Chapitre n°3 : Un fossé entre nous

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Quelqu’un toqua à la porte. Madame Georg cria d’entrée puis prit la parole :

« Voici Monsieur Rajek, lui aussi est professeur de S.V.T, ainsi que ses élèves de STL.

Je vois entrer Lucie qui suit de près Eliott. Ils s’installent au fond de la salle, là où il y a des chaises de libres, tandis que je contemple la chaise vide à côté de moi où ma meilleure amie aurait pu s'installer. Elle m’évite, elle m’en veut depuis la fête.

-Nous avons organisé une sortie en forêt pour vos classes. Vous aurez un questionnaire, pour les littéraires, à me rendre et des échantillons, pour les scientifiques, à rendre à Monsieur Rajek. Vous devrez vous mettre par groupe de deux, un de chaque classe.

Des grognements de mécontentements s’élevèrent des élèves comme une basse-cour peu coopérative mais, très vite, chacun trouva un binôme, Lucie dans les premiers. Je ne cache pas que je suis un peu déçue et attends simplement que quelqu’un vienne me réclamer, ce qui ne se fit pas tarder. Un garçon blond à la gueule d’ange vint s’assoir près de moi avec nonchalance.

-Je suppose qu’il n’y a personne sur cette chaise.

-Si, toi.

Je réponds toujours avec beaucoup de provocation, ce que peu de personnes aiment, mais ça me permet de rester avec les gens qui veulent vraiment me parler. Ça fait le tri.

-Je m’appelle Arthur. Enchanté.

-Diane. »

Tandis que les professeurs notaient les groupes sur une feuille, Arthur et moi faisions connaissance. Il vit avec son père, sa mère et lui ont divorcé, il est célibataire et super craquant. Il a le tic de mordre sa lèvre inférieure lorsqu’il rit. Bref, il est canon et super gentil. La sortie sera probablement plus agréable que prévu. Je ne peux m’empêcher de glisser un regard vers Lucie et Eliott qui semble bien plus proche depuis quelques jours et qui s’amusent comme des fous avec leurs binômes. Au pire, je m’en fiche. Je n’ai rien à me reprocher, elle me fait la gueule pour rien.

***

J’avais préparé un petit sac avec un repas, une bouteille d’eau pour la journée ainsi que les documents à compléter. J’attends désormais seule dans le bus. Je me suis habillée en mode rangers pour cette expédition dans la nature qui promettait d’être boueuse vue la pluie diluvienne qui était tombée durant la nuit. Mes longs cheveux bouclés attachés en queue de cheval, je regarde les gens monter peu à peu dans le bus, compté au fur et à mesure par les professeurs. Lorsqu’il arriva, Arthur me remarqua tout de suite mais se fit arrêter dans son élan par un garçon qui le fit asseoir à côté de lui. Je mets mes écouteurs aux oreilles, le bus démarre et le temps d’arriver se résume à quelques heures. Nous allons dans une des réserves naturelles pour observer l’écosystème.

Une fois à bon port, je salue Arthur et nous attendons les explications des professeurs :

« Nous comptons sur vous pour ne pas polluer cette forêt. Faîte attention où vous mettez les pieds, comme vous voyez c’est boueux et glissant donc ne restez jamais seul. Tout ce que vous devez trouver se trouve dans vos questionnaires pour les L et les échantillons, que vous devez récupérer les STL, sont aussi écrit sur le questionnaire. Vous devez revenir ici pour seize heures. N’oubliez pas de manger. S’il y a un souci, nos numéros de téléphones sont aussi notés sur vos feuilles. Bonne chance.

-Tu parles d’un speech d’encouragement, me souffle Arthur.

Il attend ma réaction à sa réflexion, me regardant avec un air à moitié amusé. Je décide de lui sourire sobrement et je jette un œil sur le document, je mets nos noms et lui lis la première question pendant que tous les autres se dispersent et s’éloignent déjà sur les sentiers.

-Quels sont les conifères que vous pouvez rencontrer dans la région ? Prenez deux exemples dans cette forêt et récupérez des échantillons.

-On est parti pour chercher des sapins. »

Le grand blond se mit à marcher, observant la nature en silence. Je profite aussi du doux murmure des oiseaux. La forêt a l’air paisible et immense, et nous nous sommes tout petits. Je vois des grands arbres cachant le ciel bleu de leurs épais feuillages verts, rouges, oranges, jaunes et bruns. Des feuilles mortes tombaient de ci et là dans une danse avec le vent, jusqu’à atteindre le sol où elles se décomposeraient pour nourrir la terre de leurs restes. L’air emplit du parfum du bois et de l'humidité, effacait toutes les odeurs de pollution au loin et la douce chaleur du soleil qui transperçait les branches contrastait avec la fraicheur de la brise. Le sol boueux où s’enfonçaient mes chaussures, avait gardé la marque du passage de cerfs et de biches qui habitaient ces paisibles terrains sylvains.

Pendant que je réponds aux questions, Arthur récupère ses échantillons. Après avoir mangé le repas pique-nique, je le sens tendu. Il ne me parle pas énormément et pour tout avoué je ne sais pas vraiment quoi lui dire, je préfère me concentrer sur les bruits aux alentours, ainsi que sur nos questions que je lis à voix haute à chaque fois que l’on passe à la suivante. Je décide de me relever pour reprendre notre route, il m’imita. Nous en avons déjà fait six sur les vingt, je suppose que c’est un exercice noté, autant ne pas faire n’importe quoi. En un instant, Arthur se rapproche de moi, tellement prêt que nos visages se retrouvent à quelques centimètres du mien. Je sens alors mon sac bougé alors que je me suis immobilisée, surprise de me retrouver nez à nez (c’est le cas de le dire) avec Arthur, si proche. Son parfum d’eau de Cologne emplit mon nez d’un doux fumet et ses yeux verts plongés dans les miens deviennent espiègles. Visiblement satisfait d’avoir mis le trouble pendant un instant.

« J’ai cru que tu n’aurais jamais de réaction. Je te vois t’extasier devant la forêt depuis que nous sommes arrivés.

-Qu’est-ce que tu as pris dans mon sac ? mon ton se voulait cinglant.

-J’ai juste déposé mes flacons d’échantillons. Je suppose que tu es assez intelligente pour pouvoir prendre des échantillons et remplir un questionnaire en même temps.

Il s’approche du questionnaire que j’ai dans les mains et le prend en photo avec son téléphone.

-Où tu vas ?

-Je vais faire les questions par le bas. On ira plus vite et on aura peut-être une meilleure note, dit-il dans un clin d’œil.

-On est censés rester ensemble et je ne vais pas faire ton travail.

-Détends-toi, je vais faire le tien aussi, mais par le bas. »

Sans avoir le temps de répondre, je le vois déjà s’éloigner. Me retrouver seule dans une forêt c’est pas flippant du tout. C’est super-sympa. Je m’élance pour la septième question. De toute évidence, je n’ai pas d’autre choix que de continuer. Je dois donc trouver un élément en décomposition et en récupérer le microorganisme puis répondre à la question : Quels microorganismes se développent lors de la décomposition d’un aliment ou d’une espèce végétale ? J’écris alors sur ma feuille : Virus, champignons, bactéries, … et je laisse échapper un cri.

« C’est pas vrai quelle poisse ! »

Je regarde au-dessus de ma tête, j’étais assise par terre, couverte de boue et avec une plaie sur le haut du front. Je venais de dévaler une pente abrupte où les troncs d’arbres doivent pousser bizarrement pour pousser droits et j’en étais entourée comme enfermée dans une crevasse. Les quelques pierres que j’avais emmenées dans ma chute n’ont pas aidé à ce que j’arrive entière en bas. Tout ça parce que j’écrivais en marchant. Je tente de me remettre debout, sentant l’humidité du sol pénétrer mes vêtements, sans succès. J’ai mal à la cheville. J’essaye de relativiser en regardant l’heure, quelqu’un va bien s’inquiéter que je ne revienne pas au point de rendez-vous. Et puis, j’ai le numéro des professeurs. Mon téléphone affichait quatorze heure et quarante-cinq minutes et pas de réseau. J’ai la guigne ! Je dois attendre au minimum une heure pour que quelqu’un se rende compte de mon absence. Arthur et moi allons probablement nous faire taper sur les doigts s’ils comprennent que j’étais seule lors de l’accident. Pas le choix, il faut que je trouve de l’aide.

« Au secours !! hurlais-je »

Je réitérais l’opération autant de fois que je le pus avant d’être fatiguée et assommée par un mal de tête incroyable. Je porte ma main à ma tête avant de l’observer, je saigne là où je me suis cognée. Je ne peux pas bouger à cause de ma cheville, je suis assommée par une douleur conséquente dans mon crâne, je suis seule, sans réseau et mon portable affiche quinze heure et trente minutes. Je ne peux qu’attendre maintenant, essayer de reprendre des forces. Je pose mon sac derrière ma tête pour me permettre de la poser mais j’entends un tintement de verre. J’ouvre le sac et vois que certains échantillons sont brisés. Arthur va me tuer et j’ai aucun moyen d’en récupérer des nouveaux. J’entends alors un craquement de branche là où je suis tombée un peu plus haut. J’appelle une nouvelle fois :

« Au secours !

Je vois une tête passée au-dessus du fossé.

-Diane ?

-Lucie ! Dieu merci ! Je suis tombée, je peux plus me lever.

Je suis tellement rassurée que ma meilleure amie soit là.

-Tu saignes à la tête, faut qu’on aille chercher quelqu’un on ne peut pas descendre.

- On ?

Une fille de ma classe passe à son tour la tête et me fait un salut gêné.

-Bonjour Dina, on n’a pas été présentée, je m’appelle Laurine, explique la nouvelle venue.

-Bonjour, Laurie, ravie de faire ta connaissance.

La brune s’éloigna du bord, vexée.

-On va partir chercher quelqu’un, ne t’en fais pas ! On revient ! »

Elles étaient déjà parties. Super, je suis encore en train d’attendre, mais au moins j’attends de l’aide. J’espère discrètement qu’Arthur s’en voudra de m’avoir laissé seule. Parce que franchement je l’avais prévenu. Le vent était plus froid et mordant en bas, dans la cuvette, les rayons du soleil ne parvenant pas jusqu’à la cime des arbres. À peine quelques minutes plus tard, quelqu’un s’approcha à nouveau du bord. Je m’écrie aussitôt :

« Lucie ? Tu es revenue vite ! Je suis si heureuse !

-Lucie n’est pas là ! C’est Eliott. Besoin d’un coup de main ?

Eliott ? C’est l’aide de Lucie ? Alors qu’il m’ignore depuis des jours ? Tant pis pour la rancœur, je lui pardonne s’il parvient à me sortir de ce pétrin. C’est si dur de s’entendre qu’on doit presque crier pour que le son nous parvienne.

-Oui s’il te plaît !

-Tu peux grimper ? me questionne-t-il.

-Non, je ne peux pas marcher non plus ! Je suis blessée à la cheville je crois !

-Ok. Attends, je descends !

-Quoi ?

Je ne m’attendais pas à ce qu’il s’empresse de descendre dans la crevasse, il prit son temps pour ne pas tomber mais parvint à une rapidité hallucinante jusqu’à moi. Certes j’avais battu le record de vitesse mais lui l’avait fait sans blessure à la fin. Quelle chance ! Il s’arrêta près de moi et plongea ses yeux d’ambres dans les miens. Il essuya de son pouce, le sang collé dans mon sourcil et posa sa main sur ma joue.

-Qu’est... Qu’est-ce que tu fais ? dis-je en bégayant.

La tension entre nos deux corps est palpable, je sens la chaleur de sa main réchauffer mon visage refroidi par la bise gelée du vent. Les cheveux en bataille et l’air sérieux, Eliott m’aide à me mettre debout mais je retiens un gémissement de douleur lorsque je pose ma cheville par terre.

-Je peux pas, ça me fait trop mal. Je suis désolée.

-C’est rien, je vais te porter, conclut-il.

Je n’ai même pas le temps de protester que je me retrouve dans ses bras. Il avait déjà enfilé mon sac sur les épaules et me regardait d’un air étrange que je ne pus identifier.

-Tu es bien installée ? »

Il esquisse un sourire en coin, avant de se mettre à marcher, mes cheveux se balancent au gré de sa marche. Mes jambes par-dessus son bras droit, je plaque mon corps contre lui pour lui faciliter la marche, rapprochant mon centre de gravité du sien. Après avoir fait presque le tour de la crevasse sans voir d’issue, dans un recoin caché, la terre s’abaissait pour pouvoir revenir à la partie principale de la forêt. Il emprunte ce chemin jusqu’à revenir au sentier principal.

« Je ne sais pas pendant combien de temps nous allons devoir marcher pour atteindre le point de ralliement, alors tu devrais fermer les yeux. Tu as peut-être une commotion.

-Tu es autoritaire comme garçon.

-Tu apprécies ou tu aimes dominer ?

Je deviens aussitôt rouge saumon, il essaye de me mettre mal à l’aise. À mon tour.

-Tu as l’air d’être proche de Lucie. Il y a un truc entre vous ?

Je sens les muscles de son torse se crisper sous ma main.

-On s’est embrassés à la fête chez Tess, dit-il calmement.

-Donc vous êtes ensemble ? rétorquais-je.

-Je crois surtout que ça ne te regarde pas. »

Eliott accéléra le pas ce qui me fit comprendre que je n’avais pas le droit de poser ces questions et qu’il ne voulait pas qu’on fouille dans sa vie. On atteint enfin le point de ralliement, où Lucie attend patiemment avec Laurine et d’autres élèves. Arthur s’empressa de venir en courant pour s’excuser, je lui réponds que ce n’est pas grave et que nous réglerons ça plus tard. En voyant Eliott me porter, le regard de Lucie se décomposa pour finir par froncer les sourcils avant de venir me parler une fois assise sur un banc et le beau brun aux yeux d’ambres éloigné :

« Les profs sont partis à ta recherche, je vais les appeler pour les prévenir que tu es rentrée.

-Merci d’avoir envoyé du monde Lucie, lui dis-je en attrapant sa main. Ton amitié est très importante pour moi, je ne veux pas la perdre.

La petite brune se radoucit et me serra dans ses bras.

-Moi non plus ne t’en fais pas. »

***

Après un tour à l’hôpital, je suis rentrée à la maison. Ma mère avait été prévenue du petit accident. Elle m’envoya à la douche puis changea mon pansement à la tête pour finir par me mettre des petit-pois surgelés sur la cheville. Ce n’est rien de grave, seulement une entorse, mais c’est assez pour avoir le droit d’être chouchoutée comme une princesse à la maison. Je profite de mon week-end pour me reposer, enfin. Je suis allongée dans mon lit, avec le silence comme ami de longue date, quand celui-ci fut interrompu par mon portable. Tiens, un message de Lucie : Je sors avec Eliott !!

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