Chapitre 38 : Un mariage royale

8 minutes de lecture

Albert

L’automne est arrivé et déjà les températures chutent. Le froid est sans doute le pire ennemi du soldat, celui contre qui il ne peut rien. Malgré cela l’entraînement devait se poursuivre. Afin que je ne torpille pas exprès la cavalerie, Renaud m’associa avec un certain Joachim, il s’agissait de l’un des premiers humains à être monté sur un cheval et il avait lui-même dirigé les entraînements de la cavalerie de combat lorsque je n’étais pas encore là.

Il était d’un âge moyen mais avait l’enthousiasme d’un enfant. De toute façon pour charger sabre au clair sur une formation ennemie, il en faut de l’enthousiasme. Il éprouvait un réel sentiment d’admiration à mon égard du fait de mon excellente maîtrise, tant de la pratique que de la théorie, de l’art équestre. Plus j’étais directif et autoritaire dans mes leçons, plus ses yeux brillaient d’émerveillement. Il était en effet très bon cavalier et disposait d’un don évident pour cela mais pour ce qui est de commander… Il ne s’emportait jamais, prenait un temps fou pour expliquer la moindre chose à n’importe quel soldat et le faisait toujours avec patience et gentillesse…

Si l’on avait cent ans devant nous et aucune guerre de prévue, cela pourrait éventuellement être une méthode adaptée mais il s’avère que ce n’est pas le cas. A trop les choyer on crée lentement de bons cavaliers qui feront usage de leur monture pour fuir au premier contact. S’il n’est pas violent pendant l’entraînement, comment veut-il que ses hommes réagissent froidement fasse à l’horreur d’un champ de bataille ? Il semblait davantage vouloir se faire apprécier qu’être respecté. Oui, définitivement ce gars-là ferait un excellent soldat mais un piètre officier.

Enfin, au moins il s’efface lorsque je prends en mains les manœuvres. Il ne soupçonne visiblement pas le moins du monde que j’ai donné de nombreuses informations aux vampires. Renaud l’a sans doute juste mis là pour s’assurer que je ne forme pas la cavalerie de façon absurde. De temps à autre Joachim posait ainsi une question après avoir sagement levé le doigt… Ses questions étaient loin d’être idiotes mais son attitude naïve et enfantine m’agaçait au plus haut point. Peut-être qu’en plus de servir de garde-fou, ce personnage était également une sorte de punition après tout.

Je décidai de former la cavalerie sur le modèle de l’ancienne armée de Sartov. Sur les huit-cents cavaliers dont nous disposions, quatre-cents seraient donc des cavaliers légers, sans armure et spécialisés dans la reconnaissance. Il fallait également leur apprendre à tirer à l’arc ou à l’arbalète à cheval pour qu’ils se rendent néanmoins efficaces dans les batailles. L’autre moitié formerait la cavalerie de choc destinée à briser l’infanterie. Elle serait un peu cuirassée afin d’être plus rapide que les vampires s’il faut les fuir mais suffisamment protégée pour rester dans une mêlée prolongée contre des humains. La cavalerie de choc se doit d’être armée de lances et d’épées. Le but pour elle sera de charger de façon compacte un point sensible du front, puis de lâcher leur lance et de poursuivre la mêlée à l’épée.

Le combat contre la cavalerie vampire étant perdu d’avance, il ne servait à rien de les former à cela, ce n’était clairement pas le plus urgent. Ainsi je m‘échine depuis des semaines à faire galoper le plus vite possible la cavalerie de choc tout en leur faisant garder leur formation et bigre que c’est dur. Ils ne sont pas mauvais mais j’avais l’habitude d’entraîner des individus élevés depuis leur enfance… et il est évident que ceux-là ne l’ont pas été… Enfin, on devrait avoir une cavalerie capable de charger à peu près correctement pour l’été prochain, même si ce ne sera probablement pas flamboyant.

Christina

Le voyage sous les neiges fut des plus longs mais à mesure que l’on approchait du sud les températures se faisaient moins glaciales. J’arrivai après trois semaines de trajet à Aartovmar dont tous les bâtiments étaient de pierre et recouverts d’un blanc manteau en cette période de l’année.

Je fus reçue avec tous les égards qui m’étaient dûs et Boris II ainsi que mon promis furent les premiers seigneurs que je rencontrai une fois descendue de ma calèche. Branislav avait un physique des plus banals bien qu’un peu plus grand que la moyenne. Il me regarda puis me tendit son bras afin de m’accompagner jusqu’au château royal. Ce n’était pas un palais mais bien un château ce qui faisait penser que l’on allait guerroyer au lieu de festoyer.

Les pièces étaient mal chauffées et les tapisseries semblaient dater d’un bon millénaire, à croire que ce royaume n’avait plus évolué depuis. Enfin, je ne n’étais pas là pour me divertir ou passer du bon temps mais pour me marier ! Je passai donc les premiers jours avec Branislav, il avait peu de personnalité mais semblait comme son grand père très à cheval sur l’honneur et la chevalerie… Nul doute qu’il n’apprécierait pas mes loisirs… Il avait suivi son grand-père dans la guerre contre Orania qui était sa première expérience martiale le concernant mais il n’avait pas vraiment eu l’occasion de prouver sa valeur jusqu’ici. Plus le temps passait plus je voyais que nous n’avions rien en commun. Il semblait à tout prix vouloir faire ses preuves sur un champ de bataille mais il paraissait perdu dès qu’il descendait de sa monture. Ses manières bien que pleines de bonne volonté étaient maladroites, son attitude à la limite de la timidité et enfin ses aptitudes en tant que chef d’état me parurent pour le moins discutables. A part la guerre, il faisait tout le reste uniquement par devoir mais sans conviction ni talent et ce de la discussion à la séduction.

La perspective de passer ma vie avec lui ne me réjouissait guère mais vu son caractère je n’aurai qu’à l’envoyer sur les champs de batailles ou participer aux tournois une fois qu’il m’aurait fait un fils. Pendant ce temps je pourrai m’adonner à mes plaisirs personnels. Je tachai donc de l’écouter religieusement en luttant pour ne pas m’endormir et, au bout de trois jours, ne pouvant en supporter davantage, je demandai à ce que l’on nous marie dès qu’il sera possible.

Boris ainsi que son fils Nikita étaient ravis. Ce dernier semblait différent de Branislav, il était toujours joyeux et bon vivant, courtisant devant sa propre épouse toutes les femmes qu’il voyait, moi compris. Il était également réputé bon guerrier bien que moins à cheval sur l’honneur que son père ou Branislav.

Les deux frères ainés de mon fiancé étaient quant à eux en train de mener les armées d’Aartov en l’absence du roi et du prince, ce qui ne me donna pas l’occasion de les rencontrer.

Je dus donc attendre un mois que tous les grands seigneurs d’Isgar et d’Aartov, exceptés les commandants des armées, arrivent pour pouvoir me marier. Un mois durant lequel tous ces chevaliers riaient ou se racontaient des histoires de guerres. Un mois de beuveries et de repas tous plus fades les uns que les autres. Un mois où personne n’hésitait à se défier en duel pour un oui ou pour un non malgré la neige. Un jour je vis ainsi deux chevaliers s'affronter lors d'un combat d’épée au premier sang parce que l’un prétendait que l’éléphant qu’il arborait comme emblème était plus fort que l’hippopotame du second… le duel commença et, un mauvais coup plus tard, le chevalier à au pachiderme gisait dans son propre sang la gorge tranchée… On avait beau m’assurer que ce genre d’accident était fort rare je ne pouvais m’empêcher de penser qu’il fallait bien qu’il y ait ce fichu royaume d’Orania à nos frontières pour que nos deux pays se retrouvent alliés et nos familles royales liées par le sang.

Enfin, une fois ce mois passé et tous les seigneurs présents je fus enfin mariée à Branislav au cours d’un cérémonie d’une longueur interminable durant laquelle le prêtre ne nous épargna aucun élément du protocole.

Une fois cette formalité achevée vint le souper, qui était encore plus bruyant que tous les repas jusqu’ici. Toutefois il faut reconnaître que le sang et la cuisine qui nous furent servi ce soir-là étaient meilleurs qu’à l’accoutumé. Les nobles d’Isgar quelque peu décontenancés par ces mœurs commencèrent à s’habituer et, à la fin du repas, la plupart étaient aussi ivres et joyeux que ceux d’Aartov.

Des siècles que Vassilissa s’était échinée à civiliser cette cour de butors en leur imposant une étiquette des plus strictes pour qu’ils retombent dans leurs travers à la première occasion… Au moins, après avoir enduré tout cela, vint l’heure du coucher. Un dernier moment de désagrément pour enfin espérer avoir un fils !

Coucher ainsi avec un vampire était nouveau pour moi, tous ceux avec qui je l’avais fait auparavant s’étaient immanquablement retrouvés dans mon assiette le lendemain matin. Il faut dire que j’avais eu toutes mes expériences avec ma maîtresse et que nous ne couchions qu’avec ceux que nous mangerions, humains ou vampires, la seule exception étant Vassilissa elle-même.

La besogne fut ardue et le bon prince ne semblait pas bien à l’aise. Après un moment de gêne, quelques instants de pénétration suivis d’un instant de jouissance il sembla que la nuit était finie. C’était de toute évidence bien moins plaisant et bien plus court que lorsque nous organisions nos festivités avec ma reine… Cependant je n’étais pas là pour cela. Et ainsi, sans que ni lui ni moi ne soyons particulièrement attirés par cette perspective, nous couchions chaque soir jusqu’à ce que les prêtres à force d’examens et d’incantation m’annoncent que j’étais grosse.

Ma joie fut immense et je pense que pendant un instant j’éprouvai un réel amour pour mon mari. Après tout j’aurai pu plus mal tomber. Il fait, malgré tout, bien des efforts pour se rendre plaisant et accomplit son devoir conjugal consciencieusement bien que cela ne l’enchante guère. A l’annonce de cette nouvelle il fut aussi ravi que moi car il allait être père mais surtout parce qu’il allait ainsi pouvoir retourner guerroyer l’été prochain.

Ainsi, après tous ces évènements, me voilà sur le chemin d’Isgar prête à continuer ma guerre contre Orania, avec un roi consort à mes côtés et un enfant dans le ventre, que j’espère être un mâle. Le voilà pas encore né qu’il est déjà potentiellement le plus terrible ennemi d’Orania et donc mon être le plus cher !

Annotations

Vous aimez lire Antoine Zwicky ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0