Chapitre 3 : La cour du roi

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Ivan

Voilà un an que je suis à la cour et ce n’est pas de trop pour comprendre ce qui s’y passe. Depuis que le grand roi Boleslaw a succombé à la malédiction de l’ennui le palais est devenu un véritable nid de vipères et ce n’est pas Vanceslas II qui arrange les choses. Il n’a de royale que l’orgueil. Et son refus de prendre femme rend la monarchie bien fragile…

J’ai moi-même encore bien du mal à imaginer comment un souverain de la stature de Boleslaw a pu en arriver là. Certes, je n’ai que cent ans, mais tout de même, avoir gagné tant de guerres, être au sommet de sa gloire pour finir par se jeter à corps perdu dans les arènes avec sa femme par ennui…

Enfin cela arrive à tous ou presque au bout de quelques siècles… On a tout fait et cela n’épargne personne du plus humble des seigneurs au plus grand des monarques. Après cela plus rien n’a de saveur… On risque donc sa vie pour rien dans l’espoir de se sentir vivre, ne serait-ce qu’un peu, ne serait-ce qu’un instant… heureusement j’en suis encore loin.

Ceci dit aucun noble de la cour ne semble atteint par ce mal, bien au contraire, tout occupés à comploter qu’ils sont. Il faut dire qu’entre la faiblesse de Vanceslas II, les soulèvements de seigneurs, les tensions à nos frontières depuis les victoires de Boleslaw et maintenant cette révolte humaine au nord il y a de quoi faire.

A la mort du précédent souverain notre royaume était en paix et prospère. Il n’a fallu que trente ans à notre bon roi pour considérablement l’affaiblir… Il est presque surprenant que ce royaume ne soit pas encore à feu et à sang. Il faut dire que Venceslas a de bons conseillers… Et surtout il a le duc de Sartov, le plus grand général du royaume, d’une loyauté sans faille et qui s’est juré de ne jamais céder à la malédiction de l’ennui…

Il a été en son temps le bras armé de Boleslaw et même maintenant, du haut de ses mille quatre-cents ans, le plus vieux des nôtres et de loin, il ne semble pas avoir envie d’en finir. Il répète toujours que « Tant que le royaume vivra je le défendrai ».

Il est le rempart qui dissuade les autres pays de nous attaquer et les seigneurs de trop se révolter… Et voilà qu’il part en campagne pour écraser le comte d’Oma… Ce dernier ne s’est même pas révolté, mais des espions laissaient entendre qu’il y songerait. C’est suffisant pour le duc visiblement... Et le roi qui se méfie des trahisons au plus haut point l’encourage dans ce zèle exterminateur.

Vanceslas n’aime d’ailleurs pas tant gouverner que profiter de son statut. Il aime se délecter d’humains, être avec ses amants et assister aux jeux qu’il organise. Il faut toutefois lui reconnaître un talent certain dans le choix de ses conseillers car chacun d’eux s’est avéré tout à fait compétent, bien que tout aussi corrompu.

Il n’y en a pas un qui ne profite de sa place pour soutirer quelques deniers, fiefs ou femmes ; mais tant qu’ils servent le roi avec efficacité, ce dernier les tolère. En réalité ce sont bien ces cinq ministres qui gouvernent ce pays :

Il y le ministre de la guerre qui s’occupe de la logistique du recrutement et de la solde ; il s’agit de Kornilov, comte d’Arah. Ensuite le grand trésorier, Andropov, Marquis de l’Ouest. Ses terres lui avaient été données par Boleslaw pour sa bonne gestion du trésor durant la guerre. Puis vient Antun, duc de Marav, maître des ombres chargé de l’espionnage, bien qu’il soit arrivé récemment à ce poste il s’est très vite imposé. Andreiev, seigneur d’Ilatmar, s’occupe de la diplomatie, il est de petite noblesse… ce qui en dit long sur ses compétences pour en arriver là. Et enfin Stanislas, grand-duc d’Ortov juge suprême du royaume ; il est d’une sévérite extrême dans ses sentences et passe pour être le moins avide de ce petit cercle… ou du moins le plus discret dans ce domaine.

Chacun de ses ministres a déjà prouvé ses compétences dans son domaine ainsi que sa capacité à soutirer plus d’avantages qu’il ne lui est dû.

Toutefois chacun complote contre les autres, sans pour autant le faire trop effrontément. Il règne ainsi un climat de corruption endémique affaiblissant le royaume suffisamment pour que chacun y trouve son compte mais pas assez pour risquer sa place ou un effondrement. Décidément cette cour n’a de noble que ses occupants.

Arthur

Le lendemain de notre libération, Renaud réunit l’ensemble des habitants. La chute des vampires n’avait visiblement pas calmé tout le monde. Quelques villageois demandaient à ce que la milice aussi rende des comptes pour avoir participé aux crimes de Miroslaw tandis que d’autres exigeaient la mort d’Irina. Le ton monta rapidement entre les gardes et les villageois jusqu’à ce que, et de mon propre chef, je rétablisse le silence. Ce n’est pas très glorieux comme travail, mais je suis bon là-dedans. Renaud prit alors la parole :

« Messieurs, regrettez-vous vos chaînes ? A quelques jours de marche, le baron de Nozalmar est en train de lever une armée afin de nous faire retomber dans l’état d’où nous nous sommes élevés ; que trouvera-t-il si nous nous entredéchirons ? La bataille pour laquelle il se prépare nous l’aurons déjà livré pour lui. Et ceux qui y mourront seront les plus heureux vu le sort réservé à ceux qui resteront ! Ne cherchons pas à savoir qui a fait quoi, cherchons à savoir comment écraser ces monstres nous prenant de haut et comment les faire tomber de leur piédestal ! »

Après un bref silence des acclamations fusèrent bien que j’en vis quelques-uns qui n’étaient pas pleinement convaincus. Ils semblaient au moins s’accorder sur le fait qu’il y avait plus urgent.

Renaud m’expliqua que vu l’absence de pigeons voyageurs, ces derniers avaient dû être envoyés aux quatre coins du royaume ; mais d’après ce qu’Irina lui avait raconté, des révoltes comme la nôtre avaient déjà réussi par le passé. Le seigneur le plus proche se chargeait alors avec sa propre garde de rétablir l’ordre et prenait au passage le contrôle du fief perdu. Il me dit aussi que compte tenu de l’éloignement entre nos villages et le temps de préparation d’une telle expédition le baron devrait arriver d’ici cinq ou six jours et que d’ici là il fallait se préparer pour le recevoir. Il m’ordonna donc de choisir les quatre meilleurs soldats de la garde, pour que j’entraine à leurs côtés les autres miliciens mais également les paysans et même les femmes car personne ne serait de trop. Il faut dire que les vampires, craignant des révoltes, ne faisaient que donner de vieilles armes à leurs soldats sans vraiment les former. Enfin tout ce qui pouvait servir d’équipement ou de moyen de locomotion comme des chevaux devait être pris et répertorié au plus vite.

Après avoir donné ses ordres Renaud s’en alla faire du repérage autour du village afin d’établir un plan.

Pour former les soldats je choisis Louis. Il était aussi gradé que moi et était très apprécié par ses hommes. Je sélectionnai ensuite Charles qui était un grand bagarreur, ce qui ne le rendait pas très populaire, mais il était indéniablement le meilleur combattant de la garde. Le jour de la révolte il avait donné le coup de grâce à deux vampires ce qui en fit un véritable héros parmi nous. Je prix naturellement Godefroy, c’était notre capitaine, il n’était plus tout jeune, mais il avait du vécu et il avait rêvé toute sa vie de se battre contre les vampires. Enfin je choisis Laurent qui était très courageux si ce n’est inconscient. Lors de notre révolte il sauva la vie d’un gars en se prenant un violent coup de hache sur l’omoplate. Il resta évanoui jusqu’à ce matin mais ça n’a visiblement pas l’air de l’avoir refroidi.

Une fois cela fait nous pûmes prendre les armes et les armures des vampires tandis que nous équipions le reste des gens avec ce que nous trouvions, allant du vieux matériel de la caserne à des fourches… cassées pour certaines. Néanmoins avec tout cela nous arrivâmes à armer environ cent-cinquante soldats, motivés à défaut d’être efficaces et l’entraînement put commencer.

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