Le Paradis Perdu

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Stupéfait et sans voix, Kael le regarda déplier sa haute silhouette et s’avancer vers eux du pas chaloupé et nonchalant caractéristique des ældiens. Mais le jeune mâle, s’étant planté devant lui, eut une attitude bien peu ældienne : il prit Kael entre ses bras et l’embrassa affectueusement sur les deux joues.

« Je suis heureux de te rencontrer enfin, mon frère, roucoula-t-il de sa voix sombre dans son oreille. Père m’a tellement parlé de toi ! »

Kael répondit à son embrassade machinalement. Mais alors qu’il enserrait ce « frère », il jeta un regard interrogateur à Nínim et Cerin.

« Voici Caoimhín, mais nous l’appelons tous Ciann, qu’il préfère, fit Nínim en esquissant un geste dans la direction du mystérieux garçon brun. C’est notre frère, Caëlurín. Le quatrième de la dernière portée de notre mère. »

Le quatrième de la dernière portée de notre mère… Kael répéta cette phrase dans sa tête, interdit. Comment était-ce possible ?

« Je pense que Ciann te racontera tout cela mieux que moi, murmura Nínim en posant ses yeux translucides sur le nouveau frère. Mais oui, Caël : nous avons un troisième frère. »

Kael tourna son regard sur ce frère en question. L’autre lui sourit immédiatement, le coin de ses malicieux yeux noirs remontant avec ses hautes pommettes.

« Je sais ce que tu te dis, mon cher Caël, ronronna-t-il en posant une main d’autorité sur l’épaule de Kael. Tu te demandes comment mon existence a pu vous avoir été cachée si longtemps, et pourquoi… C’est une longue histoire, et je suis le premier à en faire les frais, crois-moi. Si on m’avait demandé mon avis, j’aurais voulu être élevé avec vous, au sein d’une portée chaude et aimante, nourri au sein de ma mère.

— Ciann est le fils unique de Lathelennil, et en tant que tel, il est l’héritier au trône de Dorśa, crut bon d’expliquer Nínim. A cause de cela, il a été retiré à notre mère très jeune, étant né avec quelques jours de retard par rapport au reste de la portée, pour être caché et protégé par les Sœurs du Rouge. Contrairement à Lalaith et aux autres frères de Fornost-Aran, il n’a aucune tâche blanche, et il a donc été déclaré second dans la ligne de succession au trône d’obsidienne. Or, Fornost-Aran ne parle que d’abdiquer, à nouveau… Il veut partir à Tyrn-an-nnagh.

— Ce qui ferait de moi le nouveau Haut-Roi, ajouta Ciann avec un sourire désarmant.

— Le nouveau Roi de la Nuit », corrigea Nínim.

Horrifié, Kael ne cessait de regarder ce nouveau frère apparut de nulle part qu’on lui imposait. Il n’était plus le petit dernier de la portée. Il y avait désormais ce Ciann. Un « prince », qui plus est… Et le véritable fils de Lathelennil.

Voilà pourquoi Oncle Lathé était aux abonnés absents ces derniers temps, comprit Kael. C’était à cause de lui. De ce Ciann.

Une hostilité sans bornes envahit alors le cœur normalement joyeux et bien disposé de Caëlurín. Alors qu’il avait à peine quelques mois, ses parents, le croyant perdu, l’avaient remplacé par une nouvelle portée. Dedans se trouvait ce Ciann. Mais le fourbe avait attendu son heure, attendant de se révéler au moment où sa présence ferait le plus de mal possible. Né avec quelques jours de retard… Alors qu’il aurait dû sortir en même temps que les autres, il était resté bien au chaud dans le ventre de leur mère, lui occasionnant certainement d’horribles souffrances.

« Prenez le temps d’apprendre à vous connaître, tous les deux, fit Nínim en faisant signe à une eyslyn de servir à boire à tout le monde. Ciann a retenu une place dans une maison des amusements pour vous deux ce soir, afin que vous puissiez discuter face à un bon repas. Je m’occuperai de tes invités pendant ce temps-là. »

Kael se tourna vers ses amis qui le regardaient, le visage expectatif. A part Keita qui comprenait un peu l’ældarin, personne n’avait suivi les échanges.

« Je dois partir dîner avec mon frère, leur expliqua-t-il. Vous allez rester avec Nínim et Cerin. Ils vous feront visiter les environs.

— T’as combien de frères ? s’enquit Anguel en levant un sourcil.

— Deux, apparemment », répondit Kael d’un air absent.

Il glissa un œil vers Ciann, qui s’était remis à lire, décontracté et nonchalant. Puis il regarda à nouveau ses amis.

« Ça va aller ? murmura-t-il, concerné. Vous croyez que je peux vous laisser tout seuls ? »

Lui qui leur avait dit de ne pas le quitter d’une semelle…

« Bah, mis à part qu’on loge dans un arbre… C’est normal, d’ailleurs ? » s’enquit Anguel.

Le coeur de Kael s’accéléra d’inquiétude en imaginant la détresse que devaient sentir ses amis, à se trouver dans cet environnement si peu naturel pour eux.

Mais Keita posa une main rassurante sur son ami.

« Ne t’inquiète pas, Caëlurín, lui dit-il en imitant le phrasé de Nínim. Je connais ta famille, et je comprends un peu l’ældarin. On peut faire confiance à Cerin et Nínim. Je sais qu’ils nous préserveront des traquenards.

— Et puis, on est sur le Ráith Mebd, par sur un vaisseau unseelie », ajouta Yamfa, lui adressant le premier mot depuis trois jours.

Kael posa les yeux sur Omen.

« Tu peux compter sur moi, lui murmura alors Anguel, si bas que Kael se demanda s’il ne l’avait pas entendu dans sa tête.

— Merci les gars, fit-il alors. C’est cool de savoir que je peux compter sur vous.

— Pas de problème. On est ton équipage ! »

Tout le monde l’avait dit, même Yamfa.

Les dwols ont du bon, finalement, se félicita Kael. L’atmosphère féérique du vaisseau avait émoussé la colère de la jeune fille. Kael ne croyait tout de même pas qu’elle eut oublié pourquoi elle lui en voulait, mais au moins, pour le moment, elle n’y pensait pas.

Alors que des eyslyns scintillantes montraient le chemin de leurs chambres aux humains et portaient leurs bagages, Kael se tourna vers Ciann. Ce dernier avait continué à lire pendant toute la discussion, l’air de rien, tout en faisant rouler une cerise entre ses lèvres pleines et cruelles. Il était d’une beauté à couper le souffle, semblable à un jeune fauve alangui. Kael se fit avec regret la réflexion que, malgré ses cheveux courts et la sclère bien humainement visible de ses yeux, Ciann était déjà plus ædhel que lui.

Le jeune ældien posa alors son regard sur son frère. Derrière les longues paupières de ses yeux en amande, la prunelle était noire et brillante, comme celle de Lathelennil. Ce jeune était si Niśven que ça en faisait mal : il semblait à Kael le produit improbable entre son oncle Lathé et sa demi-sœur Angraema.

« Qu’est-ce que tu lis ? » s’enquit Kael en se rapprochant, les mains dans les poches de sa combinaison.

Les bouquins intéressaient peu Kael, qui était plus taillé pour l’action. Mais il fallait bien commencer quelque part.

Ciann tendit le livre à Kael de ses longs doigts blancs, aux ongles limés en pointe et laqués de noir. Kael le prit des siens, aux ongles courts et rongés.

« Le Paradis Perdu, lut-il avant de le rendre à son frère. Je connais pas. De quoi ça parle ?

— De nous, répondit Ciann avec un sourire évanescent. Ældiens et humains. »

Kael hocha la tête, peu concerné. Puis son regard erra dans la pièce, encombrée de branches chargées de feuilles et de fruits, de petites créatures volantes et luminescentes, de lumignons de verre coloré pendant de ci et là et de voilures transparentes flottant dans la petite brise de ce quartier du vaisseau. Rien dans ce navire n’évoquait l’espace, si ce n’est, la « nuit », les milles et une étoiles que l’on voyait briller derrière le verre transparent de la coupole.

La voix agréable de Ciann s’éleva alors.

« Neuf jours, ils tombèrent ; le chaos confondu rugit, et sentit une décuple confusion dans leur chute à travers sa féroce anarchie ; tant cette énorme déroute l’encombra de ruines ! »

Kael le regarda réciter en silence. Puis Ciann releva les yeux vers lui et sourit.

« Le récit de la Chute, vu par un humain inspiré. On dit que Milton était visité par un ange qui lui raconta tout ça…

— Un ange ?

— Un autre nom que les humains donnèrent à notre peuple, à une période spécifique de leur histoire.

— Je croyais que les anges étaient des messagers, des êtres bénéfiques créés par un ancien dieu des terriens, répliqua Kael.

— Oui… Comme les ældiens, créatures d’Anuvatar, ont pu l’être à l’égard des terriens autrefois. »

La conversation devenait trop philosophique au goût de Kael. Il alla à la fenêtre ouverte et tendit le bras pour attraper une brassée de cerises.

« Je ne comprends pas comment on a pu rester ignorants de ton existence » dit-il impitoyablement en croquant l’un des fruits. (Ils étaient juteux et sucrés, tendres et rouges comme un cœur de daurilim). Et que maman ait pu laisser les Sœurs-du-Rouge t’emmener loin d’elle tout ce temps. »

Les Sœurs-du-Rouge. Une horde de guerrières qui teignaient leurs cheveux dans le sang de leurs ennemis. Renonçant, le temps de leur vocation, aux joies de la famille, de la procréation, pour se consacrer à une seule chose : la guerre.

Ciann baissa ses longs cils. Ils étaient si longs qu’ils touchaient presque ses joues, lorsqu’il avait les yeux fermés.

« Elle ne les auraient pas laissé, si elle avait su. Maman m’a donné naissance deux jours après avoir eu le reste de la portée, et elle a cru expulser un piwafwi vide. Mais il ne l’était pas, et une Sœur – la plus fidèle au trône d’obsidienne – m’a ramassé pour m’amener à Sorśa à l’insu de nos parents. »

Kael se tourna vers lui.

« Tu veux dire que même Lathelennil n’était pas au courant ?

— Non. Il ne l’a su que tout récemment, lorsque nos oncles m’ont autorisé à venir le voir. »

Leurs oncles. Les Princes Fornost-Aran, Uriel et Aëluin, d’altiers et dédaigneux dorśari, particulièrement cruels et malveillants, se nourrissant du sang de leurs esclaves et frappant régulièrement les colonies installées dans la Voie de leurs raids meurtriers.

« Où étais-tu, avant ? À Ymmaril, en Dorśa ?

Ciann releva ses yeux noirs sur Kael.

— J’étais à Urdaban, chez les Soeurs Rouges. L’ordre qui fut dirigé par notre aïeule, la mère de notre père… Puisque je suis mâle, les Sœurs m’ont mis dehors dès que j’ai eu mes premières fièvres, et je me retrouve ici, chez nos frères et sœurs. »

Kael le regarda en silence. Ciann était plus jeune que lui, mais il avait déjà eu ses fièvres. En le regardant, Kael réalisa qu’il avait sans doute eu plus que cela encore.

« Pourquoi dis-tu ‘notre aïeule’ ? Si c’est d’Amarië-épouse-de-mort dont tu parles, il s’agit de mon aïeule, pas de la tienne.

Ciann releva un regard innocent sur Kael.

— Mais Ar-waën Elaig Silivren, son fils, n’est-il pas mon père ? Je ne serais pas là s’il n’avait pas déposé cette portée dans le ventre de Mère.

— Tu es le fils de Lathelennil, c’est évident, lâcha Kael, contrarié. Tous les petits de papa ont les cheveux blancs, à sa ressemblance.

— Pas Elarya, si j’ai bien compris, objecta Ciann.

— Elle a hérité de ses yeux verts. Toi, tu as les cheveux et les yeux noirs, comme un Niśven. D’ailleurs, c’est pour cela qu’on t’as appointé prince.

— Comme notre demi-sœur Angraema… Pourtant, personne ne met en doute sa filiation avec Ar-waën Elaig Silivren, n’est-ce pas ? »

Cet argument était bon. Si bon que Kael ne sut pas quoi répondre pendant un moment.

« Mais cette portée n’a eu qu’un seul père, souffla-t-il. La tienne en a connu deux.

— Et c’est pour cela que je suis le produit de deux pères, comme Lathelennil », sourit Ciann.

La colère brûlait dans les veines de Kael. On lui imposait ce frère, qu’on appointait prince et seul héritier valable de son Oncle Lathé, tout ça pour qu’ensuite l’intéressé revendique aussi être le fils de son père à lui ? C’en était trop pour Kael, dont l’orgueil se trouva blessé par ce nouveau rival, qui prétendait en tous points être meilleur que lui.

« Prouve-le », le mit-il au défi.

Kael savait pertinemment que si Ciann portait la moindre tâche de blanc sur sa robe, il ne serait plus éligible comme héritier au trône de Dorśa. Le Roi de la Nuit devait être d’un noir absolu, pour pouvoir représenter cette non-clarté. C’était même pour cela qu’on l’avait nommé deuxième prince de Dorśa, devant, même, Lathelennil, Aëluin et même Uriel. Même Nínim l’avait dit.

Ciann lui sourit, reconnaissant le piège.

« Je te le prouverai en temps et en heure, lui proposa-t-il. Tu verras alors que je suis, moi aussi, le digne fils d’Ar-waën Elaig Silivren.

— Et les dorśari d’Ymmaril, et à leur suite toutes les autres cours d’Ombre, reconnaîtraient un quart-sang orc comme chef ? J’en doute, fit Kael cruellement. Si tu veux régner sur Dorśa un jour, je te déconseille de te revendiquer fils de mon père. »

Ciann, docile, n’ajouta rien de plus. Avec un petit sourire mystérieux, il reposa son livre et se leva, époussetant les queues de cerises qui tombèrent de sa tunique brodée et entièrement noire. L’oeil sévère, Kael comprit que son nouveau petit frère était accoutumé à avoir des serviteurs qui ramassent derrière lui.

« Viens dans ma chambre, lui proposa-t-il. J’ai réservé un salon dans l’un des meilleurs établissements du Mebd et tu es terriblement mal habillé. »

Vexé, Kael baissa les yeux sur sa combinaison, rapidement. Il n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit, car Ciann lui avait prit la main et l’avait déjà entrainé dans la pièce en question. Kael tâcha d’ignorer le superbe khangg qui trônait dans la pièce, les objets rares et précieux, ainsi que les vêtements de prince ældien qui jonchaient le sol. Ciann était bien le fils de Lathelennil : il était aussi désordonné que son père.

« Ça fait combien de temps que t’es là ? murmura Kael en avisant les monceaux de fournitures.

— Seulement quelques lunes. Je ne suis qu’en transit, tu sais. Personne n’attend de moi que je reste dans une Cour de Lumière. Viens, mets-toi devant le miroir. »

Ciann le poussa devant un superbe miroir argenté, à la surface morcelée de tâches noires. Le miroir était vieux et en mauvais état, mais il pouvait se voir. Stupéfait, Kael contempla la silhouette de deux perædhil de grande beauté, l’un aux cheveux blancs comme la lune – lui – et l’autre, à la chevelure noire comme la nuit.

« Nous sommes faits pour évoluer ensemble, observa Ciann d’une voix suave en passant son bras sur l’épaule de Kael, les coins de sa bouche sensuelle remontant comme les babines d’un nekomat. Regarde. Que serait la nuit sans la lune ? Et que serait la lune sans la nuit ?

— Tu es la nuit, alors, murmura Kael. C’est officiel.

— Si toi, tu es la lune, oui. »

Kael baissa les yeux. Il s’était déshabitué à cette façon de parler. Mais il savait encore suffisamment lire les métaphores pour savoir ce que ce nouveau frère venait de lui proposer : une amitié inconditionnelle, à leur profit à tous les deux.

« Il te faut des vêtements dignes de toi, décida Ciann en se détachant de l’image que le miroir leur renvoyait. On ira t’en faire faire demain dans le quartier des tisserands, mais en attendant, je vais t’en prêter des miens. Nous faisons la même taille, et quasiment la même corpulence. »

Kael jeta un coup d’oeil à son frère. Ce dernier, pour l’instant, et malgré son sang Niśven très marqué, était encore légèrement plus petit que lui. Il était également plus mince. Mais c’était vrai : la différence était trop infime pour présenter un problème.

« Avec tes cheveux de mithral et tes yeux d’émeraude, une tunique noire étoufferait ta lumière. Du vert, peut-être… Ou de l’ivoire d’illythid. »

Ciann lui colla sur le dos une somptueuse tunique couleur de marbre nacré, tissée de fils d’or et d’argent, dont le haut col et les manches étaient rehaussés de gemmes précieuses. Puis il y adjoignit un piwafwi de velours vert, une épaisse ceinture en mithral finement ciselée et un pantalon fait d’une matière sombre, souple et légèrement irisée, lacé à l’entrejambe, et comportant un trou pour le panache. Kael montra ces deux éléments à son frère d’un air interrogatif, soulevant le vêtement, ce à quoi Ciann lui répondit par un haussement d’épaule.

« On ne verra ni l’un ni l’autre tant que tu porteras le piwafwi et la tunique, lui répondit-il. Et de toute façon, si tu les enlèves, c’est que tu seras disposé à enlever aussi le bas. Tiens, une chemise pour porter sous la tunique. »

Kael prit le tissu blanc et arachnéen sans rien dire. La dernière fois qu’il avait porté des vêtements ældiens, c’était pour fêter la naissance de la portée de sa sœur Eren, et il était très petit. Il n’avait aucun souvenir du laçage de l’entrejambe du pantalon, mais après tout, on avait dû lui faire porter un genre de couche, plutôt qu’un vrai vêtement de mâle adulte.

« Certaines ellith sont particulièrement impatientes », lui souffla Ciann avec un sourire lorsqu’il lui posa la question.

Kael cacha ses oreilles rougissantes sous ses cheveux. Il avait hérité de la peau bronze de son père – quoique beaucoup plus claire – et cela, au moins, lui épargnait les rougeurs et autres expressions trop visibles de ses émotions.

Lorsqu’il se regarda à nouveau dans le miroir après s’être habillé, Kael faillit ne pas se reconnaître. Le bel ædhel qui le regardait dans le miroir n’était plus Kael Srsen, capitaine d’un navire de commerce, mais bien Caëlurín Rilynurden, digne fils du dernier as sidhe d’Æriban, et ayant un prince d’Ombre comme Second-Père.

Mais Ciann n’était pas satisfait. Il claqua dans ses longues mains blanches et une finasí arriva, tête baissée, avant de s’agenouiller devant lui.

« Coiffe et tresse les cheveux de mon frère, lui ordonna-t-il. Sois inspirée. »

La filiforme créature s’inclina puis, après s’être inclinée à nouveau devant Kael – qui lui rendit son salut d’un bref et silencieux signe de tête – elle se plaça derrière lui et posa ses fines mains froides sur ses épaules. Kael ne put s’empêcher de frissonner : il avait toujours craint les finasyn, ces minces et muettes créatures aux yeux d’encre et au visage voilé, qui glissaient subrepticement dans les couloirs et se livraient à des rites étranges. Il n’y en avait que dans les cours d’Ombre, disait-on, et, plus particulièrement, à Dorśa et Urdaban.

La fynasí le fit asseoir dans un sofa garni de coussins et commença à lui démêler les cheveux. Kael ne voyait pas ce qu’elle faisait, mais il le sentait : la douleur, d’abord, puis le plaisir lorsqu’elle les oignit d’huile parfumée et lui massa le crâne avec douceur et expertise. En face de lui, de l’autre côté d’une petite table de bois précieux, Ciann lui souriait.

« Ne me dis pas que c’est la première fois qu’une fynasí te touche les cheveux », lui lança-t-il, un sourcil levé.

Kael dut admettre que c’était le cas.

« Eh bien ! s’étonna son frère. Il faut un début à tout. Celle-là montera avec moi sur ton vaisseau, de toute façon : elle me suit partout. Elle s’appelle Naïat. Je lui demanderai de s’occuper de tes cheveux avant qu’une femelle ne te le fasse. »

Kael dissimula sa contrariété. Ainsi, Ciann s’imaginait repartir avec lui ? C’était bien sûr hors de question.

Le moment venu, je lui fausserai compagnie, décida Kael.

Puis, croisant le regard d’obsidienne de son frère, il lui sourit.

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