3. En boite

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Je n’ai franchement pas passé une nuit reposante. Je me repasse en boucle tout ce qu’il m’a fait, je ressens encore les cordes sur mon corps. En me regardant dans la glace, j’ai pu remarquer que ma peau est rougie à cause du frottement. Je ne sais pas combien de temps ça va mettre à partir, mais il ne vaudrait mieux pas que je me balade torse nu devant tout le monde. J’ai vraiment aimé, au point ou à présent cela m’obsède. Je me demande à quel moment il me demandera de recommencer, car dans son contrat il y était stipulé que c’est le dominant qui contacte le soumis pour une séance, et pas l’inverse. J’aimerais qu’il soit plus dur avec moi, qu’il me maltraite plus, peut-être avec une cravache, j’aimerais vraiment savoir ce que ça fait. Je réalise que le pervers ce n’est vraiment pas lui, mais moi, car j’en redemande.

Le lendemain c’est le week-end, je fais la grasse matinée et vers midi je quitte mon studio pour rejoindre Aria en ville. On a parlé de faire un resto avant d’aller voir le dernier film d’horreur au cinéma. Alors que je me dirige vers notre point de rendez-vous, je suis étonné de la voir avec le mec de l’amphithéâtre. Le duo se tourne vers moi et ma meilleure amie me saute au cou.

— Hey, j’espère que ça ne te dérange pas mais j’ai invité Charlie.

— Charlie ! Tu dragues ma meilleure pote ?

— Karl !!!

Je la vois devenir toute rouge, ce qui me fait ricaner.

— Ah, c’est l’inverse.

— Mais ta gueule ! Ne fais pas ton jaloux.

— Oulala, non. Avec ce que j’ai fait hier soir, je suis loin d’être jaloux.

— Quoi ??? Putain, mais raconte.

— Non, c’est interdit au moins de 18.

Elle commence à me martyriser l’épaule avec ses petits poings, ce qui me fait rire encore plus. Charlie ne sait pas trop où se mettre face à notre complicité, comme en cours il est juste là à côté de nous. On finit par aller dans une crêperie, petite spécialité du coin, notre repère à moi et Aria. Je regarde Charlie et je décide de le faire chier pour voir s’il supporte réellement notre rythme.

— Dis-moi, Charlie, vu la tête que tu as faite hier quand on a parlé d’uro en cours, j’ai vu à ta réaction que tu savais ce que c’était… Tu as pratiqué ?

Je le vois devenir rouge pivoine, puis se dandiner sur sa chaise, comme il avait pris l’habitude de faire quand nos sujets de conversation deviennent trop hard en cours.

— Bah… ouais… Une fois, j’ai fini dans une orgie bdsm.

Cette fois c’est moi et Aria qui sommes décontenancés par ses propos. Mon amie se met alors à ricaner et elle lui sort de but en blanc sa question.

— Tu es gay ?

— Non, bi ! J’assume aimer les deux.

J’entrouvre la bouche puis pince des lèvres, je l’admire de s’assumer aussi facilement, je n’y arrive vraiment pas. Aria me lance un regard en coin, elle sait que j’ai un problème avec ça, que mon coming-out je ne l’ai fait que devant elle. Au bout d’un moment je m’excuse, j’ai besoin de me rafraîchir aux toilettes. Alors que je fais mon affaire, perdu dans mes pensées, je sens une présence juste à côté de moi. En redressant la tête, je vois un smoking hors de prix… Putain, il fait quoi ici ? Vayen est seulement à côté de moi avec ce petit sourire en coin qui veut tout dire. Je deviens tout blanc, comment ça se fait qu’il est là, bordel ! Je finis ce que je fais et me retourne pour aller me laver les mains. Il fait de même, mais je m’obstine à l’ignorer. Au moment où je m’enfuis, il m’attrape par le bras et me roule une pelle d’un autre monde. L’effet sur moi est immédiat, je gémis entre ses lèvres, lui répondant avec la même force que lui, et je sens la chaleur monter. Sauf qu’un mec rentre et je le repousse violemment, nous séparant d’un bon mètre. Je le vois faire de grands yeux surpris par mon geste, il fronce de sourcils, ne comprenant pas. Moi, je sors des toilettes, m’enfuyant comme un con sans lui donner de justification. Je reviens à la table, faisant comme si de rien n’était, reprenant le fil de la conversation avec mes amis. Mais quelques secondes après, je le vois se placer sur la table dans leurs dos, face à moi. Ses yeux bleus me transpercent, mais il ne s’approche pas de moi. Je le vois sortir son téléphone, faire quelque chose, et le mien vibre… Un SMS de sa part.

— Pourquoi tu m’as repoussé comme ça ?

— Et toi, tu me suis ?

— Je travaille en face.

Je regarde en face, un grand immeuble s’y trouve et, derrière, la seule tour de la ville, réputée pour ses bureaux d’avocats, de notaires et de comptables. Je me mords la lèvre inférieure. C’est vrai il est avocat, il doit même bosser le samedi. Mon téléphone vibre de nouveau.

— Réponds-moi.

— Tu sais que je n’aime pas le voyeurisme.

— Oui, mais entre baisers et un baiser ce n’est pas pareil. Tu ne veux pas qu’on te voit avec moi, je te fais honte ? Ou tu as réfléchi à ce qu’on a fait et finalement tu regrettes ?

Aria s’agite, et je n’ai pas le réflexe de retenir mon téléphone qu’elle m’arrache des mains. Elle lit mes SMS sans aucune gêne alors que je me débats dans le vide pour le récupérer, en râlant et gémissant de mécontentement. Mon amie se fige et balaie la salle du regard, mais elle n’a pas le réflexe de regarder juste derrière elle. Lui me fixe intensément, car il voit parfaitement ce qui se passe et a compris que la jeune fille a grillé totalement ce qui se passait.

— Il est dans le resto et tu ne nous le présentes pas ?

Je deviens tout blanc. Elle n’a pas osé, pas devant Charlie Elle voit mon visage changer de couleur et elle siffle entre ses dents.

— Sérieux Karl, un jour va falloir t’assumer ! Dire que tu as un contrat ça ne te dérange pas, mais dire que tu es gay, si ! Je ne comprends pas ton fonctionnement.

Je vois la bouche de Vayen derrière eux s’ouvrir : il vient de comprendre pourquoi je l’ai repoussé. Ses yeux sont tremblants, moi je baisse la tête, mal à l’aise devant Charlie qui boit son verre d’eau, sans être choqué par ce que dit Aria.

— De toute façon, ça se voit un peu.

— Pardon ?

— Que tu es gay ! Ce n’est pas écrit sur ton front, mais ça se devine, un mec peut pas resté dans la friendzone avec une nana aussi canon qu’Aria sans être gay ou bi.

Sur le coup, je suis d’accord avec lui. Aria devient toute rouge face au compliment. Moi, je finis par me triturer les mains mal à l’aise. Vayen me fixe toujours, comme s’il attendait quelque chose. Je récupère mon téléphone et le range dans ma poche. Je ne sais plus ou me mettre.

— Bon, tu nous le présentes ? Ou lui aussi préfère se planquer ?

— C’est-à-dire…

Je regarde mon dominant, il me fait un petit sourire. J’ai les joues qui deviennent roses. C’est peut-être le moment de fait mon coming out finalement, un coming out qui n’en est pas un puisque tout le monde semble m’avoir grillé comme une merde à l’université. Aria a capté mes petits coups d’œil dans son dos et cette bourrique se retourne d’un coup, fixant alors mon brun qui la regarde sans baisser les yeux.

— Bonjour, beau brun ! Viens boire un verre avec nous au lieu de rester dans ton coin.

Il ricane, se lève et vient s’asseoir seulement à côté de moi, posant ses yeux bleus sur moi telle une caresse. Je baisse ma tête, la situation me gêne beaucoup. Charlie le reluque et sourit lui aussi. Hey, pas touche, c’est MON dominant. Vayen pose une main sur ma cuisse de façon tendre, mais à la fois possessive, mes amis ne pouvant pas le voir sous la table.

— Alors, c’est toi le dominant de mon meilleur ami ! Comment tu t’appelles ? Tu bosses dans quoi ? En face, y’a la tour, mais y’a pas mal de bureaux, je suis curieuse, dis-moi tout.

Vayen ricane face à cet interrogatoire, mais cela ne semble pas le perturber.

— Je m’appelle Vayen Montargus et je suis avocat ! Tu veux tout savoir, mais je ne suis pas sûr que Karl soit d’accord.

— Non, évite les détails, elle serait capable de te poser des questions embarrassantes.

— Je ne suis pas pudique et j’assume totalement mes penchants.

— Ouais, mais pas moi.

— Oui, je viens de le comprendre.

Il me fait un sourire tendre. Il ne semble pas m’en vouloir, au contraire il essaie de tout faire pour me mettre à l’aise. Même pendant la séance il s’inquiétait de savoir si j’allais bien, si je supportais bien ce qu’il me faisait. En fait il est respectueux et le fait qu’il soit dominant ne fait pas de lui une brute épaisse ; il a été extrêmement doux avec moi. Aria a un grand sourire, sautillant sur sa chaise. Elle semble ravie de le rencontrer, mais moi ça me dérange car cela donne des allures officielles avec lui. Je lève finalement les yeux vers lui, avec une question en tête : me considère-t-il comme un simple soumis, un plan cul ou est ce qu’il cherche justement à ce que ce soit plus… officiel ? Veut-il se montrer avec moi ? Déjà, il n’a pas rechigné à se présenter devant mes amis, comme s’il n’attendait que ça.

— Et du coup, c’est officiel entre vous deux ? Ou seulement une histoire de contrat ?

Merde, Aria a ce chic pour mettre les deux pieds dans le plat et de ne pas y aller par quatre chemins. J’ai les yeux tremblants, je rougis violemment, le regardant en coin… Mais attends, il rougit lui aussi ? Il se tourne vers moi, ne répondant pas à mon amie. Je crois qu’il prend des pincettes avec moi. Il attend comme un signe, un accord de ma part, il ne semble pas vouloir aller trop vite, comme s’il avait peur de me faire fuir. Je soutiens son regard, je ne sais pas moi-même ce que je veux. Je sais seulement que je semble addict à ce qu’il m’a fait hier soir, mais je ne sais pas si c’est à lui réellement.

— C’est… encore tout récent… arrête ton interrogatoire, Aria.

Elle glousse, Vayen me sourit ; il a bien vu que j’ai contourné habilement la question. J’aimerais plus parler de ça avec lui en intimité, faire trop de révélations en même temps va briser mes nerfs. Je le vois regarder sa montre, il se lève d’un coup.

— Je suis désolé, je serais bien resté plus longtemps, mais il faut que je retourne bosser. Ravi de vous avoir rencontrés. Karl, je t’appelle, rapidement.

Il me fait un beau sourire et file en direction de la tour. Aria se penche sur moi avec des yeux remplis de malice.

— Putain, Karl, il est canon .

— Pas touche !

— Oui, oui, ne t’inquiètes pas je ne dois pas être son genre.

Mon avertissement ne la visait pas, mais Charlie ne relève même pas… il a les yeux plongés dans le décolleté d’Aria : il semblerait qu’il chasse un tout autre gibier.

Le soir, je n’ai pas forcément envie de sortir, mais Aria veut aller en boîte et je décide de lui faire plaisir, car je ne suis jamais rassuré quand elle y va toute seule. Cette fois, il y a Charlie, mais j’ai cet instinct de presque grand frère avec elle. La musique est forte, j’ai mal au crâne et Charlie revient avec une bouteille de rhum. La rousse est hystérique à côté de moi, à vrai dire elle s’est déjà enfilé trois verres de vodka redbull. Moi, je me tiens relativement à carreau, mais j’adore le rhum… C’est donc à trois qu’on se descend la bouteille, que je vais en chercher une autre et que finalement on est trois péquenauds ronds comme des queues de pelles. Aria est collée à Charlie comme une moule à son rocher, elle finit même par lui lécher la glotte et lui ne semble pas mécontent de la chose. Je finis par me lever, ce spectacle me donne envie de rendre l’alcool que j’ai ingéré. Je me dirige vers les toilettes. En ressortant avec ma vessie allégée, je me cogne dans quelqu’un qui me retient par les épaules pour que je ne me vautre pas comme une merde.

— Tu es bourré, ou je me trompe ?

Cette voix me dit quelque chose. En relevant mes yeux embrumés par l’alcool je vois ce visage qui ne fait que m’obséder depuis hier soir… Ah non, vu l’heure c’était avant-hier soir.

— Vayeeeen ! Mon beau dominant.

L’alcool me fait agir et j’enroule mes bras autour de son cou. Je crois qu’il sourit, mais je ne suis pas sûr.

— Tu es tout seul ?

— Naaaan ! Aria est en train de lécher les amygdales de Charlie, c’est à gerber.

— Bah voyons.

Ce soir il n’est pas habillé de son smoking, mais il a une chemise blanche qui met en valeur ses courbes. Je ne peux m’empêcher de poser ma main sur sa poitrine pour sentir ses muscles. Il a aussi un jean noir qui lui fait un cul d’enfer tellement il est moulé dedans. Un mec s’approche de nous, celui-ci ricane.

— Hey Vayen, tu as déjà ferré du gibier ? Il est mignon en plus.

— Tu le touches, je te fais bouffer ta main.

Sa voix a claqué de façon possessive. Ça m’excite, il me revendique car je suis à lui. Son pote me regarde étrangement, il relève un sourcil avant de ricaner.

— Ne me dis pas que c’est ton nouveau soumis ? Merde, Vayen, tu les dégotes où ? Ils sont toujours plus mignons les uns que les autres.

La réflexion de ce type me déplaît. Je sais bien que je ne suis pas le premier, mais parler des ex ça ne fait toujours pas plaisir. Je m’écarte de lui. Il me regarde intensément, m’attrape par la taille et me ramène vers lui. L’alcool ne me permet pas de me débattre et, de toute manière, je n’arrive pas à lui tenir tête, même sobre.

— Hey, tu vas te vexer ? Tu sais pourtant que tu n’es pas le premier.

— Ouais… Mais il parle de moi comme si j’étais un bibelot de plus sur ton étagère ! Va te faire voir, mec !

Je fais un fuck à ce type, il explose de rire. Vayen sourit, amusé par mon comportement. Je finis par me dégager enfin de son emprise, avant de lui sourire niaisement.

— Bon, je retourne voir s’ils ont fini de se bécoter ! Le reste d’une bouteille de rhum m’attend.

— Tu n’as pas assez bu ?

— Nan, au prix de la bouteille, merde ! Tu es peut-être mon dominant, mais tu n’es pas mon père.

Puis je le laisse planté là, me dirigeant maladroitement vers la banquette où nous étions installés avec mes amis. Ils sont encore en train de se bécoter, ils veulent battre le record du monde ou quoi ? Je verse la fin de la bouteille dans mon verre, puis bois comme si c’était du lait. Je suis tellement torché que je sens plus la brûlure de l’alcool dans ma gorge. Je les observe et termine mon verre cul sec avant de me relever.

— Je rentre ! Pensez à vous protéger.

Aria me lance un regard en biais, mais elle ne peut pas me répondre vu que sa langue est pas mal occupée. Je me dirige vers la sortie d’un pas chancelant. Une fois dehors, l’air frais me fait un bien fou. Je mets mes mains dans les poches et m’adosse à un arbre. Je crains d’avoir beaucoup de mal à rentrer, même si je n’habite pas loin.

— Tu as besoin d’aide pour rentrer ?

Je me tourne vers Vayen qui m’a suivi ; il a dû me voir fuir la boîte.

— Tu es un pervers.

— Pourquoi tu me dis ça, cette fois ?

— Tu m’a suivi, tu vas me coincer dans un coin et abuser de moi, avoue.

— Ça te déplairait ?

— Non, je risquerais d’adorer ça.

— Laisse-moi te raccompagner.

— Tu me baiseras une fois qu’on sera chez moi ?

Ses lèvres s’étirent en un sourire amusé puis il s’approche de moi pour m’aider à me soutenir. Le dernier verre que j’ai bu m’a mis les jambes en coton, je lui indique la rue où se trouve mon appartement. Je lui donne le code de l’entrée et, une fois devant ma porte, il me prend les clés pour entrer. Il me couche sur mon lit et je couine de mécontentement tellement la tête me tourne. Je ne sais pas ce qu’il fait, mais je crois qu’il me déshabille.

— Pervers !

— Je te mets juste à l’aise pour dormir.

— Baise-moi !

Je l’entends ricaner, je tends le bras devant moi, je le touche. Mes yeux entrouverts arrivent à le capter avant que je ne sente que mon esprit s’embrume de plus en plus. Je sens ses lèvres contre les miennes, je gémis et arrive à entourer son cou de mes bras. Il ne m’embrasse pas franchement, comme si quelque chose le dérangeait.

— Allleeez !

— Tu pues l’alcool et je n’ai pas envie que tu me vomisses dessus en plein milieu.

— Je ne vomis jamais.

— Tu t’endors en parlant.

— Reste avec moi alors.

— Ça, je peux.

Il m’embrasse de nouveau, je le sens se redresser alors que je n’arrive plus à garder les yeux ouverts. Il continue à me déshabiller, me mettant en caleçon. Il se met alors à côté de moi et m’entoure de ses bras. Je gémis d’aise, mais mon esprit est en train de partir. L’alcool a raison de moi et je finis par m’endormir en sentant son souffle dans ma nuque, ses bras enroulés autour de moi. Je ne sais pas pourquoi mais je sens que demain matin je vais regretter amèrement cette soirée… Ou peut-être pas. Dans les limbes de mon sommeil, je ne sais pas si c’est un rêve ou sa voix, mais quelqu’un me murmure :

— Je t’aime…

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