CHAPITRE 14 : LE DÉBUT DE LA PASSION

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"Your hero might wear a cape, but mine is full of tattoos and saves people through his music."

Slash - Saul Hudson - guitariste des Guns N' Roses, leader de Slash's Snakepit et de Velvet Revolver

 Nous sommes sortis sur la terrasse, une bouteille de vin blanc et deux verres en mains. Je me suis installé sur un transat et Jessica s'est mise à côté de moi. Vu que personne, à part Jackson, ne sait que nous avons passé la journée à faire l'amour, cela ne se remarque pas. Nous avons passé de nombreuses soirées ainsi enlacés. J'ai déposé un plaid sur nos jambes, je n'aime pas avoir froid aux pieds et Jessi non plus. Je commence mon récit après avoir goûté ce magnifique Sauvignon. Il va nous accompagner une bonne partie de la nuit !

— Nous sommes au nouvel an de 1988/1989. Ton père était fou amoureux de Sarah. Tu sais, ils se sont rencontrés un mercredi et le vendredi, ils étaient dans le même lit. Remets-toi à l'époque, c'était moins libertin que maintenant, même si on n'était pas des enfants de chœur. Enfin il faut dire que ta grand-mère a toujours eu l'esprit très ouvert. Elle nous expliquait qu'elle préférait nous trouver au lit chez elle, que de nous savoir avec des morpions parce que l'on avait passé la nuit dans un motel miteux dont les draps n'étaient pas propres.

 Le dernier week-end du mois d'août, ton père et moi, on a perdu notre virginité, avec la même fille et je t'assure que l'on n'a pas assuré ce soir-là, ni l'un ni l'autre. La fille se nommait Anna et elle nous a jeté l'un comme l'autre. Je pense que c'est la plus mauvaise nuit de notre vie. Enfin, on est rentré en cours. On était en dernière année et dans les couloirs, ton père a vu Sarah et cela a été une véritable révélation pour lui. Je venais de trouver le mot que Hector et Hugo avaient mis aux valves.  Je voulais lui en parler, mais lui ne voyait que par Sarah. Le vendredi suivant, il l'a invité à dîner à la maison, puis ils ont été au cinéma et puis on a été au club de ton oncle Matthew. On a tous passé une excellente soirée. Ce soir-là, Sarah est rentrée avec nous. Hector et Hugo s'étaient déjà installés chez tes grands-parents. Il y a toujours eu quelque chose de magique dans cette maison. Une fois que tu y entrais, tu faisais partie de la famille, tu ne voulais plus partir.

— C'est ce qui t'est arrivé ?

— Ouais... disons que mon cas a été un peu différent. Mais lorsque ta grand-mère m'a vu la première fois, j'ai su que je serai bien avec elle, mais c'est une autre histoire. Revenons à tes parents.

 Il faisait beau pour la saison, nous sommes rentrés à pieds. On a été dormir, enfin sauf tes parents, ils n'ont pas beaucoup dormi, aucun des deux. Quand j'ai vu ton père le lendemain, il m'a dit "j'ai trouvé la femme de ma vie" et je pense sincèrement qu'il le croyait.

— Julian, vous aviez à peine dix-sept ans !

— Et alors, tu avais quelques minutes quand tu m'as souri !  je lui réponds.

— Là, tu marques un point.  Au fond de moi, j'ai toujours su que c'était toi et pas un autre. Me mentionne-t-elle en enroulant ses jambes autour des miennes. Raconte-moi -moi la suite, papa a toujours eu des difficultés à parler de lui et de maman.

— Je sais bien, ce n'est pas facile pour lui, pourtant cette période a été la plus belle de sa vie. Ils étaient des "âmes sœurs", tu sais vraiment l'un avec l'autre, l'un via l'autre, l'un pour l'autre. Je ne sais pas bien te l'expliquer, mais ils étaient vraiment heureux. Leur bonheur rayonnait autour d'eux. On était aux anges de les voir. Bon, parfois la nuit, je tapais sur le mur, j'avais besoin de dormir et ils faisaient beaucoup de bruit. C'est comme cela que j'ai décidé de prendre une chambre à l'opposé de celle de ton père quand on est venu habiter ici. Ils étaient vraiment heureux ensemble. Ils étaient faits l'un pour l'autre. Nous étions dans la même classe, on avait de supers cours, surtout Monsieur Robinson qui nous parlait de tout et de rien. Il nous apprenait la vie, pas un cours d'art, mais la vie et souvent quand on rentrait tous le matin en classe, il disait "bonjour les amants" quand ton père et ta mère entraient. Ils étaient heureux, repus, même s'ils avaient des valises sous les yeux car ils n'avaient pas dormi et cela arrivait souvent, crois-moi !

 L'année s'est terminée et nous avons eu les congés de Noël. Ta grand-mère nous laissait dormir tard le matin, on chantait le soir dans le country club de la ville, ou dans le night-club de Matthew, on avait besoin de récupérer. La veille de Noël, ton père est venu dans ma chambre en me disant "il faut que je te parle", il avait un sourire constant sur les lèvres depuis quelques jours, je l'avais vu mais je ne disais rien. Il s'est assis sur mon lit et il a dit "je vais avoir besoin de toi, et pour de nombreuses, très nombreuses années". Je t'avoue que je l'ai regardé, en me demandant ce qu'il voulait dire et puis il a ajouté : "Il me faut un parrain, Sarah est enceinte de jumeaux". Je n'ai jamais vu Thomas aussi heureux que ce soir-là. Il avait les yeux humides, mais il était vraiment heureux et je dois te dire que moi aussi. Notre famille allait s'agrandir et c'était merveilleux pour nous tous.

 Sarah était rentrée chez elle pour le réveillon de Noël, c'est la dernière fois qu'elle a vu ses parents. Moi, j'ai passé la nuit avec ton père, on s'est saoulé comme rarement on l'a fait. Le lendemain, Sarah a sonné à la porte avec deux valises en mains. Carole a ouvert, elle n'a posé aucune question. Elle lui a dit "tu es la bienvenue, tu rends mon fils heureux et il ne faut pas plus". A midi, nous sommes passés à table, toute la famille était présente et Thomas a annoncé qu'il serait bientôt papa. Nous étions tous très émus et très heureux pour lui, pour eux, pour votre venue. On a aussi été surpris car il a annoncé que Sarah attendait des jumeaux. Le visage de ta grand-mère s'est illuminé. Son plus jeune fils était le premier à lui donner des petits-enfants. Elle a toujours été très heureuse à chaque naissance, mais une fois encore, vous étiez les premiers et cela a été un des plus beaux jours de sa vie. Ce fut le plus beau Noël, ma belle. On était euphorique de vous accueillir. Je sais que je me répète, mais je n'ai pas d'autre mot pour décrire le bonheur qui existait.

 Le lendemain de Noël, les parents de Sarah sont venus en lui disant de rentrer à la maison, car il n'était pas question qu'elle vive avec un musicien dont les parents étaient pauvres. Tu imagines, nous on a été élevé et on vous a élevé dans l'amour, le bonheur, la tendresse. Tes grands-parents du côté maternel pensaient à la classe sociale. Sarah n'a pas voulu rentrer chez elle. C'était le jour de son anniversaire, elle était adulte, elle avait dix-huit ans. Ses parents lui ont posé un ultimatum, soit elle rentrait, elle avortait et elle aurait droit à une vie décente comme a dit ton grand-père, soit c'était la dernière fois qu'ils se voyaient. Ton grand-père Adam a demandé ce qu'elle voulait faire et elle a dit qu'elle voulait avoir ses enfants. Adam s'est levé et a mis un coup de poing à ton grand-père maternel en lui expliquant que c'était le coup de poing d'un pauvre, mais qui était heureux d'avoir bientôt des petits-enfants. Quand ils sont sortis, on a applaudi ton grand-père et Sarah s'est mise dans ses bras en lui disant merci. Il lui a expliqué qu'elle n'aurait pas une chambre aussi grande que celle dans laquelle elle vivait, mais qu'elle et les enfants auraient un toit et à manger tous les jours et le tout avec le bonheur et le sourire. Sarah est restée avec nous, et nous en étions très heureux, vraiment très heureux.

 Votre arrivée, enfin, votre conception a changé nos vies, à nous tous. Si vous n’étiez pas là, je ne pense pas que l’on serait devenu ce que nous sommes aujourd’hui. Sans vous, la vie serait différente, c’est certain. D’aussi loin que je me souvienne, ce fut le plus beau Noël, je n’ai plus jamais vu Carole et Adam aussi nantis. Ils allaient avoir leurs premiers petits-enfants et ils étaient fous de joie. Ne crois pas que la venue de ta sœur ou de tes frères n’a pas été un moment de bonheur, loin de là. Mais votre arrivée a changé quelque chose, je ne sais pas dire quoi, mais cela a impacté nos vies. Tu sais quand ton père est venu me trouver dans ma chambre, il était, je ne sais pas comment dire, il avait changé, il avait mûri, je pense aussi qu’il a pris dix ans en un coup. Il a été le premier à sortir de l’adolescence, même si on a tous les trois très vite suivis. Thomas était enchanté, fier de m’annoncer qu’il allait être papa, cela se lisait dans ses yeux, dans sa façon de se comporter, dans sa démarche. Quelque chose s'est modifié en lui, il est devenu "homme", je vais dire.

 Quand nous sommes retournés au lycée au mois de janvier, nous avions toujours Monsieur Robinson, et il est la première personne à avoir été au courant. Thomas lui a demandé d’aller déjeuner, on le faisait régulièrement, nous comme d’autres étudiants et lorsque Thomas lui a dit qu’il allait être papa, j’ai vu un véritable sourire se dessiner sur le visage de Robinson, il était content et il voulait partager son bonheur. Ce jour-là, il nous a aussi annoncé que l’on avait un engagement pour tous les samedis, et pas dans le club de Matthew. La radio de Tony Bongiovi nous donnait une heure d’antenne tous les samedis et ce jusqu’à la fin février. C’était énorme pour nous. Tony est le cousin de Jon et quand on voit ce qu’est devenu Bon Jovi, on a bossé comme des dingues pour pouvoir assurer, on y est arrivé. Avec du travail, je pense que l’on arrive à tout, surtout quand on le veut vraiment et nous on voulait vraiment réussir dans ce monde-là et honnêtement je suis fier du travail que l’on a fait. On fait partie des légendes du rock aujourd’hui et sans Robinson, sans Tony, sans votre arrivée, on n’y serait pas arrivé.

 Quelques semaines sont passées et Robinson nous a fait appeler chez le préfet. Tony Bongiovi se trouvait en face de nous, ainsi que Jon. Je t’assure qu’à l’époque on ne l’appelait pas Jon et on n’avait pas son numéro de téléphone. On l’appelait Monsieur Bon Jovi et si le préfet nous avait demandé de porter les bagages de Bon Jovi, on l’aurait fait et avec le sourire en plus. Tony avait fait écouter plusieurs de nos morceaux à Jon et je me souviens de ce qu’il nous a dit comme si c’était hier :

« Bonjour, John Bongiovi. J’ai écouté quelques-uns de vos morceaux et ce n’est pas mal. Certains sont bons, d’autres sont nuls à chier, mais on cherche une première partie pour nos concerts entre mars et fin juin. Si cela vous dit, on prépare un contrat et on vous attend sur les routes. »

 Thomas est tombé assis sur la chaise qui se trouvait derrière lui et je pense que je devais avoir l’air aussi abasourdi que lui, j’avais la bouche ouverte. Bon Jovi nous proposait de les accompagner, de faire leur première partie, c’était géant, grandiose, impensable. On a dit « oui », sans réfléchir, on a dit « oui » tout simplement. Déjà dans les années 80, ils étaient très connus, surtout aux USA et au Japon. Ils nous donnaient la chance de faire leur tournée américaine, on ne pouvait pas rester sans réagir, on a signé. Le contrat était en béton, Jon était vraiment équitable, surtout pour ce que l’on était à l’époque, c’est-à-dire des gamins qui étaient encore au lycée. Eux, ils cartonnaient avec « Living on a Prayer ». Ils ont toujours représenté ce que l’on aimait dans la musique, dans le rock, dans leur façon de travailler, et aujourd’hui encore ils représentent des monstres sacrés du rock.

— Tu porterais encore leurs bagages ? me questionne Jessica en souriant.

— Franchement ?

— Oui, franchement !

— Je le ferai avec plaisir. Ce sont des pointures en musique, ils remplissent des stades à longueur d’année, ils ont toujours été au top et tu sais bien que Jon est un ami aujourd’hui, mais oui, je le ferai avec plaisir, car sans eux, sans Jon, on serait peut-être chanteur, mais les avoir accompagnés nous a mis un pied à l’étrier.

— Raconte-moi la suite, j’aime t’entendre parler de maman. Papa est toujours très vague. Toi, tu cites des phrases, des expressions de cette époque et j’adore cela. J’espère qu’un jour tu écriras votre histoire, notre histoire.

— Pourquoi pas. C’est une bonne idée : « la vie des Hard Night ». Cela se vendrait, avec nos belles gueules en couverture !

— Idiot va !

— Comment, je n’ai pas une belle gueule ?

— La plus belle de toutes, me dit-elle en m’embrassant tendrement.

 Jessica s’est hissée sur moi, ses mains passent dans mes cheveux, encore et encore et je voudrais que jamais elle ne s’arrête. Ses gestes sont doux, tendres, possessifs et aimant et j’adore être l’objet de cette convoitise.

— Dis-moi, tu n’es pas tombé amoureux de ma maman ?

— Moi ?

— Oui, toi ! Vous avez tout partagé avec papa, tu m’as informé que vous aviez la même fille la première fois.

— C’est vrai, on a couché avec la même fille, le même jour, dans le même lit la première fois que l’on a fait l’amour, mais je n’aurais jamais dû m’approcher de ta maman. Le lendemain de la première nuit que ton père et ta mère ont passé ensemble, Thomas est descendu le premier. Il avait une tête de déterré, il était fatigué, mais aux anges. J’étais à la cuisine en train de faire des pancakes. Comme à son habitude, il a trempé ses doigts dans la pâte et il m’a dit, « Bonjour Julian, bien dormi ? Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, mais c’est la meilleure nuit de ma vie. J’aime Sarah, je suis heureux avec elle », et je dois te dire que cela se voyait, cela se lisait sur son visage, il était simplement heureux, et j’ai toujours aimé ton père. Il est la personne la plus importante de ma vie, alors le voir aussi comblé m’a fait comprendre que c’était sérieux pour lui et je n’ai jamais interféré dans leur histoire, jamais.

— Je sais que papa est la personne la plus importante de ta vie. Il a beaucoup de chance de t’avoir comme ami. Très peu de gens connaissent une amitié comme la vôtre.

— Je me suis mal exprimé Jessi. J’aime ton père, de tout mon cœur et s’il le fallait, je donnerai ma vie pour lui, sans explication, sans aucune question. J’ai dit qu’il est la personne la plus importante, mais je n’ai pas mentionné qu’il y a une autre personne tout aussi importante pour moi et cette personne, c’est toi. Je t’ai aimée depuis le premier jour et aujourd’hui j’ai enfin pris la bonne décision en passant par ton lit, alors oui, ton père est important pour moi, mais toi, tu es le rayon de soleil qui illumine ma vie, je t’aime Jessi.

— Je t’aime aussi Julian.

 J’ai pris le plaid que j’avais déposé sur nos jambes et je l’ai remonté jusqu’à notre taille. On ne fait plus qu’un, pourtant, Jessi est simplement allongée sur moi, nous sommes habillés, mes ses mains et ses lèvres parcourent mon corps et je n’ai qu’une envie, qu’une idée, lui appartenir. Nous avons passé plusieurs heures à faire l’amour aujourd’hui, mais malgré tout, je ne suis pas rassasié et elle non plus. Nos corps ont faim l’un de l’autre. Ses mains explorent mes bras et ses lèvres déposent de petits baisers le long de mon épaule. J’aime avoir ses paumes sur moi, j’aime sentir le dessin que ses lèvres forment. Elle esquisse un cœur sur mon épaule. Son cœur qu’elle me donne ou le mien qu’elle m’a pris il y a presque vingt-quatre ans maintenant. Je l’ai toujours aimée, toujours. Pourtant, à part un baiser torride le jour de ses dix-huit ans et aujourd’hui, il ne s’est jamais rien passé entre nous et en la regardant, je me dis que j’ai vraiment été un idiot, comment j’ai pu passer à côté de cela ? Comment j’ai fait pour vivre avec elle auprès de moi, mais pas à mes côtés, comment j’ai fait pour baiser avec toutes ces autres femmes ? Je sais que toutes ces questions resteront sans réponse, et je sais aussi que même si j’ai attendu toutes ces années, et je le regrette, je suis certain qu’aujourd’hui j’ai pris la bonne décision en entrant de cette façon dans sa vie. Cette femme est mienne et pour toujours.

Note  : Tony Bongiovi est le cousin du chanteur Jon Bon Jovi. Tony est aussi le propriétaire d’une radio et d'un studio d'enregistrement de New-York. Radio dans laquelle John Bongiovi a fait ses débuts avant de fonder le groupe Bon jovi. www.bonjovi.com

Note  : « Living On The Prayer » est un titre phare du groupe Bon Jovi provenant de l’album « Slippery When Wet » 1986 – www.bonjovi.com

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