Chapitre 9 : Agitation à Valassmar

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Ivan

Ces derniers jours une immense agitation avait gagné la capitale. En effet nous avons appris le dix mai qu’Altmar, une grande ville du nord, était tombée du fait d’une révolte humaine que nous croyions déjà écrasée. Le comte de ces lieus avait apparemment réussi à s‘enfuir et comptait arriver à Valassmar d’ici un petit mois, afin qu’on lui donne des troupes pour reprendre son fief. Cela restait malgré tout un immense camouflet pour le royaume puisqu’en cinq-mille ans, jamais une ville de cette importance n’avait été prise par des humains.

Le comte d’Urnia, qui avait été mis au courant de la prise de Nozalmar par les rebelles, avait commencé à lever une armée, qu’il aurait voulu voir partir, vaincre et rentrer avant l’hiver. Toutefois la prise d’une ville fortifiée par les insurgés l’avait obligé à préparer davantage sa campagne qu’il ne comptait désormais plus mener avant l’année prochaine. Il nous avait également indiqué que son frère et une survivante de ces évènements, venant d’Antamar semble-t-il, allait arriver d’ici un ou deux jours.

Comme si cela n’était pas assez suite à ces déboires au nord d’autres mécontents, des vampires cette fois-ci, se sont soulevés au sud. Le duc de Cracvonia et de nombreux nobles ont brandi la bannière de la rébellion. Ce duc n’était pas n’importe qui, il avait participé aux dernières campagnes du roi Boleslaw, sous les ordres du duc de Sartov notamment, et était réputé bon général.

Enfin le désir de revanche des royaumes d’Isgar et d’Aartov se faisait plus fort que jamais. Finalement après trente ans de règne, la situation semblait sur le point d’exploser. Suite à une réunion du conseil, à laquelle le roi ne participa même pas, il fut visiblement convenu que le duc de Sartov irait écraser les rebelles au sud, tandis que deux mille hommes et cinquante vampires seraient donnés au comte d’Altmar pour qu’il soutienne celui d’Urnia afin de reprendre les terres du nord. Des préparatifs considérables étaient en cours et l’on voyait déjà les premières troupes se rassembler afin de se préparer aux campagnes du printemps prochain.

Il s’agissait sans nul doute de la plus grande crise depuis l’avènement du roi Vanceslas II.

C’est dans ce contexte qu’aujourd’hui, alors que je mangeais, je reçus un message de la part du duc de Sartov : il voulait que je rejoigne le corps des observateurs et que je sois rattaché à son armée.

Le corps des observateurs… Ce fameux corps crée par Boleslaw, ayant pour but d’analyser et retranscrire tous les ordres, manœuvres, déplacements et combats d’une armée en campagne. L’objectif n’est pas de participer aux décisions mais de tirer les leçons des échecs comme des victoires. C’est un corps peu prestigieux mais très important. Et le duc de Sartov lui-même a exigé que je rejoigne son armée.

Je fis rapidement part de cette demande à Antun. Il me dit que c’était une excellente nouvelle. Il avait apprécié mon travail lors de la fête donnée en l’honneur du duc de Sartov et souhaitait désormais que j’accepte la proposition qui m’était faite afin que je le tienne informé de l’évolution de la situation au jour le jour.

Après un bref moment d’hésitation je pris le courage de demander au duc de Marav :

« Veuillez m’excuser, mais comment se fait-il que vous n’ayez pas été au courant de la révolte du duc de Cracvonia ? »

Visiblement pressé et quelque peu tendu par ces dernières journées il me répondit :

« Cela ne vous regarde pas, faites ce que je vous dis et restez aussi efficace que jusqu’à maintenant ! »

Tout le monde avait l’air énervé et la tension entre les ministres ne faisait que s’accroitre de jour en jour… Tandis que le roi continuait de se prélasser parmi ses amants en sirotant quelques verres de sang.

Assurément le royaume est en danger.

Irina

20 mai de l’an 5002 après la guerre des sangs

Je suis arrivée depuis maintenant presque deux semaines et cette cour ne ressemble à rien de ce que j’ai pu connaître. Nikolaj me présenta les principaux nobles et, en tant que baronne d’Antamar, petite baronne certes mais baronne tout de même, j’ai eu droit à beaucoup de considération, tout spécialement de la part du grand-duc d’Ortov qui a un immense respect pour la noblesse titrée et tout ce qu’elle implique en termes de comportement.

On me présenta également le comte d’Altmar qui avait lui aussi été chassé de ses terres par la révolte humaine, on était apparemment en train de lui préparer une armée de deux mille hommes qui devrait rejoindre celle du comte d’Urnia forte de trois mille soldats pour faire campagne dès le printemps prochain. Le comte a visiblement un grand mépris pour les hommes mais est d’une grande générosité ; il a tenu à ce que je reçoive une meilleure chambre que lui dans le palais royal malgré notre différence de rang, ce qui soit dit en passant mit très en colère sa femme. Il la rassura néanmoins en lui disant que dès l’année prochaine ils retrouveraient la demeure familiale.

Il semblait également que Renaud avait commencé à agir puisque de très nombreux messages venant des innombrables hameaux autour d’Altmar faisaient état d’attaques d’humains. Ne pouvant se défendre face à leur grand nombre, la plupart des vampires avaient fui afin de rejoindre l’armée du comte d’Altmar à Valassmar. Certains avaient laissé les humains, d’autres les avaient tous tués et certains même avait réussi à en convaincre une partie de se joindre à eux pour reconquérir leur terre.

Nikolaj avait quant à lui retrouvé certaines vieilles connaissances comme Andru, le capitaine de la garde vampirique en charge de la protection du palais, Andreiev, le ministre de la diplomatie et nombre d’autres nobles à qui il avait selon toute vraisemblance laissé un bon souvenir. Bien qu’il m’eût confié mépriser leurs intrigues, il n’en laissait rien paraître et semblait converser avec eux comme avec de bons amis.

Sous les murs de la cité se massaient des soldats de plus en plus nombreux. La composition de la ville en faisait un spectacle tout à fait impressionnant. Valassmar est formée de trois cercles concentriques délimités par d’immenses murailles. Le cercle extérieur, nommé le cercle de la guerre, accueille toutes les grandes armées avant de partir en campagne, il s’agit d’un immense camp militaire pour les humains, et donc d’un immense centre logistique où s’amassent armes, armures, vivres et soldats, ce qui était d’autant plus impressionnant en cette période de pré-campagne. Le second cercle est nommé le cercle de la faim. Il s’agit presque d’un élevage d’hommes qui ont comme unique but de finir dévorés. Toutefois ils ne sont pas les plus à plaindre car leurs conditions de vie sont excellentes, en partie afin d’éviter des révoltes mais surtout pour garantir la qualité de la viande. Force est de reconnaître que la nourriture d’ici n’a aucun rapport avec ce que j’ai pu manger ailleurs. Enfin il y a au centre le cercle du sang où vivent les vampires et qui surplombe les deux autres. Aucun humain n’y est autorisé sous peine de mort, excepté pour les rituels sacrificiels en l’honneur de Valass. En effet ce cercle contient en plus des habitations et du palais royal la grande cathédrale où se tiennent toutes les cérémonies religieuses.

Malgré ce changement total de cadre de vie, je me fis rapidement à l’étiquette de la cour, le caractère religieux de la cité imposait l’hospitalité à tout vampire se présentant ici et d’autant plus s’il disposait d’un titre, ce qui créait une certaine indulgence envers les nouveaux venus. De plus Nikolaj était là pour me guider et me mettre en garde contre les intrigues de la cour. Il avait réussi à négocier avec Andru qu’un chevalier de grande confiance soit placé nuit et jour devant ma chambre afin d’en préserver l’intimité… En effet Antun, le maître des ombres, mais pas que, avait la fâcheuse habitude d’entrer dans les pièces non surveillées afin d’y dénicher quelques secrets.

Après avoir effectué mes prières de façade envers Valass pour la destruction des humains, j’ai commencé à essayer d’en savoir davantage sur les plans du comte d’Altmar. Aussi l’ai-je invité à diner hier soir. Tandis que nous mangions ensemble, il m’a confié au détour d’une conversation grandement désapprouver cette idée de se joindre au comte d’Urnia, en effet ce dernier n’avait aucune expérience militaire mais disposait de davantage d’hommes, ce qui lui aurait offert le commandement. Il était hors de question que son propre fief soit reconquis par un autre. Il comptait donc lever le camp dès mars prochain et foncer sur Altmar sans même passer par Urnia. Il se plaignait également du manque de fantassins qu’on lui avait fourni : « la cour se moque des problèmes hors les murs et le roi ne fait rien. Sous Boleslaw, j’aurai reçu au moins cinq-mille hommes ! ». Certes il n’en avait peut-être qu’environ deux mille mais avec les vampires qu’on lui avait fournis, ceux de sa propre garde et ceux qui avaient fui leur petit fief et qui arrivaient, il pourrait compter sur près de deux-cents chevaliers ce qui était, selon lui, malgré tout suffisant pour « écraser ces chiens d’humains en un printemps ».

Aussi ce matin même j’envoyai ces informations à Renaud, je prenais bien soin de mettre un pigeon à destination d’une autre ville dans l’enclos réservé à ceux pour Altmar afin qu’on ne soupçonne pas ma compromission. C’était de toute façon peu probable, qui irait imaginer qu’une vampire aide des humains après tout ? La prudence doit cependant rester de mise dans ce nid de vipères.

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