#36

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Qu’ai-je donc pour me raccrocher au monde, en cette période troublée ?

Bien sûr, il y a mes proches, celles et ceux qui me soutiennent et me permettent de ne pas sombrer irrémédiablement dans la mélancolie et la dépression. De savoir que je suis entouré par ces êtres humains somme toute formidables, cela me permet de tenir. Ils me manquent, en ce moment. J’aurais besoin de serrer chacun d’entre eux dans mes bras, de les sentir contre moi, puis de leur envoyer ma pensée à la tête afin que, de réflexion en réflexion, elle s’enrichisse et fasse de moi quelqu’un de meilleur.

Je suis dépendant de ces interactions avec une partie infime de la population mondiale. Sans eux, je cesse d’être moi. Je me définis à travers le regard de mes proches. Plus que cela : certaines personnes, sans le savoir, impriment une marque indélébile dans mon être. Être moi, c’est être également en partie tous ces autres qui m’entourent. C’est peut-être la seule constante qui existe en moi. Je suis un être changeant, polymorphe, qui ne cesse de se construire, encore et encore.

C’est peut-être la seule constante, le seul dogme de mon existence. Je doute de bien d’autres choses, mais cette idée que les autres me façonnent, je ne l’ai encore jamais remis en question.

Ce confinement, en me coupant du monde, me coupe dès lors d’une partie de moi-même, qui se trouve hors de moi. Ma lumière est moins forte, depuis que des murs ont remplacé les dizaines de miroirs qui m’entouraient quotidiennement.

Pour l’instant, ce qui essaie d’imprimer sa marque en moi, ce sont les déclarations d’une cohorte d’hommes politiques convaincus par le bienfondé de leur réflexion dogmatique. Ils parlent en chiffres, en terme de rendement, de production. Les morts se transforment en statistiques. L’impact de cette crise est quantifiée en chiffres. Et les solutions qu’ils proposent manquent de pragmatisme, puisqu’ils s’attendent à ce que nous redoublions d’efforts pour revenir à la situation d’avant. Pourtant, cela va à l’encontre de la pensée de beaucoup d’entre nous, résumée en un slogan qui s’est répandu dans le monde entier et que l’on pouvait lire projetée sur un bâtiment à Santiago, au Chili : « nous ne reviendrons pas à la normale, car c'est la normale qui était le problème. »

Cette phrase résonne bien plus fort en moi que tous les appels de ces adeptes d’un dogme économique et politique qui nous mène à notre perte. Je croyais être à l’abri du monde en me coupant de lui, mais je me rends compte que le monde est sans doute la seule chose qui continue de s’insinuer en moi. Je n’ai aucun doute sur le fait que je résisterai aux impératifs qu’il énonce, mais je sens bien que cela participe à une certaine forme de lassitude.

Dorénavant, mes sources de développement se réduisent à peu de choses. Il est essentiel que je trouve des moyens de continuer à me réfléchir, en attendant le temps heureux de mes retrouvailles avec mes proches.

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