Le feu, brûle.

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 La chaleur ne brûlait pas seulement la forêt, elle brûlait aussi mes sens. En ce temps-là, ma jeunesse était à son apogée. J'étais ce Don Juan du vingtième siècle, cet homme qui n'avait pas froid aux yeux, qui faisait passer la vie d'autrui avant la sienne. J'étais ce héros que l'on contait à tue-tête dans les provinces. Et j'étais là moi aussi, cette nuit-là.

 L'affection ne m'avait jamais frappé l'esprit, je sauvais sans distinction, y compris les gens qui jalousaient ma beauté, mon esprit et mes façons. Oui, ce jeune homme que tous ces gens avaient connu n'existait plus cette nuit-là.

 Si cette forêt se mettait à brûler, c'était ma vie qui se serait éteinte avec elle. À ce moment-là, quand je l'avais vue brûler sous mon œil encore valide, j'avais pensé que si je ne la sauvais pas je ne sauverai plus personne, parce qu'il n'y aurait plus rien à sauver.

 Alors je fonçai tête baissée. Les mèches folles qui d'ordinaire me couvraient la vue furent basculées en arrière dans ma course à travers le bois. Mon grand nez ne m'était d'aucune utilité, asphyxié par la fumée, mon œil de verre virait au rouge et mes jambes se dilataient doucement. Je ne sentais plus rien, pas même mon corps fondre avec les flammes. Leur couleur se mêla un peu plus à celle de ma peau à chacun de mes pas, mon cœur n'avait jamais été aussi rapide. Je ne sentais pas non plus mes pieds s'écorcher, j'étais animé d'une adrénaline incontrôlable, celle de courir pour sauver ma forêt, comme si j'étais capable, à la seule force de mes bras, de balayer les flammes très haut dans le ciel pour les faire s'entretuer avec des nuages imaginaires. Mon ouïe était contaminée par le vacarme assourdissant du feu. C'était tout ce dont le feu était capable ? Et ma forêt, ne se rebellait-t-elle pas ?

 Le vent l'emportait encore plus vite, alors je courrai encore et encore plus vite.

 Je suffoquais, mes poumons intoxiqués, mes cuisses calcinées.

 J'avais sauvé ma forêt, j'étais certain de cela, tandis que les flammes crasseuses me gobaient.

 La seule chose à laquelle j'avais pensé, c'était que cette nuit-là, je n'avais jamais aussi bien couru.

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