40.3

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Adoria

Le dimanche, c'est le calme plat à l'Académie. La plupart des élèves rentrent chez eux le week-end, à l'exception de quelques uns. Degory est retourné dans sa famille, tout comme Teodora. Je n'ai pas à redouter une leçon d'escrime surprise aujourd'hui, et encore moins une réunion du club de natation. J'appréhende le moment où je vais devoir rencontrer l'équipe et plonger dans la piscine avec les autres filles.

Après ma séance de musculation matinale, je file sous la douche et, dès que mes écailles ont disparu, je cours au réfectoire pour reprendre des forces. Presque toutes les tables sont libres et je n'ai que l'embarras du choix. Alors que je me dirige vers le self, je croise Nelly qui se traîne en boitant, appuyée sur une béquille. Elle tient la canne de sa seule main valide, l'autre étant compressée dans son plâtre. Je la dépasse et j'attrape deux plateaux, un dans chaque main.

— Qu'est-ce que je te sers, Nel ?

— J'ai pas besoin de ton aide. Merci.

— C'est ça, et moi mes ancêtres étaient des marsouins !

Dans les faits, c'est probable.

— Allez ; laisse-moi porter ton plateau. À moins que tu ne caches une troisième main quelque part, je vois mal comment tu comptes te débrouiller toute seule.

Je fais glisser les plateaux devant les bacs qui maintiennent la nourriture au chaud. Je garnis les assiettes de riz épicés à la mangue.

— Double ration de poisson s'te plaît, réclame Nelly.

— Pas de problème.

J'empoigne la pince métallique posée au bord du bac mais, alors que mes yeux se posent sur les maquereaux fumants, un étrange malaise me saisit. J'ai envie de vomir.

— Adoria, t'es toute pâle. Ça va ?

Je m'empresse de servir Nelly et détourne au plus vite mon regard de la poiscaille morte.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? insiste Nelly.

— Je crois que... je vais passer mon tour pour le poisson.

Je pose nos plateaux sur la table la plus proche et nous nous installons face à face pour manger.

— Pourquoi tu fais ça ? demande Nelly. Pourquoi t'essayes d'être gentille avec moi ? Tous, là, ils seraient prêts à me cracher à la gueule.

— Oui, parce que t'as cogné sur la leur. Mais moi, j'ai pas de raison de te détester.

— J'ai tabassé ta sœur.

— Et maintenant tu te traînes sur une béquille. Ça me paraît équitable.

— Tu serais pas un peu tarte, sur les bords ? Genre, un peu trop gentille.

— Sûrement. J'aime mieux ça que le contraire.

Nelly plante sa fourchette dans l'un des maquereaux grillés et le porte tout entier à sa bouche. La graisse du poisson coule sur son menton. Elle s'essuie maladroitement avec son plâtre. Je me crispe devant ce spectacle. Pas moyen d'ignorer les gros yeux luisants du poisson mort.

— J'ai du mal à te cerner, lâche Nelly la bouche pleine.

— Moi aussi, j'ai du mal à te cerner. Mais on joue dans la même équipe maintenant, pas vrai ?

— Pfff, souffle Nelly, une équipe... Tu t'es pas demandée pourquoi aucune des filles de mon équipe vient me filer un coup de main ? Pourquoi à part toi ici personne vient m'aider alors que j'tiens à peine debout ? Parce que je leur suis plus d'aucune utilité, dans mon état. Elles s'en foutent, de moi, tu comprends ? Tout ce qu'elles veulent, c'est participer à leur putain de championnat.

— Pourquoi tu les aides, alors ? Pourquoi tu veux que je les aide ?

— J'sais pas. Je reste leur capitaine. J'vais pas me débiner comme ça.

Les gens peuvent penser ce qu'ils veulent, Nelly a plus d'intégrité qu'il n'y paraît. L'équipe, ça a un sens pour elle, tout comme ça a un sens pour moi. Elle est altruiste, à sa manière, et pourtant c'est moi – moi qui aurais bien des raisons de lui en vouloir – qui porte son plateau et partage son repas.

Je la questionne :

— Où est Candace ?

— Elle a rencard, je suppose.

Candace, ça m'a tout l'air d'être un sujet sensible. Je tente une nouvelle approche.

— Pourquoi tu n'es pas rentrée chez toi ? Pourquoi tu es revenue, dans ton état ?

— Tant que j'serais faible, j'aurais pas ma place là-bas. Mais tu peux pas comprendre ça, toi, hein ? T'as jamais eu à te battre pour gagner le droit d'exister.

— Non, tu as raison. Je n'ai jamais eu à le faire. C'est tout nouveau pour moi.

Ma réponse a l'air de l'étonner. Elle me sourit du coin de la lèvre, puis elle replonge dans son assiette, comme pour éviter d'affronter mon regard ; pour éviter d'admettre qu'elle me juge hâtivement, sans rien savoir de moi. Si elle savait, je me demande si elle engloutirait si goulûment son poisson. Je suppose que oui.

L'après-midi file à toute allure. Je raccompagne Nelly jusqu'à sa chambre. Je l'aide à faire ses exercices d'étirement. Puis elle me propose de faire une partie de jeu vidéo, un jeu de guerre en mode coopératif. Les casques de réalité augmentée rendent l'action palpable et j'ai les nerfs à vif sur le champ de bataille virtuel. Cependant, Nelly fait preuve d'une habileté remarquable avec sa seule main valide et elle couvre mes arrières admirablement, si bien qu'au bout d'une heure de jeu j'ai l'impression idiote que nous formons une vraie équipe.

En fin de journée, je m'en vais courir seule autour du terrain de sport. J'ai dû me couvrir, j'ai rabattu ma capuche. Il pleut des cordes, aujourd'hui encore, et il ne faudrait pas que quiconque voie ma peau se changer en écailles. Les autres courent en groupe et moi, malgré l'impulsion naturelle qui me pousserait d'habitude à aller vers eux, je me tiens à l'écart. Mes grandes enjambées sur le terrain trempé, mes semelles qui s'enlisent dans la boue et la pluie qui durant toute cette course me martèle le dos, ce n'est rien en comparaison aux efforts que je dois faire pour fuir. Fuir les autres, me fuir moi-même, batailler pour m'extirper du cauchemar de la réalité.

En sortant des vestiaires, je regagne ma chambre. La porte n'est pas fermée à clé. Je me raidis. J'inspire profondément et je pousse le battant. Tout semble en ordre dans la pièce. Tout, à une exception près. J'avais laissé mon téléphone sur le bureau. Il n'y est plus. À la place, le corbeau a laissé une note à mon attention : « Un poisson ne reste jamais longtemps hors de l'eau. Il serait temps pour toi de prendre une douche... ».

— Toi alors, tu veux vraiment que je me mouille.

Je n'ai pas le choix. J'obéis et je prends le chemin des sanitaires, en me demandant à quelle sauce je vais être cuisinée cette fois-ci.

Alors que je remonte le couloir, je me mets à faire des suppositions. Le corbeau est une corneille. Elle m'a fixé un rendez-vous. Elle va se dévoiler à moi et enfin me révéler ce qui la pousse à agir. Peut-être n'est-elle pas malveillante, finalement. Peut-être qu'elle essaye tout simplement de m'acheter. Il pourrait s'agir de Nelly, ou de Kit. Elles m'auraient mis la pression pour que je rejoigne le club ; elles auraient voulu me forcer à contrôler ma transformation dans ce but précis. Maintenant que je suis disposée à les aider, ni l'une ni l'autre n'a plus de raison de s'en prendre à moi. Sur le coup, tout ça me paraît tenir la route. Je tire une petite fierté de mes talents de déduction.

Pourtant, je passe la porte des sanitaires et je ne trouve personne qui m'y attend. Ni Nelly, ni Kit. Personne à première vue, mais j'entends le bruit de l'eau qui coule dans l'une des cabines de douche.

— Montre-toi, je sais que tu es là.

On me répond, mais pas de la manière attendue. Un geignement, comme un cri étouffé, appelle comme au secours. Une à une, je claque les portes des cabines de douche. La dernière porte sur la droite, c'est de là que vient le bruit d'écoulement. Elle n'est pas verrouillée et, en la poussant, je découvre avec stupéfaction Dayanara trempée, attachée les mains dans le dos à la colonne métallique. Un foulard en guise de bâillon l'empêche d'articuler. Mon téléphone est là, lui aussi, soigneusement rangé dans une pochette étanche sur le porte-savon.

— Fait chier !

Je rabats une fois de plus la capuche de mon sweat-shirt, je tire sur mes manches en espérant couvrir mes mains, et je fonce sous la douche pour détacher Daye. Mon ennemi l'a joué fine : les liens sont entortillés de telle manière qu'il m'est impossible de couper l'eau sans libérer ma camarade. Je peux déjà sentir la peau de mes mains et de mes joues devenir visqueuse. Le tissus de mes vêtements commence à prendre la flotte, et si je ne me dépêche pas je risque bien de dévoiler à la déléguée mes branchies saillantes et mes mains palmées.

À force de tirer sur les liens gorgés d'eau, je finis par délivrer Dayanara. Elle me bouscule furieusement en se précipitant hors de la douche, tandis que je me jette sur le mitigeur pour faire cesser les jets qui révèlent au grand jour ma terrible nature. Là, je m'effondre sur le carrelage, la tête baissée pour éviter que Daye entrevoie mon visage squameux.

Une fois mon humanité à peu près rétablie, je me redresse, j'empoigne mon téléphone et je me retourne vers Dayanara, enfouissant les mains dans mes poches pour dissimuler la pellicule poisseuse qui persiste sur mes phalanges. À ma grande surprise, au lieu de me témoigner toute la reconnaissance que l'on doit à son sauveur, la déléguée braque sur moi un regard noir de rage et me hurle dessus :

— Qu'est-ce qui t'a pris, espèce de malade ?!

Les bras m'en tombent.

— Qu'est-ce qui m'a pris ? De te tirer de là ? Bah, excuse-moi. La prochaine fois, je me contenterai de reprendre mon téléphone et je te laisserai en plan.

Elle souffle avec colère et, sur le moment, je crois bien que ses yeux gonflés de haine vont bondir hors de leurs orbites.

— Arrête de te foutre de moi, Adoria Iunger !

Avant qu'elle me le crache de la sorte à la figure, je n'avais jamais remarqué à quel point un nom de famille pouvait être agressif.

— Je suis désolée Daye, mais je comprends pas ce que tu me reproches. Pour être franche, je comprends rien du tout !

— Joue pas l'innocente. Tu ne te souviens de rien ? Tu veux me faire avaler ça ? Si c'est la vérité, franchement, tu me fais peur. Des tarées comme toi, leur place est à l'asile !

— Là, je t'assure, je suis perdue.

Sans que j'aie rien vu venir, Dayanara me colle une grande baffe. Je ne riposte pas. Vu l'état dans lequel elle s'est mise, je comprends bien qu'à ses yeux je l'ai méritée. Mais honnêtement, je n'ai pas la moindre idée de ce qui a déclenché son courroux.

— C'était toi, d'accord ? Je sais très bien que c'était toi ! Tu ne t'en es même pas caché ! Je suis venue exprès pour toi, pour jouer aux échecs. Franchement, si c'est comme ça que la compétition tourne avec toi, je préfère quitter la partie ! J'ai jamais vu une tarée pareille ! Me séquestrer comme ça...

— Mais voyons, Daye, j'y suis pour rien. Moi, je suis venue t'aider.

D'instinct, je tends la main vers elle pour l'apaiser. Elle m'envoie paître d'un violent coup de bras.

— Ne t'approche plus jamais de moi !

— Rentrez... Allez, rentrez... Ouste ! ... Rentrez, putain !

L'eau de la douche glisse sur mes écailles. Prendre une douche, d'abord c'est devenu un supplice : voir ma peau se changer en squames et me retrouver irrémédiablement confrontée à cette chose que je n'ai jamais choisi d'être. Puis c'est devenu une épreuve : une lutte quotidienne contre cette partie de moi qui me répugne, qui émerge sans me consulter et que j'essaye de refréner en vain. C'est un défi que je me lance, jour après jour, en espérant que le temps viendra où je pourrai retrouver le contrôle sur ma vie, où je pourrai à nouveau me laver sans endurer une transformation hideuse.

J'aimerais qu'il y ait une formule magique, une foutue incantation qui me rendrait forme humaine. Pas de bol, déjà quand j'étais petite je ne croyais pas aux bonnes fées ou au baiser enchanté du prince charmant. Je savais que je ne pouvais compter que sur moi-même, je voulais faire confiance à ma propre force. Rien de magique là-dedans : il suffisait de s'endurcir, de donner le maximum et de s'améliorer. Mais ce n'était pas assez. Je m'en rends compte maintenant. J'aurais pu faire tous les efforts du monde, rien n'aurait pu me préparer à me changer en monstre.

Je coupe l'eau. Quand je me sèche, mon corps d'adolescente reprend le dessus sur le poisson. Cette lutte-là n'a pas de fin.

Je me réfugie dans mon lit. Mes cheveux mouillés s'échappent de ma serviette, mais je m'en fiche. Je réfléchis à tout ce qui vient de s'abattre sur moi.

Des mauvaises blagues, j'en ai déjà fait plein. Des classiques comme le lit en portefeuille ou la bouteille de soda secouée. Une fois, au feu de camp, j'ai même fichu la trouille à Nolwenn en faisant semblant d'être possédée. Mais ces farces-là restaient bon enfant, elles n'avaient jamais rien à voir avec une quelconque méchanceté. Je n'ai jamais été sournoise ou violente envers personne. Alors qu'est-ce qui m'arrive ? Comment Daye peut bien prétendre que je m'en suis pris à elle ?

Machinalement, je déverrouille mon téléphone. Trois appels en absence, tous proviennent d'Eugénie. Je la rappelle sans attendre.

Quand ma sœur décroche, j'ai l'impression de la déranger au milieu de quelque chose d'important. Elle me soutient le contraire, mais je la connais trop bien. Elle me dit ce qu'elle a à me dire, et moi je m'accroche pour essayer de comprendre alors que mes pensées ne veulent pas se détacher de ce qui s'est passé plus tôt dans les sanitaires.

Moi, Adoria Iunger, la femme-poisson, je serais le curieux croisement d'au moins cinq espèces aquatiques distinctes : lampris guttarus, petit poisson capable de réchauffer son corps et d'améliorer ses capacités sensorielles rien qu'en battant des nageoires à toute allure ; synanceia verrucosa, célèbre poisson-pierre qui se camoufle dans un mucus d'algues et de coraux et dont le venin est réputé mortel ; le crysomallon squamiferum, un escargot de mer que sa coquille blindée protège des conditions les plus rudes ; turritopsis nutricula, la méduse immortelle capable de se régénérer en inversant son processus de vieillissement ; et enfin la fameuse electrophorus electrius, l'anguille électrique à la décharge redoutable. Les informations atteignent mon cerveau, mais je les digère mal.

— Des questions ? s'enquit Eugénie après son exposé.

— Non. Peut-être. Là, j'ai juste l'impression d'être un ragoût de poissons dont on aurait raté la cuisson... Qu'est-ce que Papa essayait de faire, quand il m'a créée ?

— Tu veux mon avis, en toute honnêteté ?

— J'en sais rien...

— Je crois que Magnus voulait créer une arme biologique hautement sophistiquée. On est toutes des expériences, plus ou moins abouties. Toi, tu résultes d'une tentative plutôt ambitieuse. Mais ton génome est affreusement instable. Même si d'un point de vue anatomique tu es dotée de capacités surprenantes, il te faudrait une maîtrise surhumaine pour réussir à en faire usage.

À ce moment précis, je me mets à me mépriser. Je m'en veux férocement de ne pas être à la hauteur de mes capacités, ni des exploits auxquels mon père me destinait visiblement.

— Eugèn' ?

Elle doit sentir le dépit dans ma voix, car elle tente de m'apaiser :

— Ne t'en fais pas. Jusqu'ici, aucune de nous n'a l'air d'être une franche réussite.

— Est-ce que tu crois qu'être le croisement d'autant de bestioles différentes, ça pourrait me rendre dingue ? Est-ce que je ne risque pas de ne plus être moi-même, parfois, comme Faustine ?

— C'est une drôle de question. Tu as déjà ressenti ce genre de chose ? Tu as déjà eu des absences ?

— Non, je crois pas...

— La psychiatrie, ce n'est pas mon domaine. Mais, si ça peut te rassurer, rien ne laisse penser qu'il y ait une corrélation entre ce que nous sommes sur le plan génétique et sur le plan psychique. Il y a des implications, mais la plupart d'entre elles sont sociologiques, comme le fait d'être rejeté ou d'avoir peur du regard des autres. Il n'y a rien génétiquement qui nous prédestine à devenir une mauvaise personne. La folie, ça oui, ça peut avoir une origine génétique. Mais nos chromosomes ont été construits avec beaucoup de soin, tu sais, alors a priori nous n'avons rien à craindre.

— Alors Faustine, tu ne penses pas que...

— Non. Si Faustine est comme elle est, c'est juste parce que Magnus n'a jamais pris les bonnes mesures. Toi, Ad', tu es tout à fait saine d'esprit.

On discute ensuite de la pluie et du beau temps ; surtout de la pluie. Eugénie ne la voit pas beaucoup, depuis son laboratoire. Elle peut à peine me donner des nouvelles de Cerise ou de Nolwenn. À croire qu'elle vit seule sur notre île sans plus aucun contact humain ! Je lui raconte mes épreuves quotidiennes, tous les efforts que je fais pour développer mes aptitudes physiques, les amis que j'ai rencontrés et le maître chanteur qui s'en prend à moi. Eugénie m'écoute sans m'interrompre, ou peut-être fait-elle juste mine de m'écouter. Quoi qu'il en soit, à la fin de notre conversation, je me sens toujours aussi désarçonnée qu'avant de lui téléphoner. C'est comme si mes propres sœurs, les personnes les plus aptes à me comprendre parce qu'elles traversent apparemment la même chose que moi, vivaient la situation d'une manière totalement différente et se révélaient, en fait, incapables de m'apporter le moindre soutien. Pourquoi j'ai l'impression que je suis la seule à me sentir étrangère à mon propre corps, entravée par mon incapacité permanente à le contrôler et prisonnière d'une situation qui m'échappe complètement ?

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