Malentendu

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Elle m'avait dit d'apporter un animal de compagnie pour intervenir dans le service gériatrie, à l'hôpital des Condamnés. Un drôle de nom, mais on ne choisit pas toujours où l'on finit. C'est comme la prison baptisée Liberté. Un détenu qui revient de sa permission : il retourne en Liberté...

Bon, donc, j'étais en route vers l'hôpital, ça me ramenait à quelques dizaines d'années en arrière, où, avec l'association de C., nous avions obtenu une bourse du ministère de la Jeunesse pour acheter des instruments de musique et intervenir auprès des enfants contraints à visiter le service hémodyalise près de trois fois par semaine, quand ils n'étaient pas condamnés à y vivre définitivement.

J'avais ma bestiole près de moi, en montant les escaliers, vers le deuxième étage. Je poussai la porte et les infirmières m'offrirent leur sourire de bienvenue, depuis la semaine dernière. Je posai le panier sur une table et elles se regroupèrent avec impatience. Les petites vieilles et les petits vieux transféraient leur tendresse et leur amour aux animaux que les différents intervenants amenaient. C'était la deuxième fois que je participais à ce programme de soins avec animaux transitionnels. Mais la première fois, j'étais venu sans complice, simplement pour faire connaissance.

Winicott n'avait rien écrit sur le sujet ? A vérifier. Je racontais quelques anecdotes pour présenter mon camarade animal : Truman, je l'avais baptisé Truman, en référence au film de Peter Weir, un réalisateur aux thématiques liées à la liberté et aux manipulations dont les humains ne se méfient pas suffisammant... Y a qu'à voir Linky Show, nouveau dispositif de contrôle des populations.

Donc, j'ouvris la boite, je soulevai le carton. Lové près d'une belle pierre rosâtre aux reflets jaunâtres, Truman, mon python royal, souleva la tête vers la lumière artificielle du néon (in)hospitalier. Les infirmières décolèrent de leurs sandales, poussant des cris infinis à travers tous les couloirs de ce deuxième étage dédié aux vieilles personnes désolées, presque abandonnées.

Monsieur le juge, le serpent est le plus vieil animal de la planète, arrivé sans doute avant même nos ancêtres humains. Truman est tout à fait adapté pour comprendre la vieillesse, de surcroit il apprécie de serrer les cous bien chauds des impotants allongés. Il peut effectuer un travail d'une efficacité absolue puisque vos quotas en soins paliatifs ne doivent pas excéder un mois, avec une tolérance de dix ou quinze jours supplémentaires.

Le problème, c'est que là, ce n'est pas une bêtise, c'est carrément une connerie ! Monsieur le juge, face aux priorités planétaires, laissons les malades, les vieux, les enfants et les handicapés mourir. Le serpent annonce un retour aux origines, tel Ouroboros, symbole du temps cyclique, qui se mord la queue. Soyez heureux monsieur le juge, vos chiffres, vos quotas seront respectés grâce à Truman.

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