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Faire venir Ellie Diekans (de son vrai nom Elizabeth François) demeura une expérience particulièrement difficile. Sa trace avait presque été invisible, jusqu’à la retrouver dans un bar — en larme — pleurant la disparition de son neveu.

Apitoyée sur leur propre sort, elle ne remarqua guère notre présence, notre besoin immense de lui parler, de connaître les détails de ce qu’il aurait pu se passer avec le petit Jonathan.

Ses cheveux blonds, sales et peu ragoûtants, montraient — d’une certaine façon — sa crainte et ses heures de recherche. Oui, elle donnait cette impression d’avoir cherché après lui. Normal ? Non, cela me paraissait suspect. Peut-être tâchait-elle à nous convaincre qu’elle n’y était pour rien ? Qu’elle en était toute aussi victime de son crime potentiel !

Crime passionnel ? Tuerie de folie passagère ? Rien ! Tout était une cause possible ; la vie pouvait être plus que complexe ; ici, elle l’était vraisemblablement.

Alors d’une certaine façon, je compris les mots que m’eût prononcés Charly lors du trajet pour la retrouver : « Ne vas pas la voir, tu pourrais lui faire perdre ses moyens à cause de ton tact légendaire. Tu devrais donc me laisser faire. »

Sur le coup, je n’avais pas envisagé de saisir le sens de cette phrase, tandis qu’en ce temps présent, le comportement de la part de notre suspecte me paraissait évident.

Je décidai donc de donner sa chance à Charly, ne doutant ainsi plus de ses compétences. Avec douceur, elle enleva le verre qui se présentait à cette femme ; elle créait ainsi l’ouverture d’une discussion longuement attendue.

  • Madame François ?
  • Fichez-moi la paix ! D’ailleurs, je ne vous connais pas et n’ai rien à vous dire ! Alors, allez-vous-en !
  • Je suis là pour vous parler de Jonathan, votre neveu !

Des perles salées jaillirent de ses yeux. Charly venait dès lors de lui faire réaliser que nous n’étions pas en cet endroit pour rien ; tout en laissant le traumatisme psychologique se remettre en place. Et dire qu’avec moi, une seule phrase et aucun questionnement ou comportement compromettant n’auraient pris place devant une vague de témoins.

Je dois bien avouer qu’aujourd’hui, la technique de Charly est bien plus rationnelle qu’une arrestation sans interrogations.

Bref, il fallait que cette Elizabeth parle.

Une respiration, un souffle. Elle nous paraissait surtout déstabilisée. Que pouvait-elle répondre pour un crime qu’elle eût commis ? Que pouvait-elle bien nous dire ?

Son regard tremblait, nous fixait tour à tour. Elizabeth semblait chercher une solution, sa sortie de secours. Sur le moment, je gardais en tête mon hypothèse, elle était coupable d’un homicide sur mineur, sur son propre neveu.

— Madame François, je vous demanderai de rester calme et de répondre à nos questions !

— Je n’ai rien à voir avec cette mascarade ! Je n’ai pas tué mon neveu ! Je ne lui ferais jamais de mal ! Je l’aime !

— Alors, expliquez-moi ce qu’il s’est passé !

— Charly, emmenons-la au poste de police. Elle aura, dans ces conditions, le temps de s’apaiser et de légèrement dégriser.

Ma remarque eut l’effet d’une bombe pour « Ellie », son regard s’était voulu plus sombre, plus agressif. Elle laissait ainsi parvenir ses émotions ; elle cédait l’ensemble de ses sentiments prendre le dessus, ce qui était un désavantage pour elle. Elle se plaçait inconsciemment dans l’ancrage de notre liste dédiée aux suspects.

Je savais, à cet instant, qu’il serait compliqué d’obtenir la vérité avec elle — du moins — en théorie.

À l’époque de cette affaire, tout cela n’était qu’hypothèse ; le concret arrivait bien plus tard. Je lui en voulus donc de tout remettre en cause bien que je ne laissasse rien paraître.

Nous, Charly et moi-même, l’installâmes dans notre véhicule de service : une Peugeot 207 particulièrement amochée par les années de patrouilles.

« Ellie », quant à elle, ne cessait pas de se débattre ; frappait chaque paroi à la portée de son corps. Ses pieds cognaient contre mon siège ; elle m’agaçait et je voulais lui faire comprendre qu’elle dépassait largement les limites.

Malheureusement, je prônais le respect des femmes, je ne pouvais donc pas me permettre de lever la main sur elle comme un lâche. Je n’en étais point un.

Je ne pouvais, par conséquent, que lui octroyer un sombre regard bien significatif, désirant lui faire regretter de s’en être prise à un agent de police. Elle n’en avait guère le droit.

Charly m’offrit un doux geste en frôlant ma cuisse de sa main gauche.

— Ça va aller, laisse-lui le temps de dégriser et de se remettre de la nouvelle.

— Non, Charly, nous n’avons justement pas le temps d’attendre ! Nous devons retrouver la personne qui a fait cela au petit. On ne lui a jamais demandé s’il désirait mourir. Je ne vois donc pas pur quelles raisons je devrais prendre mon temps ou — encore — escompter le consentement des suspects pour placer quelqu’un en prison !

Je ne contrôlais plus ma rage en cet instant ; le petit devait recevoir une justice. Il n’avait rien quémandé avant de se retrouver dans un état de destruction. Il fallait donc lui permettre de partir en paix. C’était primordial pour moi, et je me fiais, cette fois, à ma conviction.

Derrière moi, Elizabeth hurlait encore sa rage, sa colère, et surtout ce qui me semblait être de la frustration. Comment pouvions-nous l’arrêter de la sorte, mais pour moi, cela était justifié ? Pourquoi laisserais-je une potentielle meurtrière garder sa liberté alors qu’elle pourrait certainement recommencer ?

Après tout, elle fut la dernière personne à avoir vu ce petit en vie.

Quand nous entrâmes dans le commissariat, je me dirigeai vers l’accueil et m’adressai à mon collègue.

— Nous mettons cette jeune femme en salle d’interrogatoire. Je te demanderai de prévenir le capitaine Mœns afin qu’il puisse observer ce que nous allons faire.

Je ne lui laissai pas le temps de me répondre que j’eusse pris la direction de ladite salle. Nous allions enfin débuter les choses sérieuses. Paroles de Vandeville.

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