Lectures... jAUne...

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Depuis le temps que Le Voyage d'Hector (ou la recherche du bonheur) trainait sur mon bureau (un livre prêté depuis près de dix mois, par un ami), enfin je l'ai lu en deux jours, hier et avant hier. Style simple, accessible, volontairement naïf, et qui propose une enquête pour définir ce qu'est le bonheur. Petite odyssée sympathique au coeur de l'âme de l'imperfectibilité humaine qui fait bien sourire puisque nous pouvons tous nous y retrouver. Qui dit voyage dit image aussi.

Et puis L'Archipel du Chien, de Philippe Claudel, que j'avais commencé il y a quelques mois et que j'ai repris hier aussi. Les images sont percurtantes, cet enterrement des trois cadavres, de ces trois corps rejetés sur le rivage (ce mot : "rivage" fait résonner en moi le magnifique titre de Murakami : Kafka sur le rivage, ce mot qui rime tant avec naufrage...), comment les autochtones vont-ils enterrer — faire disparaître ses morts illégitimes — faire oublier ses âmes perdues ? C'est le début de l'ouvrage (écrit avant mars 2018...). Et avant-hier, avez-vous entendu cet adolescent dont on a retrouver son carnet de notes cousu dans ses habits ?

La réalité ce sont ces femmes, ces enfants et ces hommes qui veulent vivre, qui ne peuvent même plus survivre sur leur terre. Et le guetteur commente : ils fuient. En reprenant un toast "bonne année."

Cette image du trou dans la terre, de la bâche qui unit les corps, a fait surgir de ma mémoire cette scène d'ouverture d'Hamlet, mise en scène Thomas Östermayer (au théâtre des Gémeaux de Sceaux) où l'on enterre le roi assassiné par son frère — l'oncle d'Hamlet — dans de la vraie terre, boueuse car des tuyaux éjectent l'eau sur les protagonistes, silhouettes endeuillées, protégés par les parapluies auxquels ils s'accrochent, âmes coupables, désinvoltes, ambitieuses, complotistes et stériles. Où l'on apprécie l'humeur tragi-comique par la geste des fossoyeurs qui, tels des clowns malhabiles, glissent avec le cercueil du roi défunt, au fond de la terre humide et collante.

Richard III s'ouvre presqu'aussi sur le cercueil du roi transporté vers sa demeure finale. "Bon appétit messieurs, donc vous n'avez pas honte et vous choisissez l'heure, l'heure sombre où l'Espagne agonisante tombe, donc vous n'avez pas d'autres intérêts que remplir votre poche et vous enfuir après, fossoyeurs qui venez le piller dans sa tombe..." ainsi que Ruy Blas invectivait les Ministres français... Shakespeare, Hugo, poètes, témoins de leur temps, écrivains.

Et notre Représentant National qui voyage à la recherche des paroles de nos élus de proximité. Parce que lui il n'est qu'un élu d'éloignement, un représentant de la distance. Eh oui. Alors pour faire genre (qu'il n'y a pas de distance, d'éloignement) pour nous faire croire qu'il est parmi nous il use de "crac", de "pipe", de "connerie", car il y aura toujours des naïfs pour penser : tiens, il parle comme nous, c'est chouette ; sous-entendu, il nous comprend, et voilà, le tour et joué ! L'oncle d'Hamlet se marie avec sa belle-soeur et aventi, adelante, davaï !

Au Royaume de Shrek (Trump-Kim Jung One ?), des bonhommes jaunes ont batti des îlots d'insurrection : les Rond-Points. Les naufragés du libéralisme sont venus s'échouer sur les extrémités des villes, des agglomérations, rendues toutes semblables depuis quinze ans dans toute la France. Il n'y a plus d'élus sur les Rond-Points, il n'y a plus de représentativité, c'est chacun.e qui se représente soi-même, un gilet, une voix. Une voix, une âme. Une présence, un gilet. Et quelle créativité !

Parce que le jaune serait peut-être la couleur annonciatrice de l'espoir, comme les cailloux peints du Petit-Poucet vers son futur bonheur de retrouver son chemin. La conscience ne se satisfait pas des miettes. Que l'on n'ignore pas que les carrefours — que ce soit la Méditerrannée (entre deux continents), les Ronds-Points (entrer/sortir) — symboles du centre du monde pour celles/ceux qu'y l'occupent (y meurent aussi), sont hantés par les génies, par des dieux parfois redoutables. Le carrefour invite à l'arrêt, à la circonspection, à la réflexion ; lieu de passage d'un monde à l'autre, d'une vie à une autre...

Jaune bonheur (?)

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