Version d'il y a 7 ans, les fautes et répétitions datent aussi

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Le dragonien parvint enfin à allumer un feu. Cette nuit d’automne était glaciale. L’hiver de plus en plus proche. Une vraie malédiction… Elbar Quézermistos sentit une fois de plus le poids de la culpabilité peser de tout son poids sur son esprit, menaçant de le rendre fou. Il savait que cette folie serait amplement méritée. Il donnerait n’importe quoi pour pouvoir changer le passé.

Cela faisait presque un siècle, désormais, qu’il avait rendu service à l’Héritier Dehnio Segonora. Un service, contre sa survie. Un service lourd de conséquences, puisque cela avait permis aux licorniens de s’emparer de la plus grande ville du Comté Driss. Prise de cité qui avait inclut un massacre. Une cité importante, qui n’avait jamais été capturée, jusqu’à ce qu’Elbar croise le chemin de deux éclaireurs licorniens égarés dans les bas-fonds, qu’il connaissait par cœur.

Face à son feu, l’estomac dans les talons, Elbar se roula en boule et s’entortilla dans sa cape, pleurant à chaudes larmes, et se demandant ce qu’il aurait pu faire pour ne pas finir tel qu’il était, sale traître, clochard sans avenir.

Le brun, à l’époque âgé de soixante-dix ans, faisait partie d’une bande de gamins des rues, tous orphelins, dont personne ne se souciait, survivant comme ils pouvaient, défendant coûte que coûte les deux quartiers qu’ils contrôlaient contre les bandes rivales. Deux quartiers miteux, pour une bande de quatorze gosses, c’était titanesque. La preuve qu’ils étaient bien organisés.

En plus de ses treize acolytes, il s’était lié d’amitié avec l’aîné du Comte vivant dans un château en périphérie de la ville, qui lui donnait régulièrement de la viande et des os à ronger. Et, surtout, des informations sur les patrouilles de douzaines de gardes devant pacifier les quartiers pauvres. Ces gardes tuaient impitoyablement les traînes misères pris en flagrant délit de violation de lois. Entre autres, le vol et le chantage.

Il y avait également un couvre-feu, interdisant les promenades nocturnes, suite à d’innombrables vagues de meurtres et de viols. Elbar adorait violer le couvre-feu, pour avoir de la solitude et un sentiment de liberté. Et parfois, voler les bourses d’autres traînes-misères endormis à même le sol, au milieu des immondices et des rats que les plus jeunes adoraient courser, attraper et bouffer. Les chats et les rats étaient la principale source de nourriture des pauvres.

Un soir de sa soixante-dixième année, donc, il était entré en collision avec un mage s’étant rendu invisible, alors qu’il cherchait à se cacher d’un groupe de gardes qui passait par sa ruelle. Aussitôt, il avait été bâillonné, et maintenu immobile contre le mage à l’odeur équine. Elbar avait très vite compris qu’il était tombé sur un licornien. N’étant pas inculte au point d’ignorer le fait qu’ils étaient ennemis, une fois sûr que les gardes ne le tueraient pas pour avoir violé le couvre-feu, il s’était débattu pour échapper à l’emprise ennemie. En vain.

Le licornien qui l’avait capturé s’était alors téléporté avec lui, et un autre, dans une forêt, et lui avait parlé en dragonien, avec un accent étrange.

-J’heuneu, h’omme, je h’aiunbmarch’hé à te proposer.

-Je vous demande juste de me lâcher… avait supplié Elbar, craignant pour sa vie. Le licornien s’était raclé la gorge, et cela semblait avoir effacé une bonne partie de son insupportable accent.

-Je compte te montrer au Princeuh héritier. Es-tu plombé ?

-Non ! Et puis je ne veux pas le voir !

-Ecoute, cela se voit que tu es dans le besoin. Le Prince, dans sa grande clémence, pourrait t’aider à te sortir de la misère…

L’autre licornien avait interrompu le premier, et ils avaient débattus dans leur langue pleine de « h » et de « beuh », les faisant ressembler à des chevaux savants ayant pris forme humaine. Après ce débat effrayant, celui sachant parler dragonien se racla longuement la gorge, se prit une cuillerée de miel, et reprit, avec un ton dur :

-Que tu le veuilles ou non, tu verras notre Prince. Ta survie dépendra de la façon dont tu te comporteras face à lui.

Le licornien s’était tu, massé la gorge, puis attendu une réaction de la part du petit dragonien face à lui.

-Je traduirais fidèlement ce qui sera dit, conclut-il avant de téléporter Elbar devant un petit tumulus…

Ou plutôt l’entrée d’une tente placée sous terre, indétectable depuis le ciel. Rien ne laissait deviner qu’Elbar s’était alors trouvé au centre d’un campement ennemi, en pleine nuit, à un quart d’horizon de chez lui. Il fut soulevé par le col, et entraîné sous terre. Là, dans une sorte de pièce éclairée par une quinzaine de torches, il avait fait face à deux licorniens entourés de cinq gradés, tous à l’air peu commode.

Tous ceux présents sous la tente s’étaient tus à son arrivée involontaire, et tous avaient mis la main sur leurs armes. Ou s’apprêtaient à lancer des sorts. L’éclaireur soulevant Elbar avait discourut un court instant. Le Prince licornien, reconnaissable aux yeux d’or froid et d’une noblesse incomparable typiques des Segonora, avait congédié la seule femme présente d’un regard. Le jeune dragonien s’était très brièvement questionné sur les deux bosses qu’elle avait sur le torse, avant de retomber dans une peur panique paralysante. Puis le Segonora avait réfléchi tout en toisant le gamin forcé de lui faire face, faisant tout ce qu’il pouvait pour ne pas se pisser dessus. Puis le Prince posa une question.

-Quel est ton nom ? Traduisit le kidnappeur.

-Elbar Quézermistos… balbutia l’enfant.

-Une grande et noble famille… apprécia le Prince avec un sourire étrange. Elbar, j’ai un marché à te proposer. Voilà la situation : cela fait trois semaines déjà, que cette ville demeure imprenable, me faisant perdre de nombreux hommes, du temps, et des chances de réussite. Alors, je compte m’emparer de la ville depuis l’intérieur. Pour cela, il faudrait un guide sûr pour mes hommes.

« Et maintenant, voici le marché que j’ai à te proposer : sois ce guide, et tu seras alors sûr de pouvoir manger à ta faim tous les jours. Non seulement ça, mais tu pourras également te payer une éducation digne de ce nom. Bref, tu pourras t’offrir un avenir d’homme libre et éclairé. Tu pourras également nous désigner tes proches, que nous épargnerons dans la mesure du possible, lors de l’assaut.

« Toutefois, je te préviens. Trahis-nous, et tu mourras sur-le-champ. Tu dois choisir dès ce soir si tu vis ou si tu meurs.

Un silence de mort suivit cette déclaration. Elbar n’avait jamais eu à choisir. Ça avait toujours été agir, ou mourir. Et là, concrètement, il comprenait bien qu’il avait juste le choix entre deux façons de mourir. Sa décision fut rapidement prise. Soit il était sommairement exécuté, soit il pouvait réfléchir à une solution pour survivre.

-Je… vous servirais de guide.

Après avoir entendu la traduction, le Prince avait hoché la tête, l’air grave. Les autres ne cachaient pas le mépris qu’ils éprouvaient pour le traître qu’ils avaient face à eux. A l’époque, il avait eu beaucoup de mal à calculer les conséquences de ses actes… Et même quatre-vingt-six ans plus tard, il avait toujours du mal à croire aux conséquences. Une victoire licornienne écrasante, totale sur le Comté.

Après avoir accepté d’aider les licorniens, Elbar avait aussitôt été chargé de guider les deux éclaireurs qu’il avait malencontreusement rencontrés. Il avait alors été téléporté à la sortie de sa ville, pas trop loin de « son » quartier. Sa première intention fut de perdre les deux ennemis dans le labyrinthe des quartiers pauvres…

Malheureusement, dès qu’il tenta de fausser compagnie à ses suiveurs, il reçut un javelot dans le creux des reins qui l’empêcha de courir. Ce ne fut pas faute d’avoir ramper. Ce fut plutôt faute d’avoir rampé trop lentement. Les deux licorniens prirent un malin plaisir à le voir se traîner lamentablement pendant quelques heures, la pointe de deux épées pointé sur sa nuque et le creux de ses reins. Ce ne fut qu’une heure avant le lever du soleil, qu’ils se décidèrent à le soigner, et à se téléporter dans leur campement. Après lui avoir donné rendez-vous à la sortie de la ville pour le lendemain, et lui avoir promis la mort s’il ne venait pas, bien entendu.

Pendant deux semaines, les licorniens l’obligèrent à rester éveillé deux nuits sur trois, guidant différents groupes d’éclaireurs et de soldats. En échange, il reçut nourriture, argent, et un début de formation au maniement de l’arc et de l’épée. Et, pendant ces deux semaines, les ennemis lui firent explorer des quartiers riches qu’il ne connaissait pas.

La dernière semaine, le Prince fut présent à chaque repérage, en personne. Sa façon de le fixer hantait encore Elbar. Ce n’était pas un regard malveillant ou un tant soit peu hautain, ce qui aurait été normal face à un traître. Non, ça avait été de la compassion mal placée. Et autre chose de malsain, Elbar était toujours incapable de dire en quoi, mais ce regard l’avait hérissé. Et il avait bien remarqué que les licorniens qui avaient étés témoins de ce regard avaient aussi été mis mal à l’aise.

Après ces deux semaines cauchemardesques, il y avait eu dix jours sans que rien ne se passe. Suivant les « vives recommandations » licorniennes, il avait conduit sa bande assez loin en retrait le jour de l’attaque, puis, après trois jours dans les bois à braconner la peur au ventre, ils avaient cédés et étaient retournés sur leur territoire. La ville avait été rasée, et les rares survivants n’en revenaient toujours pas d’être désormais sous contrôle licornien.

La surprise avait été totale. Quand le Prince avait dit que la ville lui résistait depuis des semaines, il avait voulu dire par là que des attaques surprises extrêmement ciblées et discrètes avaient échouées. Après tout, personne ne s’était attendu à ce que le gros de l’armée princière soit si loin derrière le front principal… Alors l’apparition soudaine d’un portail en plein milieu des quartiers miséreux, d’où déboulait son armée, personne n’avait eu le temps de réagir, que, déjà, les licorniens avaient écrasé toute forme de résistance.

Elbar et sa bande avaient été invités à quitter la ville quelques jours, avec comme excuse que le braconnage était une activité à essayer. Et à vrai dire, avec l’intelligence du chef de la bande d’Elbar, ça leur avait réussi. Jarioss était un grand dominant de cent-vingt ans, et avait soumis tous les jeunes loqueteux de la ville. Il avait même fichu des raclées mémorables à certains adultes malintentionnés, en duels à l’ancienne, en un contre un. Visible et reconnaissable de loin, avec sa musculature vraiment large et sa grande taille inhabituelles là où régnait la malnutrition, il était de plus borgne et couvert de traces de griffures et de crocs, récoltées lors de ses rixes pour la domination et la survie.

Jarioss avait très vite su organiser son groupe pour obtenir les meilleurs résultats à la chasse. Les deux archers du groupe avaient été postés au-dessus de fosses creusées par le reste du groupe –dont Jarioss- puis la quasi-totalité rabattait des proies jusqu’à la fosse, où les proies étaient criblées de flèches. Elbar, comme d’habitude, avait servi de guetteur. Cette tactique avait donné des réserves pour une bonne semaine aux douze jeunes traîne-misère.

Tous avaient été très heureux d’avoir enfin de quoi se remplir régulièrement la panse, pendant une semaine. Et puis, bien que la cité perdue aie été leur foyer et lieu de naissance, ils n’y avaient jamais été très attachés. Par contre, le fait de devoir renier nombre de leurs croyances, et le principe même d’être nourris selon le bon vouloir des occupants, avait rendu fou furieux Jarioss, et plus de la moitié du groupe.

Elbar avait alors craqué, lorsque Jarioss avait annoncé qu’ils feraient mieux de se lancer dans la piraterie. Une de leurs « voisines » avait percé dans le milieu, et étant donné qu’ils lui avaient un jour offert un semblant de toit, elle avait une dette envers eux.

Bien entendu, après ses aveux, Elbar avait été tabassé, presque à mort. La bande l’avait laissé agoniser en forêt, à la merci de tout ce qui passerait dans le coin. Les esprits semblaient avoir décidé qu’il paierait vraiment très cher sa trahison. Par sa faute, les licorniens avaient encore grignoté du territoire dragonien. Un territoire qui avait jusqu’à présent toujours appartenu à leur peuple. Les temples dédiés aux esprits dragoniens avaient été détruits. Et le point de départ de ce terrible sacrilège, était Elbar Quézermistos.

Il jeta un coup d’œil à la lune, et aux étoiles. Dans cinq heures, le soleil se lèverait, tentant de réchauffer le monde. Il n’allait pas neiger, si Elbar ne se trompait pas. Ni pleuvoir, ce qui était un soulagement. Les esprits allaient peut-être commencer à se montrer cléments envers le jeune traître. Ou, tout simplement, le laissaient se reposer avant d’affronter une nouvelle épreuve. Pour le moment, il se débrouillait de mieux en mieux avec la solitude.

Il n’avait plus d’hallucinations auditives, visuelles et olfactives, il ne délirait plus un seul instant, et savait désormais survivre aussi bien en ville que dans les bois. Il faudrait d’ailleurs qu’il pense à se trouver un lieu où au moins deux mille personnes vivraient, afin de pouvoir se fondre dans la foule. Et qu’il pense enfin à apprendre un métier. Un métier rémunéré, pour ne plus vivre en hors-la-loi, dans un royaume où le « combat contre le crime » se faisait de plus en plus violent et sanglant.

Il fouilla dans son vieux sac mité de quoi manger, et grignota quelques restes d’écureuils et d’oiseaux qu’il avait chassés. Il agrémenta le tout avec un peu d’écorce de bouleau. Il avait eu l’idée en observant des biches. A défaut d’autre chose, la récupération et la mastication occupaient pendant de très longs moments.

Après son repas, il n’eut plus qu’à dormir, se servant de son sac comme d’un réservoir à chaleur. Alors qu’il s’enfonçait dans le domaine de l’esprit du Sommeil, espérant que le froid ne lui ouvrirait pas celui de l’esprit de la Mort le menant à rencontrer les trois Juges, des bruits de pas l’écartèrent de ce lieu et temps de repos dont il commençait à avoir cruellement besoin.

Il bondit sur ses pieds, s’éloigna aussitôt de la chaleur bienfaisante de son feu, et grimpa à un solide pin d’où il pourrait décocher des flèches aux éventuels bandits.

D’après le bruit des pas, il s’agissait de deux personnes, relativement à l’aise en milieu forestier. Elles se dirigeaient droit vers le feu. De là où il était, il ne repéra rien qui pu trahir sa présence entre les branches du pin. Les deux personnes apparurent dans son champ de vision. Il s’agissait d’un couple se tenant par la main.

Le dragonien était plutôt élancé, portait un solide sac de cuir, et un grand marteau de guerre d’acier blanc, au manche incrusté de rubis, et portant de belles dorures bien visibles, représentant des plumes aux extrémités du manches. La dragonienne elle, avait de magnifiques épaules, larges à souhait… Elbar eut du mal à se concentrer sur le reste. Il sentait sa bouche s’assécher, et prêter attention à autre chose qu’aux épaules et à la nuque de la dragonienne, qui en plus d’après l’odeur était en chaleur, lui était presque impossible.

Le temps qu’il se reprenne et se concentre sur le reste, les deux avaient fait grandir magiquement le feu, et fortement augmenté la chaleur. Ils avaient aussi demandé s’il y avait quelqu’un. La femme portait elle aussi un sac à dos en cuir, et une grande hache à deux mains magnifiquement ouvragée. Elle aussi en acier blanc, en or et avec des rubis. Le manche représentait une tête de dragon, tenant un soleil de rubis entre ses crocs. Le manche ressemblait vraiment à un long cou, et les lames de la hache à deux ailes déployées.

Elbar hésita à retourner auprès de son feu, maintenant qu’il y avait les deux riches guerriers. Pendant qu’il hésitait, son besoin de dormir auprès d’une source de chaleur devenait de plus en plus oppressant. Une légère brise lui amena de nouveau l’odeur de la dragonienne, et, sans y prendre garde, il avait commencé à descendre de son arbre.

Lorsqu’il reprit un peu ses esprits, il sut qu’il avait été repéré. Eh bien, maintenant qu’il avait commencé sa connerie, autant aller jusqu’au bout… Mieux valait arriver comme simple voyageur ne représentant aucune menace, que comme quelqu’un se faufilant dans les ombres pour mieux leur trancher la gorge plus tard… Depuis combien de temps était-il seul ? Cinq mois environ… Cinq mois sans la moindre interaction sociale. Pourvu qu’il ne s’y prenne pas trop mal avec eux.

Il finit donc de descendre, sans faire le moindre effort pour être discret, et s’invita auprès du feu. Il garda tout de même la source de lumière et de chaleur entre lui et les deux voyageurs. Le dragonien de constitution normale, brun, aux yeux de bronze, parla avec une voix plutôt fluette.

-Bonsoir p’tit gars, c’est ton feu ?

-Euh… Bonsoir voyageurs… croassa Elbar avant d’acquiescer.

Il se racla la gorge. Voilà trop longtemps qu’il n’avait pas parlé. Tandis que la dragonienne se serrait contre celui qu’Elbar supposa être son compagnon, ce dernier poursuivit avec un sourire aimable.

-Ca ne te dérange pas qu’on dorme là ?

-Du tout… au contraire… puis le jeune dragonien se présenta selon les règles, il ferma son poing droit sur le cœur, baissa légèrement la tête, fixant le lointain se situant entre ses deux « invités » surprises, et annonça sa « profession », et son nom : vagabond Elbar Lerkdmiss Quézermistos.

Le nom de sa mère d’abord. Puis celui de son père. Les deux autres lui sourirent, et, avec la même gestuelle, se présentèrent à leur tour.

-Guerrier de l’Aube Frodérr Kerniss, se présenta le dragonien à la voix fluette.

-Guerrière de l’Aube Niss Kerniss Rehmnor, compléta la dragonienne.

Donc, ils étaient mariés. Et étaient de même niveau social. Elbar s’assit par terre, un peu plus près de Niss, et s’enivrant avec son odeur. Frodérr commença à fouiller dans son sac, offrit une bonne poignée de bonbons à la seiche à Elbar, qui se fit aussitôt une réserve dans ses poches, puis le guerrier brandit le plus gros jambon que l’adolescent aie jamais vu. Le jambon fut mis à cuire sous les braises, déplacées grâce à la magie, de même que la terre et quelques pierres se déplacèrent, de toute évidence animées par la volonté de Niss, soulignée par sa main tendue et quelques agitations de ses doigts.

-Dis-moi, Elbar, ça a quelle origine comme prénom ? s’enquit Frodérr.

-C’est un prénom d’elfe Yrdeï. Et non, je ne sais pas à quoi a pensé ma mère en me nommant comme ça.

Les deux hommes bavassèrent un temps sur le sujet, puis le plus jeune s’étonna que Niss ne dise rien. Elle prit enfin la peine de répondre, annonçant qu’elle n’avait rien d’intéressant à raconter. Donc, elle ne disait rien. Les deux bavards reprirent leur discussion indigne d’intérêt, dérivant sur une bonne trentaine de sujets, avant que Frodérr ne bâille à s’en décrocher la mâchoire, et s’allonge pour dormir.

Elbar fut impressionné par cette démonstration de confiance totale et absolue vouée à Niss. Cette dernière, lorsque son compagnon fut profondément endormi, fit signe à Elbar d’approcher. Ce dernier obéit, le cœur battant à tout rompre. Que lui voulait la voyageuse en chaleur ?

-Tu peux me protéger du froid, petit ? réclama-t-elle.

-Euh… sssss-euh… gloups… paniqua Elbar confronté pour la toute première fois de son adolescence à des désirs charnels.

Niss poussa un profond soupir.

-C’est la première fois que tu approches une sœur en chaleur ?

Le petit jeune acquiesça vigoureusement. De nouveau, elle soupira.

-Eh bien figure-toi que je sais très bien me tenir, malgré mes chaleurs. Alors maintenant, tu viens t’installer sur mes genoux, comme un fils, et tu dors. Ca crève les yeux que tu as besoin de sommeil, petit. Et sois prévenu, tu te montres incorrect, je t’arrache la tête avec les crocs.

Le voyant approcher avec encore plus de réticence, elle lui fit remarquer que s’ils avaient voulu le tuer, ils ne se seraient vraiment pas donnés la peine de partager leurs vivres avec lui. Elbar se força à venir jusqu’à la guerrière, puis s’installa précautionneusement sur ses genoux. Là, le cœur battant à tout rompre, l’esprit embrumé par l’odeur de la dragonienne, il se mit très lentement à l’aise entre ses bras.

Lorsqu’il se réveilla, Niss le portait, le soleil n’était pas très loin de son zénith, et Frodérr lui offrit sans mot dire un lapin grillé. Elbar bondit des bras qui l’avaient serré toute la nuit, dévora avec reconnaissance le rongeur, puis demanda au couple où ils allaient, comme ça. Et s’il pouvait les y accompagner. Cette dernière question fit rire les deux adultes, puis ils lui proposèrent d’être ses parents, au moins pour la durée du voyage jusqu’à la ville d’Arniès, une assez grande cité marchande, où ils comptaient passer l’hiver. Niss y avait une petite maison. Cela permettrait également à Elbar de voir s’il souhaitait devenir lui aussi Guerrier de l’Aube, un serviteur de l’esprit du jour et de la vérité. Lui aussi aurait alors son arme stylisée, forgée par ses soins, en blanc, or et rubis.

Elbar eut du mal à en croire ses oreilles, lorsque Frodérr, avec l’accord silencieux de Niss, lui offrit carrément de lui acheter les potions permettant aux non-mages sans instinct d’avoir accès à ce qui leur manquait… et à se servir de ce qui lui revenait de droit. Ses pouvoirs, et sa forme de dragon. Bien évidemment, il accepta. Comment refuser de devenir enfin un dragonien à part entière ?

Il espérait juste qu’il saurait tenir sa langue, concernant sa haute trahison. De plus, Vouivria avait doté les dragoniens d’une capacité unique : en dormant à côté d’autres personnes, pendant plusieurs semaines, ils pouvaient voir des brides de passé de ces autres personnes. Cela fonctionnait bien sûr mieux entre dragoniens, mais d’après les récits, cela fonctionnait sur absolument tout être pensant. Il existait quelques moyens de protéger une partie de son passé, malheureusement Elbar n’en connaissait aucun.

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