Chapitre n°2 : « Non »

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Dans mon lit, le soir même, je discute avec Lucie au téléphone. Elle me raconte sa journée et comment un nouveau avait attiré son attention. Elle me le décrit en détail mais je suis absorbée par mon livre que je lisais avant qu’elle n’appelle.

« Allô ? La Terre à Diane ? Tu m’écoutes ?

-Oui, pardon, tu disais ? répondis-je distraite.

-Je te parlais du nouveau, Eliott. Tu abuses, tu pourrais m’écouter.

-Je t’écoute, ne t’en fais pas.

Je me lève pour aller poser mon livre sur l’étagère pour être moins distraite.

-Eliott, repris-je.

-Eliott Sanchez, une beauté fatale avec des cheveux brun sombre et un regard à te donner des frissons. C’est juste dommage qu’il n’ait pas l’air d’écouter en cours. D’ailleurs… »

Lucie avait tendance à beaucoup parler. Il était déjà tard et après avoir raccroché, à part dormir, plus grand-chose n’était possible à cette heure-ci.

***

Même routine, pour des matins qui se ressemblent tous. Mes longs cheveux blonds me donnaient du fil à retordre alors qu’ils formaient des boucles désordonnées. J’abandonne cette bataille pour les attacher en un chignon, ils sauront se faire pardonner demain. Je descends en courant dans l’escalier, mange rapidement et pars au lycée. Mes parents travaillant tous les deux ce matin-là, le bus est mon seul moyen de locomotion et évidemment, je dois encore courir pour ne pas le louper. Non ! Non ! Je vois le bus partir au loin. Quelle poisse ! Trois options s’offrent à moi : en premier appeler un de mes parents pour qu’il m’emmène ou m’en dispense, en deuxième sécher ou en dernier y aller à pied.

Soudain, un bruit de klaxon me tire de ma réflexion et me fait sursauter. Une voiture noire, moyenne gamme, s’était arrêtée près de moi, vitre ouverte avec à son bord, le garçon qui m’avait bousculé la veille.

« Allez, monte, dit-il désinvolte.

-Qui te dit que j’ai besoin de toi ?

Je n’aime pas son ton, pour qui il se prend ? Je commence à marcher dans la direction du lycée, rien de plus minable comme décision. Il roule alors à ma vitesse.

-Tu es sûre que tu ne veux pas de chauffeur ?

-Parfaitement sûre.

Il ferme la vitre et accélère jusqu’à attendre le rond-point où il attend pour le cédez le passage. Voyant ma dernière chance d’arriver à l’heure en cours rouler plus vite que je n’avance, je cours jusqu’à la voiture et rentre à l’intérieur. L’inconnu du couloir me sourit alors, aussi satisfait qu’un chien avec son os.

-Je t’en prie, renchérit-il, je m’appelle Eliott.

-Moi c’est Diane. Tu peux rouler, il n’y a plus personne. »

Une fois arrivés, je sors de la voiture. Je l’avais laissé parler tout le long du trajet sans piper mot, le remerciant seulement lorsqu’il mit le frein à main. Nous nous sommes recroisés plus tard à la cantine et à la bibliothèque sans jamais qu’il ne me regarde. Je lui avais d’ailleurs lancé un « Abruti » qu’il n’avait miraculeusement pas entendu. Lucie m'attendait devant un laboratoire de chimie non occupé un peu plus tard avant ma dernière heure de cours.

« Tu as loupé le bus ce matin ! J’ai cru que tu ne viendrais pas ! s’exclama-t-elle.

-Je n’aurai pas loupé un vers de Flaubert, tu me connais.

-Pourquoi je suis amie avec une littéraire? Je te laisse retourner à Flaubert ou je sais pas qui, on se parle ce soir ! »

Elle lança un geste de la main avant de s’enfoncer dans la salle du fond. Moi aussi je dois rejoindre mon prochain cours. Fichu début d’année.

***

« Mais si je t’assure ! Tu devrais venir.

Lucie et moi étions allées chez moi après les cours car elle avait, soi-disant, un truc super important à me dire. Elle s’excite et saute partout jusqu’à ce qu’elle m’annonce qu’une fête est organisée par une fille de terminale. Il se trouve que Lucie est une fêtarde par excellence.

-On la connaît même pas cette fille, on ne va pas s’incruster à sa fête alors qu’elle ne nous connaît ni d’Eve ni d’Adam !

-Tu comprends pas que c’est le meilleur moment pour se faire remarquer, Diane. Tu es vraiment rabat-joie.

Elle se retourne les bras croisés, faisant la moue comme elle sait le faire pour me faire culpabiliser de lui dire non. Mais elle a encore de l’espoir, elle me guette du coin de l’œil attendant que je craque.

-T’as gagné, tu me saoules. »

Aussitôt, je sens une masse se jeter sur moi et je ne peux m’empêcher de crier lorsque Lucie et moi tombons au sol. Prise d’un fou rire et d’un sacré mal de fesses, elle me donne les différentes informations dont j’allais avoir besoin pour convaincre mes parents. Je descends alors les escaliers, Lucie faisait ses devoirs dans ma chambre pendant que j’entamais la négociation avec mon père et ma mère. C’est mal parti.

« Maman, papa, je peux vous poser une question ?

-Tu viens de le faire, répondit mon père déjà amusé par sa blague qu’il doit faire au moins une fois par semaine.

-Il y a une soirée prévue demain soir, j’aimerais savoir si je peux y aller avec Lucie.

Ma mère fut soudain très intéressée par la conversation et releva la tête de son magazine. Ses cheveux roux coupés très courts et ses lunettes noires et dorées lui donnait le visage d’une femme d’affaires ou d’une PDG d’une grande firme multinationale. Elle reprit :

-C’est où ? Avec qui ? A quelle heure ? Il y aura de l’alcool ? Non, hein je ne veux pas d’alcool.

-Alors, c’est chez une fille qui s’appelle Tess à côté de Eire. La fête commence à vingt-deux heures et je ne sais pas s’il y aura de l’alcool ou non et dans tous les cas je n’en boirais pas.

Je suis assez soulagée qu’ils n’aient pas décliné tout de suite, mais je ne suis pas sortie d’affaire car mon père et ma mère prennent toutes les décisions ensemble et si l’un n’est pas d’accord, c’est cuit.

-Eire ? C’est loin ma chérie, commença mon père, et je suppose que c’est nous qui devons vous emmener toi et Lucie. Qui viendra vous rechercher à trois heures du matin ?

-Ne vous inquiétez pas, vous ne vous occuperez d’aucun voyage.

-Non, Diane. C’est trop loin et s’il y a un souci je ne peux pas être là rapidement. Tu n’iras pas, peut-être quand tu auras ton permis mais en attendant c’est non. »

Je sais que ça ne sert à rien de parlementer, c’était non. Maintenant, il faut que je le dise à Lucie, il faut qu’elle trouve quelqu’un d’autre avec qui y aller.

***

La soirée n’avait pas encore commencé. Il était huit heures du soir et je suis déjà dans mon lit en pyjama, regardant ma série préférée sur la télévision sur mon meuble. C’est tout aussi bien qu’une soirée. Certes, je ne voulais pas y aller à la base, mais je suis quand même déçue pour Lucie. Ses parents avaient accepté qu’elle y aille seulement si elle était accompagnée et elle ne m’avait pas tenu au courant de l’avancement de la recherche du remplaçant. Peut-être qu’elle m’en voulait de ne pas avoir insisté plus auprès de mes parents mais je ne les forcerai jamais la main pour prendre une décision. Alors que je réfléchissais au sens de ma vie, avec en bruit de fond les tirs de l’agent Harris contre un tueur en série, je commence à scruter ma chambre. Les dernières lueurs du crépuscule filtraient à travers mes rideaux et teintaient mes murs crème d’une jolie couleur orangée. Mon bureau dans le coin était parfaitement rangé et la commode, où étaient entreposés mes habits, était chargé de livres et de la télévision. Il n’y a rien de plus dans ma chambre que ces quelques meubles et quelques photos polaroids accrochés au mur. Mon téléphone sonne. Je l’attrape d’un geste las et regarde le message qui vient de s’afficher. Regarde par la fenêtre. Intriguée, je me lève et écarte les rideaux pour observer devant ma maison. Lucie portait une tenue de soirée rouge brillant et se tenait adossée à une voiture noire qu’il me semble connaître déjà. Eliott sort à son tour de la voiture. Son t-shirt noir collé à son torse laisse apparaître le corps fin et musclé que ses habits un peu plus larges de d’habitude. Un simple jean lui aussi noir et un veston de la même couleur complète son look. A la lumière du soleil couchant, ses yeux ambrés semblent s’illuminer d’un éclat inconnu mais saisissant.

« Qu’est-ce que tu fiches ici Lucie ?

Je viens d’ouvrir la fenêtre et je parle assez fort pour qu’elle m’entende mais pas assez pour que mes parents soient alertés par le bruit.

-Je suis venue te chercher pour la soirée ! Avec chauffeur ! ajoute-t-elle triomphante.

-Je t’ai dit que je pouvais pas venir. Je suis vraiment désolée de ne pas y aller avec toi mais va t’amuser, tu as trouvé un prince charmant et un carrosse.

Le ton que j’ai pris était peut-être un peu désagréable je le reconnais, et Lucie aussi vu la tête qu’elle fait.

-Sois pas reloue Diane, descend, tes parents n’en sauront rien.

Cette voix masculine interrompt notre discussion. Je ne suis pas reloue mais je ne peux juste pas y aller ! Je ne dis pourtant rien, je referme simplement la fenêtre, au risque de vexer Lucie que je vois remonter dans la voiture, furieuse. La berline partit aussi rapidement qu’elle était arrivée.

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