Chapitre n°6 : Filature

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Je regarde Eliott avec de grands yeux. Je ne veux pas que ce moment s’arrête et pourtant il le faut. Les pas d’Arthur se font déjà entendre dans les escaliers, tapant un peu plus furieusement à chaque nouvelle marche.

« Eliott ! hurle-t-il »

Aussitôt, le garçon aux cheveux bruns me soulève du sol et se dirige rapidement vers ce que je suppose être sa chambre. Je ne bouge pas, je le laisse faire, je ne sais pas ce qu’il fait mais c’est pour une bonne raison. Il me repose au sol et ouvre sa penderie.

« Diane caches-toi ici, ne discute pas. »

Il avait anticipé ma réaction de rébellion avant même que je n’ai ouvert la bouche. J’entre dans l’armoire qu’il referme. Son odeur imprègne tous ses vêtements. Quel bonheur. Les fines lattes qui composent la porte de l’armoire me laissent entrevoir Eliott où Arthur vient de le rejoindre.

« Je peux savoir ce que tu faisais avec elle ? Elle est où ? braille ce dernier.

-Tu ne peux pas jouer avec elle comme avec les autres ! On vient d’arriver dans cette ville, tu veux déjà te faire remarquer ?

-J’en fais ce que je veux ! C’est ma proie tu n’as pas intérêt à me la piquer compris ? Tu n’es rien. »

Arthur tourne les talons. J’entends une porte claquer à l’autre bout du couloir. Eliott vient aussitôt m’ouvrir la porte, signalant que le danger est passé.

« Il ne sortira pas de là avant une petite heure, tu dois rentrer, je vais te ramener.

-Je veux comprendre ce qui se passe ici. Eliott…

-D’accord, mais pas ici. »

Je le vois s’abaisser et se mettre à genoux devant moi. À quoi il joue ? Faisant glisser ses doigts le long de mes jambes, il s’arrête au niveau de ma cheville, délasse le cordon de ma chaussure à talon puis l’enlève, il répète la même opération de l’autre côté avec la même sensualité.

« Tu ferais trop de bruit sur le carrelage, m’explique-t-il. »

Tenant fermement mes talons d’une main et ma main de l’autre, nous nous élançons à travers l’immense maison jusqu’à la porte d’entrée aussi silencieusement que possible. Je m’empêche de rire lorsqu’il me porte pour descendre les escaliers jusqu’à la voiture.

« Tu sais je peux marcher !

-Je veux pas que tu salisses tes petits pieds, en plus il fait froid. »

Je lâche un rire mais je me contrôle rapidement. Nous ne sommes pas sortis d’affaire tant que nous ne sommes pas installés dans la voiture, ce qui fut vite le cas. Impatiente, je me tourne vers Eliott qui s’installe au volant. Maintenant, j’ai repris mon sérieux. Je veux comprendre ce qui s’est passé, même si on doit y passer la nuit, déjà bien avancée.

Eliott s’arrête devant chez moi sans n’avoir encore rien dit. Il attend. Je sais ce qu’il attend mais il ne va pas pouvoir m’empêcher de demander.

« Je sais que tu attends de moi que je rentre chez moi sans poser de questions. Mais je veux comprendre ce qu’il vient de se passer, dis-je en baissant les yeux, tout.

Le grand brun sort de la voiture et m’ouvre la portière sans ouvrir la bouche.

-Tu vas juste ne rien dire ?

L’étincelle dans ses yeux s’en est allée. Il me repousse, mais pourquoi ?

-Ok. Je vais rentrer chez moi. Mais ne comptes pas sur moi pour laisser tomber. Si je suis en danger comme tu l’as dit, je ne vais pas me laisser faire.

Une larme coule sur la joue d’Eliott, illuminée par les rayons de lune. Qu’est-ce que tu me caches ? Il s’éloigne, remonte dans la voiture et s’en va.

***

Le lendemain, le lycée semble dénué d’intérêt tout semble monocorde et sans passion, d’autant plus que Lucie n’a pas pris le bus le matin même. Je suis sa meilleure amie, je dois lui expliquer ce qui s’est passé à la soirée de début d’année. Toute la journée, j’ai regardé dans les couloirs, jeté des regards dans les salles sans trouver ni Eliott, ni Lucie, ni Arthur. Je ne sais pas pourquoi, mais tout ça semble louche. Tout semble si vide. Monsieur Manzi nous expliquait pour la énième fois comme la reine Victoria avait épousé son cousin, Madame Georg nous rabâchait les mérites de l’agriculture sans pesticides, bien que je sois d’accord avec ça et le principal avait décidé de faire des rondes dans les couloirs toute la journée, j’avais manqué de peu de me faire confisquer mon téléphone. Cette journée avait tout pour être normale mais une seule pensée me tourne dans la tête. Quel secret se cache autour d’Arthur ? Inexplicablement, traversant la cour vers ma prochaine salle de classe, Lucie apparaît devant moi, telle une fleur.

« Salut Diane ! Je t’ai pas vu ce matin ! Dis, tu as croisé Eliott ? Faut que je lui demande un truc pour samedi soir, m’annonce-t-elle avec un grand sourire.

Je regarde les alentours. Si je dois lui avouer qu’il n’y a jamais rien n’eut entre eux ce serait le moment, mais ce n’est peut-être pas à moi de lui avouer. C’est vrai, elle le prendrait mieux d’Eliott probablement. Mais attend. Elle est pas dans la même classe que lui ?

-Salut Lucie. Non je ne l’ai pas vu, il n’était pas en classe avec toi ? demandais-je en hésitant.

-Non, Arthur non plus d’ailleurs. Je leur aie pris les devoirs. Monsieur Rajek a insisté ! lance-t-elle dans un clin d’œil. Je vais devoir aller leur rendre une petite visite à la maison alors !

C’est le moment, je dois lui dire, pour qu’elle ne se méprenne pas plus longtemps. Plus longtemps la méprise durera plus elle souffrira.

-Désolée je dois y aller Diane. On se voit demain ! Ciao ! »

Non… Je la vois s’éloigner en me faisant un geste de la main. Je ne sais pas si c’est par manque de courage ou si c’est parce que j’ai trop attendu, trop réfléchis. Dans tous les cas, la fenêtre de tir vient de se refermer. Je dois demander à Eliott ce qu’on fait à son sujet. Je ne peux pas la laisser dans le mensonge.

***

Moi : Tu vas quand chez Eliott ?

Lucie : Ce soir. Je vais juste rester dans le bus, il va jusqu’à chez eux ;)

« Mademoiselle Malriat. »

La voix tonnante de ma professeure résonne à travers la classe. Je la regarde d’un air triste et malheureux mais rien n’y fait. C’est une sorcière. Elle m’arrache presque mon téléphone des mains.

« Vous le récupèrerez chez le directeur. »

C’était sans équivoque. Je n’aurais pas mon téléphone avant demain parce que le directeur est déjà rentré à cette heure-ci. À moins que je ne négocie avec elle à la fin d’heure et loupe mon bus en laissant Lucie aller chez les Sanchez, j’allais devoir m’en passer. Quelle poisse ! La sonnerie vient juste de retentir et tous les élèves se pressent à la sortie. Je lance un dernier regard à mon téléphone sur le bureau de la professeure qui me fait « non » de la tête. Ne t’en fais pas portable chéri ! Je te sauverais demain, là j’ai pas le temps ! Je me presse jusqu’à mon bus et m’installe le plus au fond possible, m’abaissant derrière les sièges lorsque je vois apparaître Lucie dans le bus. Qu’est-ce que je suis en train de faire. Mon sac sur l’épaule, j’attends que le bus démarre. Après quelques minutes, nous arrivons enfin à notre arrêt à Lucie et moi. Le débat se faisait violent dans ma tête. Je descends, je descends pas, je descends ? Plus le choix, le bus vient de repartir et Lucie est toujours à son bord. Je suis vraiment en train de prendre en filature ma meilleure amie ? Et Arthur ? S’il me voit… Autant de questions auxquelles j’allais avoir des réponses car le bus vient de s’arrêter et Lucie en sort. Je m’empresse de la suivre sans me faire repérer.

Tandis que Lucie marche paisiblement depuis quelques minutes, les écouteurs dans les oreilles, jusqu’à l’immense maison des demi-frères, je commence légèrement à paniquer. Comment allais-je expliquer ma présence ? La sonnette retentit, j’étais tellement concentrée à trouver des réponses que je n’avais pas vu la maison se rapprocher. La porte s’ouvre, dévoilant des cheveux blonds qui n’appartenaient à personne d’autre qu’Arthur. Lucie entre, je n’entends pas ce qu’elle dit à ce moment-là car la porte se referme derrière elle. Je m’approche furtivement de l’entrée où je tente de tourner la poignée de la porte sans résultat. Il a dû fermer à clef. Je commence à faire le tour de la maison, peut-être qu’une autre porte allait s’ouvrir. Qu’est-ce que je suis en train de faire ? Arrivée derrière, je cherche des yeux ce qui pourrait potentiellement s’ouvrir. Je regarde par la fenêtre et vois Lucie et Arthur dans la cuisine. Aussi vite qu’une voiture de course, je me jette sous la fenêtre, espérant que personne ne m’ait ni vu ni entendu.

À quatre pattes dans l’herbe, je rejoins ce qui semble être une terrasse où la baie vitrée est ouverte. Bingo ! Peut-être me suis-je réjouie un peu trop vite. J’ai réussi à entrer certes, mais je suis dans une salle que je ne connais pas. Directement reliée au jardin, cette pièce où était entreposé nombre de plantes, on ne voyait que ça sur les murs, était plafonné de verre. Au milieu, se trouvait un canapé que l’on pourrait considérer comme vieux, vu sa place dans la maison, mais qui restait tout du moins distingué et semblait doux au touché. En concluant que cela devait être une serre, j’essaye de trouver la porte principale rejoignant la maison. Faisant le tour, je remarque quelques espèces de fleurs et de plantes que je connais. Pivoine, cactus, dracaena, ficus, mini palmier et j’en passe. L’odeur d’humidité et de terre me rappelle la forêt, j’ai retiré mon attelle quelques jours plus tôt, mais je continue de vérifier si ça ne gonfle pas par moments. Je tombe enfin nez à nez avec une porte close. Faites qu’elle soit ouverte ! Elle l’était. Désormais dans le hall, je dois rejoindre Eliott avant qu’Arthur n’aille le chercher et ne me voit. Dans quel pétrin je viens de me mettre.

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