Chapitre 44 : La prise d'Arnov

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Volodia

Après deux semaines de marche, nous avons fini par rallier Arnov… Beaucoup de vampires étaient morts durant la bataille, dont mon frère… Un chevalier m’a dit l’avoir vu poursuivre l’ennemi avec trop d’entrain et s’être retrouvé isolé lors de la contre-attaque humaine. Il faut bien qu’il y ait une bonne nouvelle dans tout cela mais il s’agissait bien là de la seule.

Notre armée n’existait plus et on nous rapportait que le gros de la troupe ennemie se rapprochait à grande vitesse de la ville. Le comte de Similinmar n’avait pas la tête à s’occuper de cela. Il était arrivé un jour plus tôt et, d’après ce qu’il se racontait, il l’avait passé à hurler sur le seigneur Vassili, celui-là même qui l’avait assuré que l’armée ennemie ne comptait que sept mille hommes et quatre-cents cavaliers. Ainsi c’était à cause de ses fausses informations que nous, les chevaliers d’Orania, venions de subir une humiliation de plus…

Tous les vampires présents, moi compris, étions plus que remontés. Rapidement il fut question de l’exécution du « traître qui avait vendu sa race aux hommes ». Ce dernier avait beau répéter qu’il avait été trompé par son espion, que cette défaite n’était due qu’à la fourberie des humains, cela ne fit pas changer d’avis l’assemblée qui hurlait qu’on le décapite !

Finalement le lendemain de mon arrivée l’exécution fut effectuée. Avant que le comte ne tranche la tête de celui qui nous avait mis dans pareille situation, il s'exclama :

« L’humain en qui vous avez mis nos vies sera torturé et exécuté de la pire des façons mais pour avoir vous-même fait confiance en un de ces êtres inférieurs, n’espérez nul salut auprès de Valass ! »

Après qu’il eut prononcé cette phrase, le comte fit s’abattre son lourd espadon sur le seigneur Vassili, qui continuait à hurler à l’injustice. Il dut s’y reprendre à trois fois pour le faire taire. Cela eut le mérite de soulager quelques peu l’ensemble des seigneurs de la défaite que nous venions de subir. Malgré tout, l’armée ennemie avançait et n’était plus qu’à quelques jours de marche. Après que justice eut été rendue, notre général commença à préparer le siège.

Cette préparation ne faisait que commencer lorsque la rumeur de l’approche des hommes, couplée à la nouvelle de la défaite sembla réveiller la ville. Le lendemain de l’exécution, une immense émeute éclata dans la cité. Une foule armée de bric et de broc s’approchait de l’hôtel de ville, accompagnée de la majorité des gardes. Ce troupeau criait :

« Vive Renaud notre roi ! », « Pour le grand protecteur ! » ou encore « Mort aux vampires ! »

Le comte exigea que l’on extermine cette racaille. Nous nous équipâmes donc et chargeâmes l’attroupement qui marchait à notre rencontre. Toutefois il sembla rapidement que ces gueux n’étaient pas isolés. Partout dans la ville des échauffourées de ce genre semblaient éclater. les quelques gardes qui étaient demeurés fidèles aux vampires étaient exterminés tandis que des incendies démarraient un peu partout. Les vampires, dont moi-même, avions beau accourir dans toute la ville dès qu’un accident survenait, nous n’étions accueillis que par des jets de meubles ou autres matières peu ragoutantes depuis les fenêtres.

Je vis un garde aux prises avec des rebelles nous appeler à l’aide mais, lorsqu’un de mes camarades chargea pour le libérer de ses assaillants, l'ensemble des hommes, dont le soldat qui jouait la comédie, se retourna vers lui, le fit chuter de sa monture et le tua sur place pendant que d’innombrables humains surgissaient de chaque ruelle pour nous prendre à parti. Nous nous taillâmes un passage à coup d’épée, laissant là notre camarade parti aider un humain.

En quelques heures la ville était hors de contrôle. Dès que nous allions quelque part, nous parvenions à rétablir l’ordre et c’était alors un autre quartier qui s’embrasait. Le soir-même, plein de honte, le comte dut se résoudre à abandonner la ville :

« Nous avons du mal à rétablir l’ordre, jamais nous ne tiendrons un siège dans ces conditions… Tuez le plus d’humains possibles, brûlez la ville, nous partons demain à l’aube ! »

Nous obéîmes ! Toute la nuit durant nous massacrâmes chaque humain se présentant à nous. Nous rentrions dans une maison, tuions hommes, femmes et enfants avant de brûler la chaumière ; puis nous recommencions. Qu’importe qu’ils implorent pitié, qu’ils jurent allégeance aux vampires ou qu’ils nous promettent d’éternels tourment de la part d’un certain grand protecteur, nous les tuions tous !

Ce carnage dura jusqu’au petit matin. Lorsque le soleil se leva il révéla aux survivants une ville en proie aux flammes et à la désolation. Les cadavres gisaient dans les rues, d’innombrables têtes étaient exposées sur des piques et nombre de corps étaient pendus partout où cela était possible.

Certes, nous partions, mais nous laissions un message : voilà à quoi ressemblerait le royaume des humains dans quelques années, voilà où va vous mener le fameux « roi Renaud » !

Albert

Je marchais avec la cavalerie au-devant du reste de l’armée. Cela faisait une journée que nous étions arrivés en vue d’Arnov. Nous observions la situation en attendant l’infanterie lorsque des incendies commencèrent à se répandre entre les bâtiments et que des bruits de combats se firent entendre. J’envoyai un éclaireur rapporter cela à Renaud tout en restant à proximité de la cité avec le reste de l’escadron. Le lendemain matin, sans que nous ayons eu à combattre, les vampires quittèrent la ville toujours en proie aux flammes.

Lorsque les chevaliers furent suffisamment loin, j’entrai avec la cavalerie pour y découvrir un véritable charnier. Je reconnaissais bien là la subtile pâte des vampires, toujours promptes à dialoguer avec des humains mécontents. Sauf que d’habitude, c’était moi qui me chargeais de pendre les femmes et d’étriper les enfants… J’imagine qu’ils n’avaient même plus assez d’hommes fidèles pour faire le sale boulot.

A peine avions nous franchi les murs que quelques humains sortirent de leur cachette, puis ce furent des groupes entiers qui surgirent des décombres. Chacun s’était sauvé comme il avait pu et je vis ici et là des femmes décrocher leur mari pendu ou l’inverse. Nous fûmes accueillis en libérateurs mais le temps n’était pas à la joie. Rapidement j’ordonnai aux soldats d’aider les habitants à éteindre les feux et à ramasser les corps. A mesure que je me faufilais à travers les ruines, je découvrais d’autres cadavres plus ou moins mutilés, jusqu’à ce que j’arrive sur la place centrale où gisait cette fois un vampire, la tête tranchée posée à côté du corps… Il s’agissait d’ailleurs de nul autre que de ce cher Vassili. Les vampires avaient d’ailleurs laissé à mon endroit un message écrit sur le billot avec le sang du condamné :

« Albert, bientôt tu regretteras de ne pas t’être donné la mort à cet instant. »

J’appréciais que ma contribution quant à leur défaite soit ainsi reconnue bien que je me disais que cette inscription disait sans doute vrai… Si un jour j’étais capturé, il serait fort probable que je regrette de ne pas m’être donné la mort plus tôt… mais après tout, jusqu’ici la victoire n’avait fait que sourire à Renaud et comme je le fais d’habitude, le meilleur gage de sécurité en ce bas monde est de mettre sa vie entre les mains du plus sage… Il semble que ma vie soit entre de très bonnes mains tout compte fait… et puis j’aurai toujours l’occasion de me suicider en cas de défaite, d’ici là profitons de la victoire ! J’effaçai donc ce message au plus vite en même temps que mon passé d’espion avant qu’un officier lettré vienne à le découvrir et à se poser des questions.

Une fois ceci fait je fis envoyer une missive à Renaud pour lui dire que la ville avait été abandonnée et était désormais sous notre contrôle, puis je m’empressais d’aider la population en les rassurant sur l’arrivée prochaine de leur roi qu’ils semblaient considérer comme le messie. En attendant me voilà dans l’hôtel de ville à siroter de l’excellent vin, que les vampires ont eu le bon goût de ne pas brûler contrairement à la nourriture, mon carnet à la main, profitant ainsi de mon titre de maître de cavalerie.

Godefroy

Après une marche forcée des plus éprouvantes, nous arrivâmes enfin à Arnov en ruine et désolée. On voyait encore les traces qu’avait laissées le feu et les habitants semblaient meurtris dans leur âme et dans leur chair.

Albert se tenait sur son cheval devant l’hôtel de ville, fier comme un paon comme s’il avait pris la ville après un dur combat. Renaud le félicita et s’adressa alors à la ville affamée qui demandait à ce qu’on la nourrisse :

« Habitants d’Arnov, vous vous êtes libérés de vos chaînes sans aide ! Pour cela soyez fiers ! Les soldats partageront la nourriture qu’ils ont jusqu’à ce que plus de vivres nous soient envoyés depuis Altmar ! En attendant reconstruisons ensemble votre ville ! Que les taudis qui ont brûlé soient remplacés par de vraies maisons ! Que les hommes apeurés que nous avons trouvés se changent en guerriers et que les femmes abattues d’aujourd’hui deviennent les fières mères d’une nouvelle générations d’hommes libres, forts et prospères ! »

Toute la population hurla alors « Vive Renaud ! ». Immédiatement chacun se mit au travail. Malgré tout la prise de cette ville n’était qu’une semi-victoire. Renaud savait par les prêtres qui avaient infiltré la cité qu’une révolte était possible mais il ne pensait pas qu’elle aurait lieu à la simple annonce de l’arrivée de son armée. En réalité Renaud espérait qu’elle se produirait une fois le siège établi, ce qui aurait permis de capturer tous les vampires présents et de limiter les destructions. Les prêtres survivants furent tout de même décorés de l’ordre du grand protecteur. Sur les six qui avaient été envoyés, quatre avaient survécu. Les deux autres furent incinérés avec les honneurs, à l’écart de tous les autres cadavres.

Rapidement de la nourriture nous parvint d’Altmar, tandis que l’armée prenait possession des places fortes que nous n’avions pas pu attaquer durant la campagne. Les hommes ainsi libérés furent comme d’habitude élevés dans notre foi et en un temps record la ville se releva de ses cendres. Malgré tous ces beaux succès, nous apprîmes que Pierre était mort de vieillesse. La lettre disait que savoir la victoire de Beauruisseau acquise lui avait permis de s'éteindre le sourire aux lèvres.

Me voilà donc en campagne deux semaines après mon arrivée à Arnov pour prendre possession des villages, baronnies et forteresses laissés sur nos arrières au nom de l’humanité et du Grand Protecteur. De plus nous avons de nouveau des nouvelles d’Irina, il semble que la situation des vampires soit des plus précaires et qu’un seigneur n’éprouvant nulle haine envers nous soit désormais prince héritier du trône d’Orania. L’heure des hommes arrivera peut-être encore plus tôt qu’escomptée…

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