Chapitre 42 : La bataille de Beauruisseau (partie 2)

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Albert

J’étais chargé de mener la cavalerie, qui n’était constituée en l’occurrence que du second escadron contenant les lanciers, dirigés par Joachim, tandis que Louis commandait les deux bataillons restants ; le premier et le huitième, deux bataillons d’attaque et de choc. Lorsque nous arrivâmes en vue du champ de bataille, je vis une silhouette au loin sur une colline que je devinais être celle de Renaud. J’entendis ensuite le son du cor de chasse que notre armée utilisait pour ces opérations. Le gros de nos forces allait donc attaquer l’ennemi de l’autre côté de la butte.

Pendant ce temps, comme nous en avions reçu l’ordre, nous progressions vers ce relief en marchant. Au bout de trois heures nous y parvînmes, en formation et en pleine forme !

Nous entendions les fracas des combats qui faisaient rage de l’autre côté, sans pouvoir les voir. Nous attendions le signal, en demeurant tous à la limite de la crête, prêts à intervenir, sans pour autant être repérés. Nous entendions les bruits se rapprocher, les râles d’agonies du champ de bataille, le bruit de l’acier rencontrant l’acier et le déchirement du fer rencontrant la chaire. Alors que cette tempête n’avait jamais semblé si proche, je vis Renaud sur son cheval apparaître sur la crête et nous faire signe d’intervenir.

A cet instant j’ordonnai donc à la cavalerie de charger, tandis que Louis donnait la même directive à ses fantassins. Nous passâmes alors la colline pour y découvrir un immense champ de bataille qui n’avait ni queue ni tête et dont les seules troupes organisées étaient les nôtres. En nous voyant, tous nos hommes qui étaient en fuite laissèrent échapper un hurlement de joie et comme si tout ce qu’ils avaient enduré jusqu’ici n’avait jamais eu lieu, ils se retournèrent pour faire face aux soldats ennemis. Au contraire, je vis la mine de tous les hommes qui poursuivaient nos fantassins il y a encore quelques instants, se décomposer.

En un instant, j’analysai la situation et menai alors mes cavaliers à la charge sur tous les chevaliers ennemis isolés tandis que les premiers et huitième bataillons fonçaient sur l’ennemi en profitant de la pente descendante. Tous les fantassins dispersés de notre armée se regroupèrent alors pour laisser passer la cavalerie et l’infanterie fraiche et en formation.

Grâce à l’entrainement, les bataillons parvinrent à percuter l’armée ennemie, toute dispersée et épuisée, qui se débanda presque instantanément. De mon côté, notre escadron s’était séparé en deux pour soutenir les flancs de nos fantassins. Je menai personnellement la charge à gauche, percutant tous les chevaliers isolés et dont les montures étaient trop épuisées et lourdement cuirassées pour s’enfuir ou même se reformer.

Dès qu’un chevalier était repéré cinq des nôtres lui fondaient dessus et, profitant de l’allonge que nous conféraient nos lances, le désarçonnaient, tandis que les soldats qui étaient proches du lieu de chute s’occupaient de la curée.

Les fantassins ennemis ne parvenaient pas à se reformer et la panique de ceux qui étaient en première ligne se propagea très vite à tout le reste de l’armée, malgré les ordres que leur hurlaient les vampires et leur écrasante supériorité numérique.

Il en était de même pour les vampires. Incapables qu’ils étaient de se regrouper et dépassés par notre célérité, ils tombaient les uns après les autres. Réalisant que tout était perdu, les cavaliers épars qui étaient, il y a encore quelques instants, en train d’hurler sur leurs fantassins et même, pour certains, de les attaquer tournèrent casaque et détalèrent du champ de bataille. Malgré cela nous les poursuivîmes et parvînmes de notre côté à en désarçonner une trentaine encore. A chaque fois que les cavaliers s’écartaient trop et rompaient la formation, j’ordonnai un rassemblement, puis nous repartions à la charge de telle sorte que jamais nous ne laissions à l’ennemi une opportunité de contre attaquer. Je voyais de l’autre côté Joachim mener la charge en première ligne mais il négligeait ces regroupements. Je vis nombre de cavaliers qui se retrouvaient isolés se faire tuer par quelques retours en force des chevaliers. Pour ma part mon demi-escadron ne subit pas dix pertes dans la journée.

En une heure les derniers vampires avaient décampé et les humains adverses qui n’étaient pas morts s’étaient rendus, incapables de fuir tout épuisés qu’ils étaient.

Volodia

… Mais alors que la bataille était gagnée, nous vîmes débouler depuis la colline d’où était partie l’armée ennemie des milliers de nouveaux fantassins, tout frais, ainsi que des centaines de cavaliers qui ne devaient pas exister selon nos informations. Au même instant, les fuyards que nous poursuivions et qui étaient vaincus se retournèrent comme si ce renfort leur avait donné un second souffle. Les soldats fondirent alors sur notre piétaille et la cavalerie sur nous, les vampires.

Le spectacle était terrifiant. Deux mille hommes à peine étaient en train de mettre en déroute une dizaine de milliers de nos combattants, du fait de leur épuisement et de l’absence de formation… Les chevaliers hurlaient des directives mais ces incapables d’humains ne parvinrent pas à se reformer. Bientôt la panique les gagna et plus aucun ordre ne semblait parvenir à leurs oreilles. Certains vampires essayèrent bien de les ramener à la raison en tuant certains d’entre ceux qui leur passaient sous la main mais rien n’y fit.

A ce moment je me dis que j’avais bien fait de ne pas poursuivre avec trop d’entrain car je vis ce qui arriva aux chevaliers qui s’étaient le plus avancés et qui étaient désormais isolés. Ils étaient pris à partie par une petite dizaine de cavaliers, désarçonnés à coups de lance et achevés au sol par les fantassins.

Au cours de cette fulgurante contre-attaque j’aperçus un cavalier ennemi qui s’était trop avancé. J’en profitais pour le charger avec le peu d’énergie qu’il restait à ma monture et je lui plantai mon épée dans le torse sans qu’il ne parvint à parer le coup. Néanmoins, voyant comment tournait la bataille et comment même chez les vampires toute discipline s’était envolée, je décidai de faire comme tout le monde : fuir… J’enrageai que de simples humains aient pu ainsi nous vaincre mais cette colère était d’autant plus forte que la bataille était gagnée il y a encore une heure… Et pourtant je ne pus que retraiter, plein d’amertume et de rage.

Ivan doit être fier là où il est de savoir un tel récit écrit pour l’éternité sur son carnet. Lui qui rêvait d’y voir inscrit de grands exploits, voilà une défaite et une retraite inscrite à tout jamais… Enfin bon, j’ai pu retrouver quelques camarades à plusieurs lieues de la bataille… lorsque la nuit sera finie nous rallierons Arnov pour débattre de la suite des opérations.

Godefroy

… Et lorsque Renaud parvint en haut de la crête, il fit un signe de la main et sembla hurler un ordre. Au même instant nos meilleures troupes qui attendaient derrière s’élancèrent vers l’ennemi, le tétanisant de peur et nous redonnant du courage par la même occasion. Nous qui étions poursuivis, nous allions bientôt devenir poursuivants !

J’ordonnai avec le peu de voix qu’il me restait que chacun se regroupe afin de laisser passer notre infanterie au mieux sans briser sa formation. Les ennemis tout éparpillés et épuisés commencèrent à trembler en même temps que le sol sous le pas cadencé de nos renforts. Au premier contact, toute la ligne adverse s’effondra. Le spectacle était magnifique, nos troupes courraient après une bande de fuyards exténues tandis que nos cavaliers renversaient tous les vampires qu’ils croisaient comme de vulgaires mannequins. L’armée adverse avait beau se démettre pour essayer de retrouver un semblant d’organisation, sans l’entraînement adéquat dans un tel élan de panique c’était peine perdue.

Très rapidement la déroute adverse fut totale et tandis que les chevaliers parvenaient à s’enfuir, l’infanterie tombait toute entière entre nos mains. Le soir venu, il s’avéra que nous avions subi trois-mille pertes, la plupart morts pendant notre fuite, tandis que nous avions capturé huit-mille soldats et tué le reste. Nous avons également dénombré quatre-vingt cadavres de vampires ! Désormais l’armée ennemie n’existe plus.

Le plan de Renaud avait une fois de plus fonctionné :

Faire croire à l’ennemi que nous n’étions que sept-mille à faire campagne, puis prendre position sur une colline pour masquer les deux mille autres en était la base. Il fallait ensuite prendre en compte le fait que l’adversaire s’attendrait à une ruse. Renaud savait que l’armée des vampires comptait beaucoup d’archers, il était donc sûr que ces derniers seraient employés pour le faire attaquer et, quand bien même ce n’eut pas été le cas, il aurait lancé l'offensive de toute façon. L’ennemi était ainsi sûr d’avoir provoqué l’attaque pour parer la stratégie habituelle et ce d’autant plus que notre réserve lui serait alors apparue sortant de derrière la colline. Nos opposants n’avaient dès lors plus qu’à attendre que ladite réserve soit engagée pour attaquer nos flancs et nous vaincre.

Cependant la fuite que nous opérâmes alors était voulue. Notre meilleure discipline et capacité manœuvrière nous permit de tenir sans être détruit, moyennant de lourdes pertes. Une fois que notre ennemi aurait perdu sa cohésion ainsi que son souffle dans la poursuite, les derniers renforts, arrivés pendant la bataille pour ne pas être repérés, auraient fondu sur notre adversaire pour le mettre en déroute.

Néanmoins la fatigue et les pertes, dont Laurent, un des premiers officiers de Renaud, qui avait toujours l’air heureux, étaient telles qu’il n’y eut pas de fête ce soir, seulement la cérémonie de remise des médailles, durant laquelle je fus décoré, ainsi que Louis, Joachim… Et même Albert… Je ne suis pas enchanté par cet honneur qu’on lui fait mais Renaud m’a assuré que les vampires étant désormais au courant de sa félonie, ce dernier n’a d’autre choix que de se dévouer corps et âme à notre cause.

Les prisonniers furent envoyés dès le lendemain à Altmar afin qu’ils nous rejoignent dans notre foi puis dans notre entraînement et enfin dans nos armées. Pour notre part, avec les cinq-mille hommes qui sont encore en état de combattre et qui n’escortent pas nos prisonniers, nous continuons la campagne. En effet Renaud tient à prendre Arnov cette année ! Le début de cette seconde partie de campagne commença d’ailleurs sous les meilleurs auspices puisque l’on apprit dans la journée que Pauline avait accouché d’un petit prince qu’elle avait nommé Louen !

Entre la victoire de la veille et cette nouvelle, notre morale était au plus haut. Chacun d’entre nous se sentait prêt à continuer à lutter malgré la fatigue qui nous éreintait. C’est ainsi à marche forcée que nous progressons vers Arnov. Mes pieds saignent à force d’avancer dix heures par jour, ma gorge est sèche et je ne rêve que de dormir mais il faut absolument frapper au plus vite avant que l’ennemi n’ait le temps de se remettre de sa défaite. Encore une fois, nous devions appliquer ce proverbe des livres militaires : « La sueur épargne le sang ».

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