Chapitre 22 : La bataille des brumes

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Christina

Cela faisait une semaine que le duc de Kulmar tergiversait quant à savoir s’il fallait attaquer ou non, ce qui exaspérait au plus haut point Vassilissa. Le duc avait été nommé à la tête de nos forces car il avait vaincu par deux fois Alexandrov comte de Vanov lors de la dernière guerre mais il semblait que ce dernier ait été aidé par quelques erreurs manifestes de son opposant. Ceci dit, les victoires se faisant rares à l’époque, il en acquit un grand prestige et c’est donc lui qui fut chargé de mater les révoltes humaines ainsi que de réformer l’armée après la défaite.

Pourtant plus le temps avance, plus il semble qu’il n’a pas la carrure pour mener cette guerre. Certes, ses réformes furent jugées comme bonnes, notamment celles qui exigeaient que tout régiment de cinq-cents soldats soit dirigé par un vampire afin d’en garder le contrôle, de maintenir la discipline et d’avoir un avantage contre l’infanterie adverse. Mais autant il était parvenu à aisément massacrer quelques humains armés de fourches lors des révoltes suivant la guerre contre Boleslaw, autant l’apparition d’une véritable armée nombreuse et organisée l’avait tétanisé.

Suite à deux semaines d’indécision, ma souveraine entra dans une rage folle. Après l'avoir copieusement insulté devant les autres seigneurs présents, le bâton d’Astan, conférant le commandement de l’ost d’Isgar, lui fut arraché des mains pour être donné à Yegor, comte d’Or, qui avait été très agressif dans ses recommandations. Ce seigneur était l’opposé du duc de Kulmar, il n’aimait ni l’attente ni les sièges mais était féru de batailles. Ce seigneur avait commandé la cavalerie dans nombre de confrontations durant la dernière guerre et, bien qu’elles furent souvent perdues, comme la plupart des batailles en ce temps-là, sa cavalerie conserva toujours une excellente réputation, infligeant et subissant des pertes bien supérieures à la normale.

A peine eut-il reçu le commandement, qu’il ordonna une audacieuse manœuvre le lendemain. Il voulait profiter de la nuit pour décaler son armée sur la gauche, puis profiter de la brume pour avancer et frapper par surprise avec toutes ses forces le seul flanc droit ennemi et ainsi le mettre en déroute.

Nos déplacements n’étaient basés que sur la position connue de l’armée la veille du combat car dans le brouillard toute reconnaissance était impossible mais ceci était également vrai pour l’ennemi et le comte voulait compter là-dessus.

Une fois la nuit tombée le décalage fut opéré. Ma reine et moi-même suivions les déplacements qui se faisaient dans le noir afin de ne pas éveiller l’attention de notre ennemi, les vampires devant diriger les hommes dans l’obscurité.

Après avoir effectué cette manœuvre tant bien que mal l’ordre de marcher sur l’ennemi fut donné. La brume était épaisse comme d’habitude et il était impossible à quiconque de voir à plus de quelques mètres.

Après trois heures de marche, les premiers bruits de combat se firent entendre mais il était impossible d’évaluer la situation. Il semblait que les vampires présents dans l’infanterie nous donnaient l’avantage sans pour autant que la rapide percée espérée n’ait lieu. Le combat dura des heures, avec des intensités variables de ce que j’en entendais. La situation ne put se clarifier que dans l’après-midi lorsque la brume se leva enfin. La moitié de notre armée s’était égarée en chemin, ou n’avait pas avancé au rythme prévu, ce qui devait être une armée enveloppant l’aile droite de l’ennemi n’était qu’un amas de fantassins se battant sans ligne continue contre notre adversaire.

Ceci-dit les troupes ennemies n’était pas mieux organisées et leur flanc droit n’était pas en bonne posture. Malgré cela il semblait que le général adverse fut plus prompt à réagir car il parvint à réunir suffisamment de chevaliers pour lancer une charge sur notre infanterie. Cette dernière fut bousculée mais la ligne tint. Une fois le soir venu l’armée d'Orania se retira.

Le comte d’Or enragea sur les officiers qui s’étaient perdus dans la brume et il ordonna que la bataille soit relancée le lendemain via une attaque de front.

La situation était des plus confuses mais Vassilissa préférait mille fois cette attitude agressive au possible que celle du duc.

Après avoir dormi à même le sol sans même être revenu au camp, épuisée par une nuit de marche et une journée de combat, l’armée se remit en marche dès l’aube et, toujours dans la brume, attaqua. L’avant-garde était continuellement aux prises avec l’ennemi qui semblait reculer. Lorsque l’après-midi arriva nous réalisâmes qu’il ne restait en fait plus que l’arrière garde ennemie et que le gros de l’armée d’Orania s'était définitivement replié. Le combat continua pendant encore deux heures jusqu’à ce qu’épuisée et sans espoir de secours ou de fuite, les maigres forces adverses se rendirent.

Nous étions à deux jours de marche de notre camp et le comte se disait prêt à « continuer la poursuite, même de nuit s’il le fallait ». Cette fois-ci même Vassilissa opta pour le repos : Les hommes n’en pouvaient plus et les vampires étaient exténués.

Malgré cela la victoire était au rendez-vous, sur les deux jours de batailles nous avions subi deux-mille pertes, blessés ou tués, contre cinq-mille en face, dont deux-mille prisonniers le dernier jour.

Ce n’était pas la victoire décisive espérée mais il semblait que l’ennemi avait préféré se replier. La supériorité de notre infanterie encadrée par des vampires avaient été tout à fait essentielle dans ce succès mais ce fut bien le comte d’Or qui fut récompensé ! Un immense festin fut organisé, les humains capturés furent pour beaucoup dévorés tandis que les quelques vivres qu’Orania avait abandonnés dans son repli furent redistribués aux hommes. Chacun en profita et ma souveraine et moi encore plus.

Dans notre tente se trouvait le meilleur cuisinier de tout le royaume, le seigneur Stanislas fait duc de Kmar par la reine pour ses talents dans l’art culinaire. Nous avions invité le seigneur Andrei, un chevalier ennemi qui avait bien combattu et nous jouâmes avec quelques humains, que nous torturions ou avec qui nous couchions avant de les tuer ou de les rôtir vivants. Ils étaient cuisinés sous nos yeux émerveillés et sous ceux terrifiés de leurs frères d’arme ; la nourriture n’en n’était que plus succulente. Pourtant si Stanislas est le meilleur cuisinier du royaume et a été fait duc, ce n’est pas tant pour sa maestria dans la cuisine de l’humain mais bien pour celle du vampire ! Quand il n’eut resté plus aucun homme, il assomma par surprise Andrei avec qui nous avions passé cette douce nuit puis, alors que ce dernier se réveillait, il se vit les entrailles à l’air, attaché sur la table de travail où avait été cuisiné les hommes avant lui. Et ma reine et moi dégustions nues un à un les organes de ce beau capitaine, tandis que Stanislas l’assaisonnait encore vivant.

Après tout ce n’est pas pour rien que l’on dit que « les Isgariens pensent avec leur bouche ».

Godefroy

Voilà déjà plus de deux mois que nous assiégeons cette satanée place ! Nous étions très enthousiastes au départ mais force est de constater que tenir un siège est extrêmement compliqué…

Nous avons mis deux mois à construire un trébuchet avec notre faible expérience et ce dernier s’est brisé au premier tir. La nourriture manque et le moral ainsi que la discipline se sont vite érodés. Sans officier les hommes se battaient entre eux et les cas de vol de nourriture n’étaient pas rares.

Cependant le pire reste la nuit : il y a un mois un groupe de trois vampires est descendu avec une corde profitant de l’obscurité et a mis le feu à un tiers de nos provisions. Vingt de nos hommes sont morts ou ont été blessés en tentant de les arrêter en vain. Depuis un tiers de l’armée est en alerte constante du crépuscule à l’aube au cas où une autre attaque de ce genre ait lieu. Même ainsi, il arrive que des chevaliers sortent dans l'obscurité et tuent certains d’entre nous, ce qui crée une énorme pression au moment où l’on devrait se reposer.

L’absence de vampires dans notre camp est de ce fait très dommageable car cela leur autorise des opérations nocturnes presque sans risque. Désormais on arrive à limiter les dommages et nous avons mis au point quelques codes pour savoir de loin si quelqu’un est avec nous ou non mais cela n’empêche pas certains décès…

Toute cette pression, cette disette et la mauvaise qualité de nos ingénieurs avaient fait fondre le moral et ce en plein été.

Malgré tout, des mesures ont été prises : des exercices sont régulièrement faits, des arènes improvisées ont été montées pour ceux qui veulent se battre. Le combat défoule les participants et le spectacle divertit les autres. Les ingénieurs progressent dans la construction de machines de siège et on a désormais deux catapultes, qui sont certes incapables d’affaiblir les murailles mais qui permettent d’envoyer deux ou trois projectiles de temps en temps par-dessus les murailles ce qui diminue notre sentiment d’impuissance. Enfin les prêtres ont trouvé une solution toute religieuse au problème de disette à savoir le jeûne : si on ne mange pas, ce n’est pas parce qu’on ne peut pas, mais bien parce que ceci nous permet de nous rapprocher du Grand Protecteur. « Lors de la prière, l’esprit vole plus haut s’il n’est point alourdi par le corps ».

Ces mesures semblent quelque peu rétablir l’ordre dans le camp mais Renaud a reçu des informations comme quoi Urnia avait de quoi tenir encore dix mois… Ce siège mettra à l’épreuve tant la race des hommes que son grand forgeron ! Pour le moment la pire crainte de ce dernier est l’hiver qui approche, le siège étant déjà compliqué aujourd’hui, arrivera-t-on à passer la blanche saison tandis que nos ennemis seront bien au chaud protégés par des murailles ? Rien n’est moins sûr.

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