Chapitre 51 : Des renforts pour les hommes

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Albert

Nous étions enfin arrivés à Urnia ! Comme il nous l’avait été dit, la compagnie des semblables avait établi ses quartiers sous les murs de la ville en attendant la venue de Renaud. Nous ne pouvions pas faire confiance ainsi à des étrangers sans les questionner quelque peu auparavant. Leur camp semblait fort organisé et la discipline des hommes paraissait solide !

Rapidement un groupe de deux vampires, sans armure comme convenu afin d’éviter une tentative d’assassinat contre laquelle nous ne pourrions rien, accompagnés de deux hommes s’approchèrent de Louis, Renaud et moi. Les salutations effectuées les présentations se firent. Il y avait donc face à nous Alekseï qui ne savait trop s’il était comte d’Ottomar étant donné que son père restait introuvable depuis le régicide et que, vu les accusations dont il faisait l’objet, son titre lui serait probablement retiré de toute façon. Il était accompagné de son frère cadet Artiom ainsi que d’une paire d’humains, Guillaume et Arsène, qui tous deux avaient le grade de capitaine dans la compagnie

Ils nous surprirent en disant n’être au courant de rien quant à l’assassinat de Miroslaw. Ils étaient en route vers Vanov, campant à l’écart de l’armée comme à leur habitude afin d’éviter toute rixe entre leurs hommes et des vampires. Soudain, sans qu’ils ne comprennent trop pourquoi, alors qu’ils étaient sur le départ, une troupe de soldats débarqua à leur rencontre et commença à les attaquer aux cris de « sus aux régicides ! ».

Une partie des hommes se sacrifia alors pour en sauver la majorité. Voyant que l’ensemble de l’armée semblait vouloir leur mort, ils décidèrent de nous rejoindre. Ainsi ces gens ne savaient toujours pas précisément pourquoi on avait cherché à les tuer.

Pendant tout ce temps la vue de vampires conversant tranquillement avec Renaud semblait quelque peu énerver Louis mais il se retint malgré tout de leur sauter à la gorge.

Renaud entra alors dans le vif du sujet :

« Bien, il est donc question de votre ralliement à notre cause. Je sais que votre volonté de libérer les hommes est sincère. Toutes ces dispositions sont davantage dues à une certaine forme de protocole et au fait que peu d’hommes font confiance à des vampires. Ils ne comprendraient pas que je me mette à votre merci sans précaution. D’ailleurs mon fidèle lieutenant, à ma gauche, se retient depuis tout à l’heure de vous égorger… Mais je te félicite de ne pas le faire, si tu pouvais afficher une tête un peu plus apaisée ce serait parfait ! Donc comme je le disais, une amie qui m’est proche nommée Irina a conversé avec vous lors de votre premier passage à Valassmar. Elle m’a fait savoir tout le bien qu’elle pensait de votre compagnie ainsi que de vos idéaux ! »

La tête des vampires semblait montrer une méconnaissance de cet épisode, Alekseï dit alors :

« - Nous avons discuté avec bien du monde mais j’imagine que la dame dont vous nous parlez a dû échanger ses mots avec notre père.

- En parlant de votre père, toujours selon cette dame, il semble qu’il ne soit hélas plus de ce monde. Vous avez apparemment été pris dans un complot visant à mettre Nikolaj III sur le trône d’Orania et avec lui Youlia, la fille de votre roi ! Ce dernier a chargé un de ses hommes de tuer votre père, puis de tuer Miroslaw en se faisant passer pour sa première victime. Ainsi Piotr IV se débarrassait en même temps du problème de l’accession au trône de sa fille et de vous ! »

Renaud leur tendit alors le message qu’il avait reçu la veille, dont même Louis et moi ignorions l’existence. L’expression de nos interlocuteurs affichait une certaine résignation, comme s’ils s’attendaient à ce que cela arrive un jour. J’imagine que lorsque l’on évolue dans un milieu où tout le monde vous hait, vous vous attendez à ce qu’un jour quelqu’un passe à l’acte pour vous faire chuter. Artiom reprit alors la parole :

« Merci de nous dévoiler ainsi la vérité, le deuil de notre père en sera plus facile et notre volonté de vous aider plus grande encore. Je suis donc fier de vous annoncer que nous avons réussi à vous apporter trois-mille deux-cents hommes ainsi que vingt vampires ! Nous nous battrons pour vous, mais d’abord nous aimerions en savoir davantage sur vos objectifs ! »

Renaud sembla pensif un instant et après avoir jeté un regard à Louis il répondit :

« Le même que vous sans doute, nous recherchons la libération des hommes, pour cela nous voulons créer le premier royaume humain de l’histoire dans lequel chaque homme sera le bienvenu et même des vampires s’ils respectent nos règles ! »

Louis n’en pouvait plus et mourrait d’envie de hurler à quel point l’extermination de tous les vampires était le véritable objectif car « le grand protecteur le veut ! » mais une fois encore il se contint, essayant même d’afficher un sourire qui du fait du contraste avec ses intentions réelles fut des plus malsains. Pour ma part je ne savais toujours pas où voulait en venir Renaud. Recherchait-il l’égalité entre les races, la destruction des vampires, l’établissement d’un royaume humain… ? Qu’importe au fond, il était rationnel et il ne pouvait pas se permettre de refuser pareil soutien. Trois mille hommes entrainés qui tombent du ciel, accompagnés par une poignée de vampires, voilà qui était inespéré.

Il fut rapidement convenu de ne pas aborder le sujet de la religion qui était extrêmement ancré. De plus, comme avec l’armée qu’ils venaient de quitter, il vaudrait mieux que les semblables demeurent à l’écart du reste de la troupe. La présence de vampires au sein même du camp risquerait de provoquer d’inutiles conflits. Habitués qu’ils étaient à cette situation, non seulement cela ne les dérangeait pas mais cela leur parut même normal. Le départ fut fixé au lendemain, afin que la compagnie puisse participer au plus vite aux manœuvres d'hiver.

Une fois cette entrevue achevée j’en profitai pour échanger quelques mots avec le capitaine de cavalerie de la compagnie, Arsène. Il me parla de sa foi, une obscure histoire entre le dieu Valass et une déesse Himka, qui serait la déesse des humains, suivie par tout un tas de choses toutes aussi alambiquées que celles qui concernaient le grand protecteur. Décidément je pense que la foi et moi ne ferons jamais bon ménage. Plus intéressant fut le passage où il me parla de la vie dans son comté ! Il me racontait que l’immense majorité des seigneurs était partie, refusant de vivre sur un pied d’égalité avec les humains. Ceci expliquait le faible nombre de vampires par rapport aux hommes dans la compagnie. Dans le fief même, la majorité des hommes se désintéressaient au plus haut point du sort de leurs semblables. Il exprimait visiblement un certain dégoût à leur endroit. Eux qui étaient si heureux d’être libres et de ne pas craindre la mort à chaque instant se vautraient dans les plaisirs les plus évidents et ne faisaient rien pour étendre l’exception de non hiérarchie. Ainsi entre la désertion des vampires et le manque d’entrain d’une grande partie de la population, des parcelles du comté avaient déjà dû être vendues par le passé. Les hommes qui étaient dedans et qui jusque-là vivaient dans l’insouciance firent alors connaissance avec la réalité de notre monde. La plupart servirent de nourriture aux vampires car ces derniers craignaient que la liberté qui leur avait été ôtée ne serve de terreau pour de futures rébellions. Malgré cela les autres humains se moquaient bien du sort de leurs anciens congénères. Tant que cela ne les touchait pas, ils continuaient à se prélasser au lieu d’œuvrer pour agrandir le comté. « Nous avions donc chez nous une horde de parasites contre qui nous ne pouvions rien puisque les vampires refusaient d’imposer quoi que ce soit aux humains. Les rares d’entre-nous prêts à prendre les armes étaient trop peu nombreux pour imposer quoi que ce soit à ces larves » me raconta-t-il visiblement plein de ressentiment à l’égard des gens dont il parlait.

Désormais il jubilait de savoir que l’exception de non hiérarchie allait être supprimée, il aurait tout donné pour voir la tête que faisaient en ce moment ses anciennes connaissances, alors que les vampires devaient débouler pour les massacrer de façon plus ou moins novatrice. Il éprouvait une immense haine envers ces hommes qui se désintéressaient de leur prochain, ou pire, qui faisaient mine de s’y intéresser tout en refusant de prendre les armes. Rapidement je sympathisais avec lui. Nous voilà sur la route du retour, échangeant de temps à autre quelques conversations tournant enfin sur autre chose que la question de savoir si Renaud est un dieu ou simplement l’élu.

Irina

24 décembre de l’an 5006 après la guerre des sangs.

La neige ralentissait le convoi sans que cela nous empêche de nous approcher jour après jour de Vanov. Le conseil, l’administration, ainsi que nombre de pigeons voyageurs furent amenés afin que Nikolaj III puisse continuer à gérer son royaume même en dehors de la capitale. Seul le grand-duc d’Ortov était resté à Valassmar afin de gouverner et régler les problèmes courant en l’absence du roi. Sa loyauté sans faille et sa faible utilité en campagne avait motivé ce choix. Nikolaj pour sa part envoyait quotidiennement nombre de messages ayant trait à sa guerre, tantôt pour rassurer les petits seigneurs sur ses intentions, tantôt pour régler les derniers détails de la paix avec les puissances voisines et tantôt pour distribuer les titres perdus du nord à tout vampire sans terre participant volontairement à la campagne.

Son conseil avait reçu comme seul changement depuis la mort de Miroslaw la nomination du baron de Vladivmar en tant que ministre de la diplomatie. Il avait été nommé avant tout parce qu’il était l’un des seuls vampires disponibles à la cour lors du sacre de Nikolaj mais il ne faisait rien à part occuper une chaise. En effet Nikolaj, bien que roi, continuait de s’occuper personnellement de tout ce qui touchait à son ancien ministère, tandis que les autres membres du conseil géraient leurs propres affaires courantes. Seul le seigneur Vanceslas, le ministre de la guerre depuis l’exécution du seigneur Lech, était véritablement débordé. Selon ses estimations Vanov devait être prête à accueillir jusqu’à soixante-mille soldats ce qui demandait une concentration logistique tout à fait exceptionnelle. Nulle ville n’avait jamais servi d’unique dépôt à une si grande armée.

Malgré tous ses efforts il apparut vite que seuls cinquante-mille hommes pourraient participer à la prochaine campagne. Ils seraient malgré tout accompagnés par deux-mille deux-cents vampires, soit la plus grande concentration de chevaliers depuis Nikolaj II le conquérant. Nikolaj III me laissait assister à tous les conseils et après nombre d’entre eux il m’expliquait en tête à tête chacune de ses décisions. Maintenant qu’il était roi il semblait bien plus présomptueux qu’avant. J’avais de plus en plus l’impression d’écouter un vantard en lieu et place d’un souverain, bien que ce vantard demeurait d’une intelligence tout à fait remarquable.

La reine pour sa part était restée à Valassmar. Le fait que je sois la seule représentante de la gente féminine dans le convoi convainquit tous ses membres que j’étais la maîtresse du roi, ce qui le faisait bien rire mais comme il le disait : « Mieux vaut que l’on me prenne pour un lubrique que pour un roi ayant besoin d’une confidente. Encore une fois j’agis là comme on s’attend à me voir agir ». Je ne m'en plaignait pas, le fait d’être perçue comme la concubine du roi m’attirait bien des avantages. J’étais traitée comme la reine elle-même durant le trajet. Jamais je n’eus tant de courtisans. J’imagine que le fait de passer pour la favorite du souverain confère un certain statut qui fait de soi l’objet des fantasmes les plus inavouables de nombre de vampires. Cela dit je tiens toujours autant à ma vertu ! Qu’importe que l’on me croit facile tant que je demeure préservée ! J’ai ainsi les avantages de la maîtresse du roi sans pour autant renier mes principes. Ce voyage est finalement bien plus amusant que je ne l’aurai cru. Si je continue ainsi à profiter de mes privilèges, je pourrai mener les hommes à la victoire et ce dans le plus grand des luxes !

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