Chapitre 17 : Vanov

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Godefroy

Notre entraînement continue ! L’armée a été totalement réorganisée, nous avons actuellement quatre-mille cinq-cents fantassins subdivisés en neuf compagnies de cinq-cents, deux-cents cavaliers dont cent éclaireurs et cent combattants et enfin un corps de trois-cents-cents constructeurs chargés de l'érection des ouvrages tels les ponts, les machines de siège ou encore les échelles.

Pour ma part j’ai reçu le commandement de la deuxième compagnie, chargée d’encaisser les assauts ennemis ! Notre devise est « ceux qui tiennent à la vie n’ont rien à faire ici ». L’entrainement que je donne à ces soldats, couplé à leur foi nouvelle mais déjà inébranlable fera de ma formation un mur infranchissable pour nos adversaires.

En dehors de l’armée cet hiver a également été riche en évènements ! Renaud s’est marié à une certaine Pauline, qui a été libérée dans les derniers villages que nous avons conquis. Pierre, le prophète de notre foi, a lui-même célébré l'office, durant lequel Renaud avait également, selon le souhait de son épouse, rejoint la communauté de la grande destinée. Une fête immense suivit la cérémonie. Ce fut un magnifique banquet où l’on a dansé, rit et partagé bien des histoires. Nous tous qui ne nous connaissions pas il y a de cela un an, voilà que nous ne formions désormais qu’un seul peuple !

Altmar est également en cour de rénovation. Les immondes taudis qui servaient de demeures aux humains ont été reconstruits. Il n’y a désormais presque plus de toitures trouées, presque plus de murs manquant de s’effondrer et presque plus de volets arrachés.

Les enfants s’épanouissent et jouent gaiement avec la neige, sans négliger leur entrainement. La foi en notre grande destinée est également de plus en plus acceptée, de grandes commémorations sont régulièrement organisées. Il y a la fête de fin des récoltes nous permettant de remercier le Grand Protecteur pour ses bienfaits, celle de l’acier servant à renouveler notre ardent désir tant de nous libérer du joug vampirique que de servir notre dieu dans ses desseins ou encore la fête des amours durant laquelle nous prions pour la fécondité de nos épouses.

Pierre a totalement reconverti le temple de Valass et il sert désormais en tant que « voix du Grand Protecteur ». Il a affirmé que notre dieu reconnaissait Renaud comme « guide et forgeron de l’humanité ! »

Des prêtres et prêtresses ont été formés et certains sont même partis dans les villes encore asservies afin de faire connaître la glorieuse destinée de notre race. Chacun de ces missionnaires court à la mort mais ce ne sera pas en vain : Tous risqueront leur vie à chaque fois qu’ils dévoileront la vérité aux hommes mais à chaque mot qui raisonnera dans le cœur de nos congénères, ce sera une flamme nouvelle qui naitra en leur âme. A chaque prière récitée en compagnie de nos frères, ce seront de nouveaux guerriers qui rejoindront nos rangs et à chaque martyr qui sera exécuté au nom du grand protecteur, ce sera une révolte qui se déclenchera !

Les bonnes nouvelles ne s’arrêtent pas là, apparemment les vampires ne recevront finalement pas de renfort cette année. Renaud veut en profiter pour détruire la dernière armée ennemie présente et, au besoin, en assiégeant Urnia qui est encore plus grande qu’Altmar !

De toute évidence le grand protecteur est avec nous et cette campagne sera comme les autres : des plus glorieuses ! Ma compagnie est plus que motivée pour en découdre et toute la population nous soutient. Dès que les beaux jours seront de retour, nous marcherons vers le sud !

Ivan

Suite à la bataille de Polyamar, je fus rattaché à l’armée du comte de Gamar, qui avait été renvoyé du conseil du roi il y a peu. Ce dernier était en train de constituer une armée de neuf-mille hommes et trois-cents chevaliers vampires afin de porter son attaque contre Aartov. Il était un petit peu gros, roux de cheveux et était réputé pour être meilleur guerrier que général. Toutefois il avait de l’expérience et il était très respecté par les vampires qui l’accompagnaient.

L’armée adverse était en train d’assiéger notre forteresse de Klor, il s’agissait d’une place importante située au carrefour de plusieurs routes. Notre but sera donc de faire lever le siège de cette place puis, dans la mesure du possible, de remonter au nord pour reprendre la forteresse d’Akmor qui appartient au marquis de l’ouest.

Cette trahison a vraiment mis le royaume dans l’embarras, il tenait en effet près de la moitié des forteresses de la frontière et voilà qu’il change de camp. Le seul bon côté est qu’une partie importante de ses troupes s'est faite tuer à Polyamar… Mais par rapport à la perte de toutes ces forteresses, c’est un détail. Enfin pour le moment nous devons faire en sorte qu’il n’y en ait pas plus qui tombent sous le joug adverse. Ici au sud les beaux jours sont déjà presque là, le comte espère pouvoir partir la semaine prochaine.

Malgré tout, quelle triste armée est-ce là par rapport à celle de feu le duc de Sartov. Point de chant, point de discipline et point de belle armure ici. Seulement des paysans, probablement derniers nés, n’ayant jamais tenu une arme de leur vie et avec pour seule ambition de ne pas mourir. Je me rassure en me disant que l’armée d’en face doit être dans le même état, du moins je l’espère.

Albert

Nous sommes arrivés à Vanov il y a déjà cinq mois et il faut dire que nous sommes bien tombés. A la mort de l’ancien comte un nouveau fut désigné mais se trouvait ailleurs avec une armée en partance pour le front ouest. Toute la ville était en train d’être aménagée pour la guerre. Les vampires présents étaient surtout des architectes chargés de construire des entrepôts et d’améliorer les routes. Autant dire qu’il y avait mille façons de se faire des sous ici et les vampires ne tuèrent presque pas de peur de considérablement ralentir les chantiers.

Il n’empêche que travailler tout l’hiver a été épuisant mais le seigneur Vassili, en bon organisateur, nous donnait des conditions de travail décentes, de telle sorte que les ouvrages ont pu être finis dans les temps et qu’il y eut relativement peu de contestation. Le temps passant, des soldats commencèrent à arriver des confins du royaume afin de former une nouvelle troupe sur place et un autre comte vint prendre le commandement.

C’est alors que cette paix relative commença à se fissurer : lorsqu’il y eu les recrutements de force. L’armée qui était arrivée quelques temps plus tôt exigea que des hommes la rejoigne or presque personne ne voulait. Les vampires ne l’entendaient visiblement pas de cette oreille et choisirent au hasard quelques cent hommes pour les rejoindre tandis que ceux qui protestaient étaient exécutés sur le champ. Aucun de nous ne fut sélectionné mais Alfred se demandait s’il n’aurait pas été intéressant de reprendre du service. Il ne connaissait visiblement pas les conditions de vie habituelle des soldats ordinaires. Dans l’armée du duc nous étions bien traités et la logistique était correctement organisée ; mais dans la plupart des autres armées, seule la terreur fonctionne. L’approvisionnement est défaillant et de nombreux soldats meurent de faim, de maladie ou de froid avant même d’avoir pu combattre. La moindre plainte est punie de mort et l’équipement est ridicule. Après lui avoir expliqué cela, Alfred fut nettement moins enthousiaste pour repartir en guerre.

Ce recrutement forcé eut une autre conséquence : depuis déjà deux mois une sorte d’illuminée prêchait certains soirs. Elle se nommait Margot et en certaines occasions elle parlait au gens d’un grand protecteur ou je ne sais quoi. Personne ne s’intéressait à elle et même le seigneur Vassili qui finit par être au courant préféra l’ignorer. Toutefois, cette recrudescence de la violence lui attira de plus en plus les faveurs des foules et certaines personnes en arrivèrent même à rapporter ses paroles. Il était question d’humains qui devaient se libérer et tout un tas d’autres choses. Marc, comme c’était prévisible, avait tout de suite adhéré, pour ma part je n’y voyais là qu’une occasion de plus de se faire tuer, ce qui n’était pas mon intention. Dans tout ce tintouin, seul le seigneur Vassili semblait vouloir calmer les ardeurs des nouveaux arrivants mais visiblement un simple seigneur n’a que peu d’autorité sur un comte.

L’armée était là depuis un mois et entre les soldats qui se saoulaient et en profitaient pour commettre des exactions, les vampires qui brutalisaient les habitants de façon bien trop régulière et cette prêcheuse, il commença à y avoir des émeutes. Il y a une semaine une trentaine de personnes armées de bâtons se ruèrent sur un vampire qui se pavanait sur son cheval, tout cela au nom de leur nouveau dieu, bien évidemment. Ce chevalier ne l’entendit pas de cette oreille et, de toute évidence, le grand protecteur porte bien mal son nom puisqu’une bonne moitié des assaillants fut promptement découpée par le cavalier.

Il s’en suivit une immense traque dans la ville pour retrouver les autres émeutiers et surtout cette prêtresse, qui était tenue pour responsable de ces agissements. Afin de motiver la population à coopérer, un innocent fut pendu chaque jour de recherche vaine. Au quatrième jour d’exécution, Margot arriva, toute de blanc vêtue et parée de sa seule innocence comme armure. Elle était à la fois magnifique et pure. Elle s’avança sereinement vers le condamné du jour, monta sur l’échafaud et, sans dire un mot, lui enleva la corde du coup et se la passa elle-même. Toute la population, devant ce spectacle hurla qu’on l’épargne. Quelques émeutiers des jours précédents se rendirent même d’eux-mêmes, avec pour seule réclamation qu’on les pendit eux plutôt qu’elle. Même moi j’en fus ému, tandis qu’Alfred et Alexandre bouillonnaient à côté de moi.

Mais le résultat était prévisible, les soldats allèrent chercher les émeutiers s’étant découverts et les placèrent à côté de la jeune femme leur attachant une corde au cou sans pour autant défaire celle de la jeune ingénue. Je vis sur le balcon, duquel les vampires regardaient quotidiennement les exécutions, le seigneur Vassili s’agiter. Il semblait hurler des choses au comte qui avait mené l’armée, mais ce dernier demeurait impassible et le fit se rasseoir.

La foule commença à bousculer les gardes qui la tenaient à distance de l’échafaud. Le bourreau s’avança comme à son habitude pour accomplir son office mais alors je vis un homme réussir à passer au-dessus du cordon, à monter sur l’estrade et à assommer d’un violent coup de poing celui qui s’apprêtait à exécuter les condamnés. Il s’agissait de Marc.

Le comte hurla qu’on l’arrête et le pende avec les autres, tandis que Vassili s'en alla du balcon. Quelques gardes s’avancèrent alors avec leur lance pour l’arrêter. Marc hurla alors le plus fort possible :

« Que faites-vous à regarder ? Battez-vous ! »

L’éloquence n’avais jamais été le fort de mon collègue. Je m’apprêtais à voir pour la deuxième fois un de mes frères d’arme mourir de son idiotie lorsque, sans que je ne les ai vu partir, Alfred et Alexandre le rejoignirent. Ils percèrent également le cordon et Alexandre parvint même à arracher une lance des mains d’un garde et à agrandir suffisamment la brèche pour que la foule s’y engouffre.

Les gardes hurlaient et, sous peine de finir écrasés ou piétinés, commencèrent à massacrer la populace en furie. Soudain le seigneur Vassili, en armure et avec une dizaine d’autres chevaliers arriva et fonça sur la foule. Marc quant à lui se rua sur les gardes qui lui faisaient face afin de les empêcher de monter sur le gibet.

Alors que la cohue s'installait, que chacun courait dans tous les sens, que les gardes affrontaient les émeutiers et que les cris des mères et les pleurs des enfants se faisaient entendre, un chevalier tomba avec fracas sur l’échafaud le faisant s’effondrer en partie. Margot et deux émeutiers virent ainsi le plancher se dérober sous leurs pieds et commencèrent à s’étouffer. Marc, voyant cela, se retourna pour aider la jeune femme, oubliant qu’il ne faut jamais tourner le dos à un ennemi. Un garde lui transperça alors le dos et Marc s’effondra. Petit à petit la foule se dispersa. Les vampires se retournèrent alors sur les quelques rebelles qu’il restait, dont Alfred et Alexandre et les tuèrent facilement. Voyant cela je partis me réfugier dans quelques ruelles et la dernière chose que j'aperçus de ce massacre fut une petite dizaine de cadavres de gardes joncher le sol au milieu de ceux de la population, tandis que les deux condamnés et Margot étaient suspendus à quelques centimètres du sol, morts. Au fond je comprends pour Marc mais les deux autres… Je les croyais plus intelligents.

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