Chapitre 3 - Week-end culturel et sensuel (11)

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Samedi 25 juillet 1964, maison Graf & de Bruson, Kesswil

Stefan retourna à la cuisine après avoir bu le café, Peter et Alexandre allèrent vers le piano pour répéter. Le professeur Latte sortit soudain de sa torpeur, il se leva pour accueillir un nouvel arrivant que Martin était allé chercher à la gare de Romanshorn.

— Le Dr. Freud ! s’exclama le professeur. Tu es venu !

— Tu m’as convaincu.

Ils se firent l’accolade. Graf & de Bruson, ainsi que le Père Emptoire, se levèrent aussi pour l’embrasser. Le Dr. Freud était petit et maigre, appuyé sur une canne, il avait des cheveux blancs encore longs et abondants, des petites lunettes rondes, il avait mis un costume de lin beige, deux pipes dépassaient de la poche de sa veste. Le professeur expliqua :

— C’est le psychiatre du magazine Der Ring. Il habite Zurich et ne voulait plus participer à nos soirées, il se trouvait trop vieux. Quel âge as-tu ?

— J’ai plus de huitante ans.

— Tu en parais dix de moins.

— Je ne peux plus bander…

— Pas de souci, dit Koen, on peut toujours éjaculer et avoir des orgasmes sans érection.

— Toi, je pense que tu es Koen, le phénomène néerlandais dont m’a parlé le Prof. Latte.

— Il vous a parlé de moi ?

— Oui, tu peux me tutoyer. C’est ce qui m’a poussé à venir, j’ai toujours aimé les sujets qui sortent de l’ordinaire.

— Je suis flatté, fit Koen. Que pourrais-je faire pour vous… euh, pour toi ?

— Je pourrais t’offrir une séance sur le divan.

— Eh bien, dit Graf, tu n’as pas changé avec les années, tu as toujours envie de psychanalyser de jeunes patients avec tes méthodes disons… assez spéciales.

— En tout bien tout honneur. Je n’oblige personne.

— Tu as dîné ?

— J’ai acheté au minibar ce qui était censé être un sandwich. Je prendrais bien un café et des petits fours.

Le vieil homme s’assit et alluma une pipe, puis il dit :

— Alors, Koen, d’accord pour une séance sur le divan ?

— Je n’ai pas de problèmes psychologiques.

— Pourtant, objecta Frédéric, tu m’as dit que tu voulais faire une psychanalyse.

— Moi ? Je t’ai dit ça ? Pourquoi ?

— Tu n’es pas assez ouvert aux émotions, tu ne considères les autres personnes que comme des bites à étudier.

— C’est possible.

— Ne crains rien, dit le Dr. Freud, on ne fera cette séance que si tu es d’accord.

— Je suis d’accord, fit Koen.

— J’aimerais bien y assister, dit Frédéric.

— Pourquoi pas ? dit le Dr. Freud, si Koen me délie du secret médical.

— Je te délie, je ne cache rien à Frédéric.

Le Père Emptoire intervint et dit à Frédéric :

— Tu pourrais également te confesser avec moi pendant la psychanalyse de Koen.

— Je ne suis pas catholique.

— Pas de souci, j’ai un protocole spécial pour les mécréants.

— Et qui consiste en quoi ?

— Tu verras. Koen pourra aussi écouter si tu es d’accord, dans ce cas il n’y a pas de secret de la confession.

Une fois que le Dr. Freud eut fini son café, de Bruson lui demanda :

— Vous voulez aller dans une chambre ? Celle de Stefan et Peter et encore libre. Ce ne serait plus pratique que sur le divan du salon puisqu’ils répètent au piano.

— Allons au bord du lac, je suis enfermé tout le temps dans mon appartement.

Koen donna le bras au vieil homme sur le chemin caillouteux qui menait à la plage.

— Tu es bien galant, dit le Dr. Freud, le gendre idéal.

— Il faudrait qu’il puisse bander avec la fille, dit Frédéric en riant.

— Personne n’est parfait.

Ils arrivèrent sur la plage. Le professeur Latte et Martin les avaient accompagnés tandis que Graf & de Bruson étaient restés dans la maison pour accueillir les derniers invités. Le masseur sortit quatre chaises longues d’un coffre et les installa à l’ombre des arbres : deux à droite pour Koen et le Dr. Freud, deux à gauche pour Frédéric et le Père Emptoire.

Le professeur Latte aurait bien aimé rester, mais Martin lui avait promis un massage et ce fut avec regret qu’il suivit le masseur dans le pavillon.

Le Dr. Freud se coucha après avoir enlevé sa veste et ses chaussures, il avait une chemise blanche sans cravate, des chaussettes de deux couleurs différentes, une jaune et une verte. Koen rit en les voyant.

— La seule petite excentricité que je me permets, dit le psychiatre, cela détend l’atmosphère lorsque mes patients les découvrent.

— Tu pratiques toujours ? À ton âge ?

— Seulement pour des patients que j’ai depuis des années, et qui sont aussi vieux que moi. Je pense qu’ils viennent plus par amitié que pour être soignés. Enlève ton short et tes chaussures, tu seras plus à l’aise.

Koen était resté torse nu depuis le matin, il se retrouva donc rien qu’en slip bleu, tenue un peu incongrue sur une plage naturiste, mais il n’osa pas l’enlever. Il se coucha sur la chaise longue à côté du Dr. Freud.

Le Père Emptoire et Frédéric les avaient observés. Le jeune homme demanda :

— Je me mets aussi en slip pour la confession ?

— Confession entre guillemets. Si tu veux, pour la symétrie, moi je me déshabille entièrement, pour une fois que je peux le faire.

— Tu ne peux pas être nu à l’abbaye ?

— Oui, mais que dans ma cellule ou sous la douche, pas en plein air, ce n’est pas un camp naturiste.

— Tu mates toujours les élèves en te branlant ? demanda Frédéric.

— Je croyais que c’était moi qui te confessais, fit le Père en riant. Les mœurs ont un peu évolué depuis l’époque des architectes, le nouveau prieur ne tolère plus de gestes déplacés envers les élèves, contrairement à ce qui se fait toujours ailleurs. Il tolère par contre les relations entre les moines majeurs et les laisse se débrouiller avec le Seigneur pour le salut de leur âme.

— Il sait que tu es ici ?

— Graf & de Bruson sont très généreux, ils aident les élèves dans le besoin à payer leurs études en souvenir de leur passage dans notre abbaye. Il leur sera beaucoup pardonné.

— Pour gagner leur place au paradis, ajouta le Dr. Freud, les indulgences n’ont pas disparu des siècles après la Réforme.

Tout en discutant, le Père Emptoire s’était déshabillé, dévoilant un gros sexe qui ne s’était pas atrophié suite aux longues années de célibat, bien au contraire. Koen fit remarquer :

— Tu as une grosse bite pour un moine.

— Ah bon ? Tu en as vu beaucoup de bites de moines ?

— Non, si tu pouvais donner la moyenne, ça m’intéresserait.

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