Julian se jeter sur moi. On a l'impression de voir un vieux couple, il est dans mes bras et on tourne sur nous même en riant et en pleurant. C'est sans doute l'un des plus beaux jours de ma vie.

Les Bon Jovi arrivent et Richie nous regarde en disant :

— Et les gars ! Vous avez assuré, c'était grandiose, vraiment, mais on va se mettre d'accord, vous n'allez pas nous voler tous nos fans !!!! Vous les avez conquis, ils ont adoré, vraiment, ajoute-t-il un immense sourire sur les lèvres.

— Merci Richie, mais sans vous, on n'y serait pas arrivé, lui dit Julian en lui tendant la main.

 Les embrassades, les accolades, les mots gentils et quelques remarques clôturent la soirée. Pour eux, pas de fiesta, un rythme calme et posé après la scène : on mange et on va dormir. Je n'arrive pas à fermer l'œil, je suis trop excité pour cela. Je rejoins Sarah dans notre chambre, elle s'est déjà douchée et elle est allongée. Elle a besoin de repos, cela se voit, malgré tout quand je la rejoins, elle semble avoir repris des forces et elle n'a pas du tout envie de dormir. Je me suis allongé sur le dos et elle s'est mise assise sur moi, son ventre commence à être trop proéminent pour une autre position, pourtant l'envie est toujours présente, plus que jamais.

 Les jours passent, les semaines aussi et nous sommes sur les routes. On ne s'entend absolument pas avec Brian, mais rien ne manque, nos bus sont confortables, nos avions à l'heure. Les soirées se ressemblent et nous ouvrons les concerts dans des salles mythiques qui se trouvent à Syracuse, Oklahoma City, Kansas City, San Diego, Las Vegas, Toronto, Montréal, Mansfield sera la dernière ville de la tournée en date du 29 juin 1989 et j'avoue que j'ai un pincement au cœur, surtout lorsque ce dernier soir, Jon s'approche et me dit :

— Vous avez assuré, vraiment, aujourd'hui comme les autres soirs, mais j'ai l'impression encore plus ce soir. J'ai une proposition, réfléchis, tu sais où me joindre et si tu ne me dis pas "oui", tu me joins pour aller boire un verre ou manger un morceau, mais je voudrais que tu réfléchisses et sérieusement.

— De quoi tu parles, Jon ?

— Je voudrais que vous continuiez avec nous.

— Jon, Sarah est sur le point d'accoucher, elle a besoin de repos.

— Je sais, je l'ai vue, son ventre s'arrondi. Vous avez l'air heureux ensemble.

— On l'est réellement, alors je voudrais être auprès d'elle, elle n'est plus capable de voyager comme cela. Elle ne dit rien, mais je le vois.

— Je m'en doute, mais je voudrais que tu réfléchisses. Laisse-moi parler, dit-il en me coupant la parole et en levant sa main pour m'interrompre. Prends ton temps, donne-moi des nouvelles pour tes enfants et revenez nous rejoindre en novembre pour la tournée qui débute en Australie. On sera à Brisbane le 31 octobre et le 1er novembre, puis on fait l'Europe, puis on fait l'Amérique du Sud.

— Tu es sérieux ?

— J'ai l'air de ne pas l'être ?

— Non, pas du tout, mais je ne m'y attendais pas.

— Ecoute, vous faites un super taf et nos fans vous réclament, surtout depuis que vous avez annoncé la sortie de votre premier single. Alors, oui j'ai envie de continuer avec vous et je pense que l'on devrait être plus souvent ensemble sur scène, nos voix se marient très bien, j'adore !

— J'en discute avec les autres, je sais que cela sera oui, mais je veux leur en parler.

— Tout à fait normal. On se tient au courant et dans tous les cas, je veux des news de tes bambins. Des jumeaux, tu as fait fort pour une première !

— Je sais, mais j'en suis heureux et Sarah aussi, je lui réponds un grand sourire sur les lèvres.

— C'est le principal, ne pense pas aux autres, pensez à vous. Viens on va bouffer un bout, je crève la dalle.

 Le dîner se fait dans un superbe restaurant français. Tout est bien organisé comme d'habitude. Sarah est fatiguée, je pense que nous devrions rester deux ou trois jours de plus, elle n'en peut plus, j'ai l'impression que son ventre va exploser.

 Nous sommes à Mansfield au Texas, loin, très loin de chez nous. J'ai envie de rentrer à la maison, j'ai besoin de revoir mes frères, mes parents, mais Sarah ne supporte plus de voyager. Elle a vraiment besoin de repos et je la comprends. Quand je vois son énorme ventre, elle est vraiment ronde, enfin c'est normal, elle attend des jumeaux. Les enfants sont prévus pour le 8 juillet, elle est presque à terme et son rôle de maman lui va à merveille. Elle est confiante, elle a confiance en elle, en moi, en nous, en l'avenir.

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