Chapitre 3 - Week-end culturel et sensuel (10)

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Samedi 25 juillet 1964, maison Graf & de Bruson, Kesswil

Ils se rendirent directement à la cuisine pour voir où en était Stefan. Il avait terminé les tartes aux pommes et expliqua qu’il ferait encore des crèmes au chocolat et à la vanille l’après-midi. Le reste serait livré par un traiteur.

Le repas de midi était aussi prêt : du poulet rôti accompagné d’une salade et de chips, sans oublier de la bière belge. Ils prirent chacun une portion et une bouteille pour aller sur la terrasse où deux longues tables étaient déjà en place.

— Alors, demanda Stefan tout en dégustant une cuisse, c’était bien ces massages ?

— Génial, répondit Peter, tu verras demain, on sera trois pour s’occuper de toi.

— S’il peut encore bander, fit remarquer Koen, la nuit ne va pas être triste, je pense.

— Oui, fit Peter, nous pourrons même avoir une chambre rien que pour les deux.

— Mais nous raterions l’ambiance du Sensorium, objecta Stefan, il doit aussi s’y passer beaucoup de choses.

— Vous n’avez qu’à y rester un moment, proposa Frédéric, et vous éclipser, comme les époux lors de la nuit de noces.

— On regardera demain s’il y a du sang sur les draps, dit Koen.

— Ce serait préférable qu’il n’y en ait pas, dit Stefan en riant.

— Pas de souci, fit Koen, je vous soignerais, Dominique m’a donné du Baume du Lion Silencieux.

Graf & de Bruson arrivèrent aussi, ils avaient un autre menu, des céréales et des graines macrobiotiques.

— On espère ainsi vivre jusqu’à 100 ans, expliqua Graf.

— Ouais, dit Koen en faisant la moue, arrêtez d’abord de fumer.

— Doit-on aussi arrêter de baiser ?

— Non, vous pouvez le faire sans modération.

— Je précise que nous ne le faisons jamais en présence de nos hôtes, dit de Bruson, nous sommes un peu vieux jeu.

— Cela ne vous empêche pas de les mater, sauf votre respect, dit Frédéric.

— Tu as remarqué ? Nous ne sommes pas très discrets. Ça t’a dérangé ?

— Non, depuis le début des vacances il m’est arrivé tellement de choses que je m’attends à tout. Je ne compte déjà plus les personnes qui ont vu ma bite bandée. Je peux vous demander quelque chose ?

— Au sujet de nos bites ?

— Non, au sujet des douches et des pissoirs, les copies de ceux de l’internat où vous vous êtes connus.

De Bruson but une gorgée de bière, se tourna vers Graf qui acquiesça :

— Nous n’aimons pas parler de ça, mais on fera une exception pour le fils de notre ami Charles. Que voudrais-tu savoir ?

— Comment se déroulait la vie dans l’internat ? J’aimerais comparer avec l’école Hinterhoden.

— C'est une école rattachée à une abbaye bénédictine, je viens du canton de Fribourg et de Bruson de Lucerne, nous sommes catholiques.

— J’ai toujours aimer dessiner, continua de Bruson, je dessinais donc des thermes romains au lieu de faire mes devoirs, mes parents sont tombés un jour sur ces dessins.

— Ils ont dû comprendre l’intérêt que tu avais pour l’architecture, dit Koen, moi je dessinais toujours des pénis et mes parents ont compris que je voulais devenir urologue, ils m’ont encouragé.

— Oui, mais il n’y avait pas que des thermes vides, il y avait aussi des éphèbes nus qui s’enculaient sur mes dessins, ça les a dérangés. Ils m’ont donc envoyé dans l’internat pour la dernière année avant le bac, en me disant que les Bénédictins se chargeraient de calmer mes ardeurs.

— Et cela a fonctionné ? demanda Stefan.

Graf & de Bruson éclatèrent de rire :

— Comme tu peux le voir, dit Graf, pas vraiment, nous organisons toujours des orgies.

— Pourtant, fit de Bruson, il y avait toujours un moine qui nous surveillait, qui regardait qu’on ne bande pas sous la douche et qu’on ne se branle pas pendant la nuit.

— Et si vous étiez surpris ? demanda Frédéric.

— On devait se confesser, tout raconter dans les moindres détails. Par jeu, nous avions décidé d’en rajouter, nous racontions que nous couchions ensemble, alors que ce n’était même pas vrai. Je crois que ça les excitait.

— Finalement ils ont compris que nous affabulions et ils ont arrêté de nous confesser.

— Et c’est à ce moment-là que nous avons vraiment commencé à coucher ensemble, avec l’aide d’un moinillon qui avait eu pitié de nous. Il nous avait indiqué où il y avait un endroit discret pour nos ébats.

— Qu’il regardait d’ailleurs par un trou percé dans le mur. Voilà notre histoire, tu es satisfait ?

— Oui, merci, dit Frédéric. On pourrait écrire un roman avec votre histoire.

— Un écrivaillon le fera peut-être un jour, ou nous raconterons nos mémoires. Tiens, quand on parle du loup, on en voit la queue…

Un homme venait d’arriver, il était plus âgé que les architectes, grand, cheveux courts, vêtu d’un pantalon patte d’eph et d’une chemisette à fleurs.

— Voici le Père Emptoire, dit Graf, un Bénédictin, notre moinillon, qui a pris de la bouteille.

— Bonjour Messieurs, dit celui-ci.

— Comme vous le voyez il est en civil, un vrai hippie sauf les cheveux, et ce n’est pas son vrai nom. Mais il nous est resté fidèle et vient faire souvent des retraites ici.

— C’est exact que tu nous regardais baiser par un trou ? demanda de Bruson.

— Oui, et je me branlais en vous regardant. Nous étions jeunes…

— Et beaux… Nostalgie. Le Père Emptoire écrit aussi dans le magazine Der Ring, des conseils pour concilier religion et homosexualité.

— Je vais vous chercher à manger, dit Stefan, du poulet ou des graines ?

— Le poulet, je préfère de la chair pour la chère.

Koen demanda discrètement à Frédéric :

— Il a dit que quand on parle du loup on en voit la queue. Pourrais-je voir celle du Père Emptoire ? Je me demande si les bites des religieux sont plus petites que celles du reste de la population.

— Tu es incorrigible, ce n’est qu’une expression. Il est peut-être soumis à la règle de chasteté et il ne vient que pour surveiller que tu ne te branles pas et entendre ta confession.

Les convives terminèrent le repas en faisant plus ample connaissance. Frédéric appréciait cette ambiance, il se voyait déjà dans sa propre villa Graf & de Bruson au bord du Léman, reprenant le flambeau de ces invitations, alors que les architectes seraient trop âgés.

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