Chapitre 20

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La bienveillance pure est parfois dure à accepter. Certaines personnes ont du mal à comprendre cela. « Pourquoi refuse-t-il mon aide ? », pourquoi ci, pourquoi ça. Parfois, par manque de patience, leur bienveillance peut se transformer en frustration et alors le destinataire de toute leur attention coupera définitivement les ponts. C’est une leçon que j’ai apprise bien trop tard dans ma vie. Maintenant que mes vieux jours se sont libérés du poids des responsabilités, j’ai souhaité méditer sur mes erreurs passées.

Dans un monde tel que le nôtre, n’est-il pas cohérent de penser chaque action comme du donnant-donnant ? Après tout, nous travaillons pour recevoir un salaire, nous aidons des pairs pour recevoir leurs faveurs. Cependant, il est vrai que certaines relations ne peuvent se résumer à uniquement une transaction. Cet amour de l’autre nous pousse à lui tendre la main naturellement, car vous vous sentez peiné de la même manière par ses malheurs. Une empathie, une confiance qui se crée avec le temps et qui nous permet de donner sans rien attendre en retour. Sans cela, n’est-il pas raisonnable de penser se sentir redevable ?

Extrait de Essai et mémoire au crépuscule de ma vie

de Rafale


Il ne suffit que de quelques minutes de marche pour retourner au cœur de l’agitation de Tarn. L’artère commerçante qui s’était vidée à l’approche du repas, je retrouve tous ces marchands et passants déambulant dans la rue du marché. Bondée de monde. On ne s’y pousse pas, mais la nervosité des uns contamine les autres. Il y a comme de la fébrilité dans l’air.

– Quels magnifiques légumes de saison ! Ces couleurs sont…

– Hé, gamin, fait attention où tu poses tes pieds. Il manquerait plus que…

– Oh, un festival ? Je ne pensais pas que Tarn organisait…

– Ah veuillez-nous excuser pour le temps d’attente. Voici votre…

Les réjouissances des fêtes de fin d’année. Comme si de rien n’était.

- Ah…

Je ne devrais pas penser ainsi, je ne le sais que trop bien. Pourtant, je ne peux m’empêcher d’en vouloir à ces gens. Sans doute, la majorité n’a pas assisté à la mascarade de tout à l’heure, mais… derrière ces visages insouciants, qui sait ce qui se cache derrière. Ils sont tous pareils, prêts à me déchiqueter à la moindre occasion. Leur sourire me donne envie de vomir, leur rire, de devenir sourde.


- Tu n’as plus rien à craindre : ton chevalier servant est arrivé !


Je grimace, tente de repousser cet écho du passé tout au fond de ma tête. Une distraction. J’ai besoin d’une distraction. Mon regard parcourt à nouveau la foule qui grandit à vue d’œil.

– Mais oui, vous savez : la Danse des Feuilles est organisée…

– Pardon ! Je ne vous avais pas…

– Merci beaucoup. Au revoir !

J’hésite un moment avant de m’aventurer plus loin. Tout ce monde… Mais ça ne dure qu’un instant. Liêm qui me devançait s’enfonce sans une once d’hésitation.

- Ah… !

Mon cerveau pulse, pousse contre les parois de mon crâne. Prêt à exploser.

- Tout va bien, mademoiselle Dorlémon ?

- Oui… oui, ça va. Je vous suis.

- Si vous le dites.

Et nous continuons notre route. Moi, le suivant aveuglément au milieu du tumulte, lui, me guidant entre les étalages. Rapidement, des barrières d’inconnus m’encerclent. Certaines étoffes me frôlent, j’évite de peu quelques mains jetées inconsciemment en l’air. Je me baisse, me tortille entre bras et jambes. Je lance des excuses à tout va. Mais jamais je ne le perds de vue. Quelques regards jetés par-dessus son épaule pour vérifier si je le suivais toujours, Liêm ralentit le pas, se poste au coin d’un stand pour me permettre de le rattraper. Ses pas sont assurés, il se faufile, suit le mouvement avec un naturel. Peut-être serais-je capable d’en faire de même une fois familiarisée avec Tarn ?

- Hmmpff…

Ma tête tourne. Je prends appui sur un étalage tout proche.

- Tout va bien, mademoiselle ?

- Oui, oui, ça va. Ne vous occupez pas de moi. Ça va aller.

La douleur s’intensifie, je grimace de plus belle. Dans cet état, je serais bien incapable de retrouver le chemin de chez Martha ; sans Liêm, je serais très probablement en train tourner en rond dans un coin de cette ville.

- Ah…

Il n’y a aucun doute que je lui suis reconnaissante de prendre ainsi de son temps. Pourtant… J’avale difficilement ma salive. Un sentiment de malaise qui grandit de minute en minute. Quelque chose cloche.

– Et mais regarde, ce ne serait pas lui le fameux violoniste dont tout le monde…

– Mais qu’est-ce que tu racontes ? Je n’ai jamais vendu de poire à ce prix-là…

– Brr… ! La vague de froid ne saurait tarder. Il va falloir faire…

L’odeur des épices me piquent le nez. Les fragrances des fêtes. À l’approche de l’hiver, leur présence s’est multipliée sur les stands. Ajouté à cela la note sucrée des pâtisseries qui s’empilent au fond des paniers de commissions. Je prends une grande inspiration. Mes poumons se remplissent de toutes ces délicieuses odeurs. Je me sens plus légère.

Ou presque.


- Ah ah, crois-moi, je serais au courant si ça avait été le cas. En tant que ton admirateur secret numéro un !


Mon mal de tête ne disparaît toujours pas. Le temps s’écoule, mais il ne change pas. Vertige qui gangrène chacun de mes pas. Un goût amer dans ma bouche.

Clochette.

Son nom, quoi que je fasse, revient toujours me hanter.

Clochette, Clochette, Clochette, Clochette, Clochette, Clochette, Clochette.

Comme si un millier de ces grelots me poursuivaient, ces quelques sons tournent en boucle dans ma tête. Pourquoi je pense encore à lui maintenant ? C’est inutile de se prendre la tête avec ça : ce qui est fait est fait. Je ne regrette rien. Mes lèvres se pincent.

Non ! Je secoue la tête. Il ne faut pas flancher maintenant. Rappelle-toi : ils sont tous pareils ; tu ne peux compter que sur toi-même.


- C’est un vrai plaisir d’avoir une cliente comme vous sous mon toit ! J’espère que vous resterez longtemps parmi nous.


Martha avait juste pitié de moi. Elle m’a déblatéré toutes ces jolies choses uniquement pour soulager sa conscience, rien d’autre. La pure bienveillance n’existe pas dans ce monde.


- Tire !


Du bout des doigts, je masse mes tempes. Sa voix résonne encore dans mes oreilles après toutes ces années. Oncle Orléo m’avait adoptée dans un but précis et uniquement pour cela. Tout le reste, c’était juste par nécessité pour ma santé mentale qu’il le faisait.

Des souvenirs remontent à la surface.

Des repas partagés.

Des explosions de joie communiquées.

Des câlins et des caresses adorés.

Mais je les noie presque immédiatement. Futiles. Comment pourrais-je ne serait-ce qu’envisager que tout ceci ait pu compter pour lui alors que je ne sais même pas pourquoi il m’a prise sous son aile ? M’entraîner au combat ? Pour me protéger de quoi ? Pour attaquer quoi ? Mon esprit devient confus. Je me frotte les yeux en espérant calmer le tumulte que notre passé à soulever.

Ce jour-là, en sortant du train, quand j’ai enfin réalisé que j’étais dans cette même ville où tu avais passé cette commande étrangement mystérieuse, je me suis sentie comme libérée d’un poids ! Mais… où en suis-je maintenant ? Avec toute cette paperasse inutile papotant uniquement sur ce qu’est le « destin », qu’ai-je bien trouvé de plus ? Rien. Aucune réponse. Retour à la case départ.

Je retiens un rire. C’est ironique en un sens : ma situation actuelle ne se démarque guère de celle que j’avais à Mer’u. Cette expression se plie parfaitement à mes circonstances. Je devrais me réjouir d’une telle coïncidence !

Les rues continuent de défiler. J’essaie de ne plus penser à tout ça. À rien, en fait. Mes yeux se fixent simplement sur l’air en face de moi. Ne. Plus. Penser. À. Rien. Ça vaut mieux pour moi. Un pas après l’autre. Concentre-toi dessus. Sur chaque muscle qui s’exécute à ta demande. Contrôle-les. Pour que plus rien ne t’échappe. Je souffle. Grande inspiration. Je ne cherche plus à admirer le paysage, à me repérer. Suis simplement le chemin tout tracé. Liêm, posté un peu plus loin, te guidera jusqu’à ta destination. Détends-toi. Ne te préoccupe de rien d’autre. À mesure que les mètres s’accumulent au compteur, je sens mon cœur se calmer, mon esprit s’apaiser. Oui, tu n’as rien à craindre. Laisse-toi simplement porter.

Grave erreur.

Nous sommes bien loin du quartier où réside Martha.

- Mademoiselle Dorlémon.

Liêm s’arrête devant un bâtiment. Un café plus précisément. Le même où j’étais attablée avec Clochette le jour de notre rencontre. Les poutres de bois, les bacs à fleurs remplis de pensées. Tout est exactement pareil.

- Ou plutôt, devrais-je dire, mademoiselle Mieux ?

Je me fige en entendant cela.

- Q-quoi ? Qu’est-ce que vous… ?


- Oh, mais je crois que j’ai fait un nouvel impair : je ne crois pas m’être présenté, veuillez me pardonner. Trần Hoàng Liêm, enchanté. Mais vous pouvez m’adresser sans problème comme Liêm.

- Enchantée, je m’appelle Sofia Mieux. Vous pouvez m’adresser simplement comme mademoiselle Mieux.


Merde.

- Vous me voyez surpris d’apprendre que vous connaissiez madame Vollenzosky : votre arrivée en ville me semblait toute fraîche. J’aurais pu accepter une telle éventualité si vous logiez « Chez Martha et Luther », cependant, comme cela n’est point le cas, cela me rend d’autant plus curieux de connaître les circonstances de votre rencontre, vous comprenez, n’est-ce pas ?

- …

- Maintenant que j’y pense, vous me semblez quelque peu fatiguée, mademoiselle Mieux. Devrais-je plutôt vous raccompagner au « Pavillon des cinq senteurs » ?

- Qu’est-ce que vous me voulez ?

Même s’il est de dos, je devine quel genre d’expression faciale se dessine sur son visage en ce moment même : un grand sourire. Plissant ses yeux bridés, adoucissant les traits intimidants que lui donne son crâne rasé, son impressionnante stature. Cependant, cela ne lui donne en rien un air plus sympathique.

- Moi ? Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question.

- Ne tournez pas autour du pot : j’ai horreur de ça.

- Très bien. Si c’est ce que vous voulez.

Accédant à ma demande, il se retourne, me faisant face. Ma respiration se bloque.

- Mademoiselle Dorlémon, je vous prie de me suivre. J’ai quelques questions à vous poser.

Sorti tout droit d’une de ses poches, un badge brillant. Celle d’un loup en pleine course. Le symbole des Enquêteurs.


Ƹ§Ʒ


Il y a peu de clients dans le café. À peine deux-trois têtes par-ci, par-là. Un serveur en pause feuillette le journal dans un coin. Il ne semble pas enclin à prendre notre commande de sitôt. Sa tête dodeline légèrement, ses paupières se soulèvent par intermittence, luttant contre le sommeil. Son tablier sale pend lamentablement autour de son cou. Le journal reste dans sa main uniquement à cause de la moiteur qui l’a imprégné et le garde collée contre la chair. Il ne réagit même pas quand on passe devant lui.

D’un pas assuré, Liêm me guide jusqu’à une table inondée de lumière. La fenêtre, quoiqu’un peu teintée, laisse entrer à flot les rayons du Soleil. De charmants petits rideaux de dentelle saupoudre le tout, ne cachant absolument rien de ce qui passe à l’intérieur. Pas très discret en somme. Étrange choix. Mais l’Enquêteur ne s’en préoccupe guère : élégamment, il prend position sur sa banquette en bois. Ses jambes croisées, mains entremêlées en dessous de son nez. Son regard perçant fixé sur moi.

- Je vous en prie, asseyez-vous.

- C’est trop généreux de votre part.

Il ne tique pas à mon ton sarcastique. Au contraire même, il semble s’en amuser. Un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale. Sensation désagréable. Tout mon corps crie de m’enfuir. Cependant… Je m’assieds en face de lui, le dos droit et le menton relevé. Il existe certaines confrontations que l’on ne peut éviter.

- Alors, de quoi vouliez-vous parler ?

- J’imagine qu’il est inutile de vous rappeler les procédures pour ce genre d’affaires, mais, comme il en est de mon devoir, je vais me plier aux règles. Tout d’abord…

Il pose sur la table un papier et un stylo. Ainsi qu’un magnétophone.

- Voici la fiche qui vous informera de tous vos droits dans cette entrevue, tel que le droit au silence ainsi que votre droit de libre participation à cet entretien : vous pouvez y mettre fin à n’importe quel moment. Il ne s’agit pas d’un interrogatoire, mais bien d’une déposition de témoin : le but de cette discussion est donc de mettre en lumière le plus d’éléments significatifs que possible par rapport à cette affaire et non pas de pointer votre culpabilité. Vous êtes actuellement nullement soupçonnée pour quelque délit que ce soit. Du moins, pour le moment…

Le sous-entendu passe mal. Ma gorge est sèche. Mais je n’en laisse rien paraître.

- Bien évidemment, tout ce qui a été dit ou fait en dehors de cette entrevue ou autre procédure réglementée ne peut être reçu comme preuve à proprement parler. Cependant, cela ne m’interdit pas de me reposer dessus pour avancer dans mon enquête.

Mes yeux se plissent à son ton railleur. Son discours mêlant officiel et personnel. Sa position de force semble lui être montée à la tête. Ou bien s’agit-il simplement de son égo ? Je ne doute pas qu’il ait déjà résolu nombre d’affaires malgré son jeune âge et même qu’il soit hautement estimé par les autres membres de sa caste. Cependant, il ne diffère en rien des Gardes de Mer’u. Et peut-être est-ce ce manque de réaction de ma part qui lui fait soulever un de ses sourcils.

- Enfin bref, je vous laisse signer le papier pour attester que cette entrevue suit bien la procédure légale requise.

Soupir. Je lis minutieusement le contenu du papier qui m’est tendu. Ligne après ligne, paragraphe après paragraphe, je détaille chaque ligne et alinéas que l’on me présente. Le document me semble en règle. Aucune clause douteuse. Je suis même surprise qu’il n’y en ait aucune qui m’oblige à ne déclarer que la franche vérité. D’un mouvement fluide du poignet, j’appose ma signature en bas du papier.

- Voilà, c’est fait. On peut passer à la suite maintenant ?

- Mais bien sûr.

Dans un petit grésillement, le magnétophone se met en marche. La cassette tourne. Mes yeux s’y attardent un instant.

- Veuillez déclarer votre nom, prénom, caste assignée et lieu de naissance.

- Dorlémon Solfiana, Trappeuse… Mer’u

- Hum… simple et précis, j’approuve.

Il hoche de la tête, remplit le formulaire sur ses genoux. Puis son regard revient vers moi. Brillant de malice.

- Il me semble avoir remarqué une hésitation quant à votre lieu d’origine. Une raison particulière à cela ? Vous êtes évidemment libre de ne pas me répondre.

Je m’éclaircis la gorge.

- Rassurez-vous, je ne vois aucun inconvénient à répondre à cette question. Je ne connais pas l’identité de mes parents, je vivais dans la rue et un jour, tout simplement, on m’a adoptée. Il n’y a rien d’extraordinaire à cette histoire.

- Je vois.

Son stylo continue de gratter le papier, mais il ne rajoute rien. Étrange. Une drôle de sensation me parcourt. Les lignes se remplissent à vue d’oeil, mais ses lèvres restent toujours closes. La curiosité me démange. Mes lèvres hésitent un instant.

- Vous ne faites aucune remarque ?

Liêm relève la tête. Un air sceptique peint sur le visage.

- Je devrais ?

- Non. Non, pas forcément.

Silence.

Il reprend son travail comme si de rien n’était. Laissant échapper une occasion en or de me balancer une autre de ces remarques sarcastiques. Ou, peut-être, pour lui, n’était-ce qu’un détail ? Un maigre sourire se dessine sur mes lèvres. Je ne saurais dire si cela me fait plaisir que pour une fois on ne pointe pas le fait que j’ai été orpheline. Ou plutôt, c’est la gêne de l’avoir moi-même fait remarquer qui me submerge. Quel étrange compagnon. De ne pas me juger sur les on-dit.

Ou plutôt, est-ce moi qui suis bizarre de trop y prêter attention ?

La voix de l’Enquêteur coupe le fil de mes pensées. Le formulaire dûment rempli posé sur la table.

- Continuons cet entretien si vous le voulez bien. Avez-vous encore des contacts avec le village de Mer’u ?

- Pas vraiment.

- Et avez-vous une petite idée de pourquoi vous êtes ici aujourd’hui ?

- Non, je n’en ai pas la moindre idée.

Exceptée peut-être une maison laissée en ruine à Mer’u.

- Je vois.

Plus rien. Mon corps se tend. Instinctivement, mon regard se fixe un bref instant sur ses mains restées immobiles après ma réponse. Elles ne notent rien. Ce n’était que le temps d’une seconde, pas plus. Pourtant, quand mes yeux reviennent sur mon interlocuteur… Je me fige. Un grand sourire illumine le visage de Liêm.

- Vous avez remarqué, n’est-ce pas ?

Je ne réponds rien.

- Ah ! Je vois.

Son dos jusque-là bien droit vient s’appuyer contre le dossier de sa banquette.

- Vous ne faites assurément pas défaut à votre réputation, mademoiselle Dorlémon : votre sens de l’observation est tout à fait remarquable.

Puis soudain, il se lève et, sans même mettre à l’arrêt l’appareil, il arrache la cassette du magnétophone. Me la montre bien en vue. Son contenu, clairement visible à travers la surface transparente.

- Aucune bande. Aucun enregistrement. Inutile donc.

Puis, il la jette par terre. Le petit objet transparent glisse sur quelques mètres avant de retourner à son état inanimé. Toujours aussi souriant, il se penche vers moi.

- Qu’en déduisez-vous, mademoiselle Dorlémon ?

Pause. Inspiration fébrile. Je forme prudemment ma réponse.

- Que vous n’avez nul besoin de prendre des notes pour raisonner sur cette affaire.

Aucun mot ne sort de sa bouche. Pourtant, son insistance se fait bien sentir. Il épie, détaille la moindre parcelle de mon visage N’attendant qu’une chose : que je réponde ce qu’il souhaite entendre.

- Et que vous préférez que certaines choses ne soient pas enregistrées.

Comme des paillettes dans le regard.

- Exactement.

Ou plutôt la lueur d’un prédateur.

- Vous comprenez donc que cela enfreint sciemment la procédure et que par conséquent tout ce qui sera dit ici n’aura aucune valeur, n’est-ce pas ? Et quel serait donc l’intérêt de vous interroger dans de telles conditions ?

Ma gorge est sèche.

- Je ne sais pas.

Ses yeux bridés se plissent de malice.

- Cela signifie que j’arrive à résoudre mes affaires sans avoir besoin de preuves incriminantes. Et comment cela est-il possible, mademoiselle Dorlémon ?

Mon cœur bat à tout rompre. Pourtant, sans une once de peur, je soutiens le regard de l’Enquêteur.

- Est-ce une menace ?

- Pourquoi pensez-vous cela ?

- Non, je ne sais pas. Peut-être parce que vous êtes en train d’insinuer que les coupables se dénonçaient d’eux-mêmes, je me trompe ?

- Ha ha ha !

Son rire retentit haut et fort dans tout le café. Mais personne n’y prête attention. Pas une tête ne se retourne. Le serveur qui pionçait à l’entrée ne remue pas d’un cil. Comme si nous étions seuls.

- Encore exact.

Du bout des doigts, il essuie des larmes imaginaires au coin de ses yeux.

- Je ne pouvais demander mieux comme adversaire. La suite risque de s’avérer bien plus intéressante que je ne l’avais anticipé.

- C’est-à-dire ?

- Et bien, tout simplement la raison pour laquelle vous êtes assise à cette table, dans ce café.

Finalement, il se rassoit enfin dans un soupir satisfait. Comme s’il avait déjà résolu l’affaire. Oublié le masque du jeune homme poli et serviable : il laisse ouvertement voir son avidité au grand jour. Je ne serais même pas étonnée de le voir se lécher les babines. Seulement, je ne compte pas me laisser faire aussi facilement. Peu importe ce qu’il va essayer de me mettre sur le dos, il peut toujours courir.

Cependant…

- Venez-en aux faits.

… je m’attendais à tout sauf ça.

- Ah ! Mais bien sûr. Je souhaitais simplement vous poser quelques questions sur la disparition de monsieur Harion Delvirtight, votre ami d’enfance.

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