Chapitre 16 : Un nouveau front

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Christina

La situation a évolué très rapidement ; il y a un mois l’armée du duc de Sartov a été défaite et ce dernier est mort pendant la bataille. De plus Orania répond de manière extrêmement agressive à nos ouvertures diplomatiques, ces barbares de l’est ne comprennent décidément que la force. Toutefois, malgré toutes ces raisons, Vassilissa n’était pas encore certaine de pouvoir attaquer. Néanmoins tout a changé il y a deux jours. En effet Serguei le marquis de l’ouest était arrivé à la cour avec une proposition des plus inespérées. Il nous expliquait être déterminé à venger son père exécuté par le grand-duc d’Ortov pour le comte de Miroslaw. Par conséquent il était prêt à se joindre à nous si nous attaquions Orania. Il nous livrerait une bonne partie de la série de forteresses séparant nos royaumes, dont la plus importante et imprenable d’entre elles : Altor.

Un conseil de guerre fut organisé dès le lendemain. Tous nos généraux étaient d’accord, il y avait là une énorme fenêtre d’opportunité : entre ce ralliement, la révolte humaine qui continue au nord et le nouveau prétendant au trône Grigori qui est seul, certes, mais qui refuse de se rendre et semble solidement retranché dans sa forteresse d’Imichk, le royaume d’Orania est plus affaibli qu’il ne le laisse paraître !

Une telle situation en était presque miraculeuse. C’est donc dans une euphorie non dissimulée que Vassilissa a déclaré la guerre au royaume d’Orania, suivie par Boris II d’Aartov ! Un immense banquet fut donné et le sang coula à flot ! Enfin la reine et moi passâmes une nuit de folie avec deux beaux humains que Boris II nous avait tout spécialement ramenés, connaissant nos penchants quelques peu… originaux… Mais après tout, passer une nuit d’extase avec un humain pour le dévorer au petit matin… Voilà bien la meilleure expérience qui soit. Il faut dire que la reine et moi partageons les mêmes goûts, je ne suis pas sa favorite pour rien après tout. C’est donc d’excellente humeur que nous sommes toutes deux actuellement en chemin pour rejoindre notre armée à la frontière… Enfin nous allons prendre notre revanche sur Orania !

Albert

Trois semaines qu’on a été défait à Polyamar… trois semaines de fuite incessante. Bon sang, comment en suis-je arrivé là ? Passer d’officier de cavalerie du duc à fugitif dont la principale préoccupation est de trouver un abri pour passer la nuit. Avec Alfred, Marc et Alexandre on a réussi à échapper à nos assaillants. Bertrand n’en a pas réchappé… On était tranquillement retourné dans notre village de Bolmar après la bataille mais on y passa à peine deux jours qu’une troupe de trois-cents soldats débarqua et se mit à fouiller toutes les maisons. Ils recherchaient apparemment les survivants de l’armée du duc et pas pour nous féliciter. Bertrand n’a rien voulu savoir : « Ils vont voir ce qu’ils vont voir » disait-t-il avant de charger seul. Il n’a jamais été futé Bertrand…

Heureusement qu’on faisait partie de la cavalerie et qu’on a pu déguerpir assez vite, ça doit être impossible de survivre à ce genre de raid en tant que fantassin… Mais au fond on n’a pas été si malchanceux, le vampire qui menait la troupe était un vampire du duché que je reconnus à son armure et il ne toucha pas aux civils. Sans doute plus par intérêt que par compassion mais toujours est-il que ma femme et mes enfants étaient saufs lorsque je suis parti. Parce que lorsqu’on est arrivé le lendemain dans une autre bourgade… Là c’était différent. Les femmes, les enfants… Pas un n’en n’avait réchappé… Et vu l’état des cadavres les hommes avaient été les plus chanceux.

Enfin après de nombreux débats, on a décidé de s’installer dans un comté au nord pour y refaire nos vies. Marc voulait rejoindre cette fameuse révolte humaine mais personnellement fuir un massacre pour sauter dans un autre, très peu pour moi.

On va aller au nord, trouver une grande ville où on passera inaperçu et on vivra là-bas. On est plutôt costaud avec l’entrainement qu’on a reçu depuis la naissance, on trouvera vite du travail. Avec un peu de chance le seigneur vampire ne sera pas trop monstrueux et ça nous ira très bien.

On a décidé d’aller à Vanov, la ville du roi pour qui on se battait. Marc a eu beau protester en disant que « les vampires nous ont trahi, on doit aller aider les humains » et toutes sortes d’autres niaiseries ; n’empêche que sans carte et sans savoir lire il va se retrouver au milieu de nulle part et pendu en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Du coup il nous suit… Mais il nous rappelle à chaque instant qu’on est « vraiment des enfoirés » … On va finir par être plus dangereux pour lui que les vampires s’il continue. Enfin pour le moment on a besoin de tout le monde et il nous reste encore au moins trois semaines de marche, parce que des humains à cheval… ça attire l’attention, on a failli se faire avoir comme ça il y a une semaine… Au moins on a de la viande pour le reste du trajet désormais !

Irina

29 juin de l’an 5003 après la guerre des sangs

Cela fait huit jours que Miroslaw est revenu et l’ambiance à la cour a de nouveau beaucoup changé. A peine arrivé il a publiquement humilié le grand-duc d’Ortov devant tous les seigneurs présents :

« Messire le grand-duc, je vous laisse un mois aux commandes des affaires et tout mon royaume part en vrille ! Vous mettez en place un ministre de la diplomatie qui insulte ses interlocuteurs, un grand trésorier qui extorque plus qu’il ne récolte, un maître des ombres aussi subtil que les combats dans la grande arène… Leur incompétence n’est égalée que par leur intégrité à vous entendre mais à ce rythme-là je préfère encore les anciens traitres ! Parlons-en d’ailleurs ! Vous, de votre propre chef et dans des parodies de procès, vous décapitez la plus haute noblesse du royaume sans vous questionner un seul instant sur les conséquences que cela aura ? Et bien désormais grâce à votre sens de la justice et votre équipe intègre au possible nous sommes en guerre contre les royaumes de l’ouest et nous avons perdu sans combattre la moitié des forteresses qui nous protégeaient. Un traître n’eut pas mis le royaume en si piteux état, sauf que vous, non seulement vous ne vous êtes pas enrichi mais vous vous êtes condamné à l’épuration ; ce n’est plus de la trahison, c’est de l’incompétence à un niveau jamais atteint. Alors mon cher, je pense qu’il est temps que justice vous soit rendue ! J’exige que l’épuration ait lieu demain et pour ma part je vais remettre un peu d’ordre ici ! »

Toute la cour était sidérée et le grand-duc lui-même ne dit pas un mot.

Le lendemain l’épuration eut lieu au petit matin, sans que le grand-duc ne protesta. Le spectacle était atroce et me rappelait mon père. C’était tout à fait son genre. Sans compter l’homonymie qui le liait à notre nouveau souverain. Après que cette sinistre besogne eut été accomplie et qu’on eut laissé là le supplicié encore en vie pour une semaine, Miroslaw renvoya l’ancien conseil. De ce qu’il disait, il était davantage un homme de l’arrière, il n’avait dû participer à la bataille de Polyamar que pour se légitimer en tant que roi mais maintenant que cette question-là était quasiment réglée, il allait pouvoir mener la guerre depuis Valassmar. Il se renseigna sur l’ensemble des nobles disponibles afin de constituer son nouveau conseil et après une semaine de réflexion et d’entretiens il l’annonça publiquement au moment de la mise à mort du grand-duc. Le nouveau grand-duc d’Ortov, Gueorgui remplacerait son père en tant que juge suprême. Il était visiblement du même acabit et son sens de la justice et de l’intégrité en faisait le candidat idéal. La mort de son père n’avait en rien entamé son attachement au roi et il avait, selon certaines rumeurs, lui-même encouragé son souverain à faire épurer son père au plus vite. De toute évidence son amour pour la justice était plus fort que sa piété filiale.

La gestion de la guerre fut laissée au seigneur Lech, un noble sans titre, vassal du duc de Cracvonia qui avait pour habitude de se charger de la logistique de son suzerain lorsque ce dernier partait en campagne.

La trésorerie échoua au duc de Marmar. Il régnait sur un duché qui avait été ruiné par une épidémie chez les humains il y a de cela cinq siècles mais qu’il avait réussi à relever en à peine une décennie. De plus il avait perdu un bras lors des guerres de Boleslaw ce qui le rendait inapte à la bataille.

Le titre de maître des ombres fut donné à un baron totalement inconnu au bataillon, un certain Youri baron de Mafmar, un obscur fief sur la côte.

Enfin le ministère de la diplomatie fut confié à Nikolaj ! Ses nombreuses amitiés lui avaient finalement servi. Ceci dit cela était normal, le ministre de la diplomatie a pour but de gérer les relations entre la monarchie et les puissances étrangères mais également entre le roi et les autres seigneurs du royaume. Quelqu’un capable de discuter et convaincre facilement comme Nikolaj était en effet un très bon choix. De plus les forces qui lui avaient été promises allaient finalement être affectées au front contre Isgar, c’était donc également une sorte de compensation.

Enfin le roi a annoncé, chose exceptionnelle, vouloir présider personnellement chaque réunion pendant toute la durée de la guerre. Ainsi ce souverain n’irait a priori plus sur un champ de bataille. Il était vrai qu’il s’était fait connaître lors des guerres de Boleslaw pour son travail à l’arrière cependant un tel choix risquait de le faire passer pour un lâche. Toutefois notre monarque ne semble pas s’en soucier et il dégage assez d’autorité pour que personne n’ose lui dire en face… Pour ma part tout cela me convient parfaitement puisque Nikolaj va pouvoir me renseigner sur les plans les plus secrets du royaume.

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