Prologue

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Make it stop - Rise Against

Hailey

Tic-tac, tic-tac.

Mon regard fixe la trotteuse de la pendule.

Tic-tac, tic-tac.

J'ai beau me concentrer, rien ne l'arrête.

Tic-tac, tic-tac.

Je joue avec ma cuillère dans mon bol de muesli espérantque le temps se stoppe juste avec ma volonté.

La boule d'angoisse qui m'avait quittée pendant cesgrandes vacances est revenue hier soir, pour ne plus me lâcher.Depuis l'année dernière, je me suis renfermée sur moi-même. Quiaurait cru qu'en un rien de temps, ma vie à la middle schoolserait devenue aussi cauchemardesque ?

Peut-être que cette deuxième année sera meilleure ? Quel'on me laissera un peu de répit ? Je commence à imaginer uneannée normale, avec des amis, mener une existence insouciante dontrêvent les enfants de mon âge.

Ma mère essaie de me faire participer à la conversationque mon père et elle ont depuis dix minutes. Une histoire derestaurant et d'un local à visiter. Brasserie... Nourriturebio... Veggie sont les seuls mots que mon cerveauréussit à entendre, mon regard reste rivé sur l'horloge de lacuisine qui ne veut pas s'arrêter malgré toute l'énergie queje mets à la fixer. Non, je crois bien que je vais être obligée deretourner en enfer. L'unique chance pour moi, que cette année sepasse mieux que la précédente, est d'espérer que mestortionnaires aient mûri en vacances ou déménagé.

— Hailey chérie ?

Mon père secoue sa main devant mes yeux pour me fairerevenir sur terre.

— Hmm...

— Tu es prête pour ta rentrée ?

Je lâche un petit oui qui ne semble pas le convaincre. Sesdoigts se posent sur mon bras dans un signe de réconfort.

— Tu sais, ta mère et moi voyons bien qu'il y aquelque chose qui ne va pas depuis quelque temps. Quand tu serasencline à te confier nous serons là pour toi, ma puce.

Je hoche de la tête. Déglutissant difficilement, j'arrivetant bien que mal à garder les larmes derrière mes paupières. Jen'ai encore jamais osé parler à mes parents de ce qui se passedepuis l'année dernière. J'ai tellement peur de leur avouertoute cette histoire, cela la rendrait bien trop réelle et lasituation pourrait empirer avec les autres.

— Hailey, tu devrais te dépêcher le bus arrive dansmoins de cinq minutes ! résonne la voix de ma mère depuis l'entrée.

Avec tout ça, je n'ai rien réussi à avaler, pas mêmeune seule bouchée de mes céréales aux framboises ni à arrêterles minutes qui tournent, tournent, inlassablement. Dépitée,j'attrape une pomme dans la coupe de fruits posée sur l'îlot de lacuisine, enfile mes chaussures et passe mon sac en bandoulière surl'épaule.

J'attends le bus jaune avec une boule d'angoisse quigrossit dans mon ventre au fur et à mesure que celui-ci serapproche. Ma première épreuve se gare à quelques mètres et lesportes s'ouvrent, prêtes à m'engloutir. Dès que j'entre dansle car, un silence pesant s'installe dans l'habitacle. J'essaiede repérer rapidement une place vide, mais toutes celles de devantsont prises, ou alors on y pose un sac, me montrant que je suispersona non grata. Enfin, j'aperçois un siège disponible vers lemilieu. J'inspire et expire profondément, espérant que cetterespiration me donne la force nécessaire pour faire face aux riresmoqueurs, regards de pitié, bruitages grotesques ou aux insultes surmon passage.

Pendant les quinze minutes de trajet, personne n'oses'installer à mes côtés. Sûrement ont-ils peur de m'approcheret de subir la même chose que moi ? Je me demande encore commentcette situation a pu autant dégénérer. Du jour au lendemain, Leeanavec qui j'étais amie depuis mes huit ans m'en a voulu, carAaron m'avait invitée à son anniversaire et pas elle. Secrètementamoureuse de lui depuis longtemps, elle a cru que je tentais de luipiquer. Depuis ce jour, tout a changé. Leean est devenue une garcerépandant tout un tas de rumeurs humiliantes à mon sujet. Puis, çaa fait effet boule de neige. De qu'en-dira-t-on, on est passé auxinsultes, bousculades, tags et autres "cadeaux" dans mon casier.

Pendant que le bus se stoppe devant l'école, j'attends quetout le monde descende pour ramasser mon sac à mes pieds et suivrele mouvement de foule, mais de loin, très loin. Depuis plusieursmois, j'ai appris à être la plus discrète possible et à raserles murs. Pas un mot plus haut que l'autre. Quand mes piedstouchent enfin le béton gris du trottoir, je discerne avec horreurun groupe, avec à sa tête Leean, qui m'attend. Mon souffle sebloque tandis que nos regards se croisent. Un rictus mauvais sedessine sur ses lèvres et l'ambiance devient lourde, dangereuse.Elle se rapproche de moi tel un serpent sournois qui rampe vers saproie.

— Tu es encore vivante, toi ? Tu n'aurais pas pu tesuicider pendant les vacances ? Ça aurait arrangé tout le monde !me crache-t-elle son fiel avec dédain.

J'ai vraiment du mal à croire que cette fille ait étémon amie pendant presque trois ans. Ces mots sont aussi douloureuxqu'une gifle ou un coup de poignard. Comment peut-on souhaiter àquelqu'un de se suicider ? Par instinct de survie mes yeux seposent sur mes chaussures et j'attends que la tempête passe.Devant mon mutisme, Leean s'énerve et me bouscule à m'en fairetomber par terre. Elle attrape mon sac, l'ouvre et le vide au solsous les éclats de rire de sa bande. Elle essuie ses pieds sur mescahiers neufs, écrase mon sandwich, puis crache dessus. Son fan-clubrigole à gorge déployée alors que moi, je me sens honteuse.

Mais de quoi ? De vivre ? De respirer ? D'exister, toutsimplement. Les larmes coulent sur mes joues sans que je puisse lesretenir tandis que je me baisse pour récupérer mes effets. Ma vuese brouille quand des éclats de voix retentissent à mes côtés.Lorsque je relève la tête, j'aperçois deux personnes que je neconnais pas en train de prendre ma défense. Est-ce une vision ? Ungarçon s'incline et ramasse mes affaires qu'il range dans mon sacavant d'attraper ma main pour me relever. Une fille hurle sur Leeanet ses copines. Ces dernières n'arrivent pas à en placer unetellement ma sauveuse est comme enragée et préfèrent, de touteévidence, fuir devant la furie.

— C'est ça ! Partez avant que je vous lance un mauvaissort !

Amusé, le garçon à mes côtés, un métis aux yeuxverts, secoue la tête.

— C'est bon Betty, tu as fait peur à toute l'écolele jour de notre rentrée, essaie-t-il de calmer la sorcière.

— Désolée, je souffle.

La fameuse Betty, la peau d'ébène et de longues tressessur la tête, se retourne sur moi puis me sourit gentiment.

— Ne dis pas de bêtises. Je déteste les pimbêches quise croient au-dessus de tout.

Soulagée, le garçon tend mon sac que j'attrape.

— Cette folle furieuse c'est Betty et moi je suis TJ,son cousin. On est nouveau à Portland et on ne connaît personne, tupeux nous aider à trouver les bonnes classes ?

Devant leur gentillesse et leurs sourires sincères, que jeleur retourne, j'accepte de leur servir de guide. À ma gauche,Betty passe un bras sous le mien, tandis que TJ se poste à ma droitetout en se dirigeant vers les grandes portes d'entrée de l'école.

Depuis des mois, je retrouve enfin ma respiration, mon cœurse gonfle sous ma poitrine. Je sens du plus profond de mon être quecette journée est la première d'une très longue amitié.

  La 2ème année de Middle School ou Junior High School correspond à la 5ème au collège en France

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