Callahan - I'm Still Standing

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« And did you think this fool could never win?
Well look at me, I'm coming back again
I got a taste of love in a simple way
And if you need to know while I'm still standing, you just fade away »


C'est tout penaud que Callahan revient au laboratoire d'apothicaire avec la ferme idée, par son oubli, d'avoir déçu Marie. Silencieux, il repense à sa discussion avec son oncle quant à sa manière d'appréhender sa vie de Sorcier. Chasser les créatures qui viennent s'échouer à Istarios est certes trépidant mais est-ce vraiment ce que la déesse attend de lui ? Callahan ne sait pas. Cette question reste entière depuis qu'il est arrivé au Cercle, seul, orphelin comme tant d'autres enfants de Sorciers. Son histoire reste particulière et certains ne manquent pas de le lui rappeler par des regards noirs, désapprobateurs et de la défiance. À l'instar de l'homme qui se tient ici et règne en maître parmi les potions et les onguents du Temple : Andreas, le père adoptif de Marie. Le triste lot d'être le fils d'un des plus grands et redoutables traîtres que l'organisation ait connus. Doit-il payer pour les erreurs de son père ? Absolument pas, mais un Sorcier reste Humain et n'est pas exempt de cette bêtise qui le caractérise parfois. Callahan a dû, parfois, faire parler ses poings pour défendre son propre honneur, son nom aussi. Sa seule solution - loin d'être la meilleure - pour ne pas se laisser abattre par des donneurs de leçons qui n'ont aucune idée de ce qu'il a pu vivre à même pas dix ans.

Ses pensées digressent donc et c'est la voix grave du Thaumaturge en chef qui le rappelle sur Terre. Le jeune homme qui partage la même magie sursaute et se reprend. Il s'excuse puis se concentre de nouveau sur sa tâche. C'est sans compter sur son téléphone portable qui n'aura cessé de vibrer tout au long de cet après-midi. Au point d'user définitivement la patience d'Andreas qui sait se montrer intransigeant quand il le veut.

— J'aimerais que vous vous concentriez un peu plus sur vos mélanges que sur cette chose, Monsieur Brythes. La tâche peut vous sembler rébarbative mais c'est de nous que dépendent les soins de tout le Temple. Le stock doit être à jour. Vous n'avez pas oublié la voie qui est la votre, n'est-ce pas ? le tance Andreas.

Ce dernier est un homme de taille moyenne mais d'une carrure somme toute impressionnante pour un Sorcier-Soigneur. Ses prunelles mordorées dardent vers son apprenti qui repose le tout et soupire profondément. L'aîné de Callahan approche des deux siècles d'existence. Il sait se faire respecter et comprendre des jeunes pousses du Temple. D'autres avant le jeune Brythes, tels que Alan et Duncan, sont aussi passés sous le feu de ses critiques. Seulement, la victime du jour a plutôt l'impression qu'en ce qui le concerne cela tient de l'acharnement. Toujours à lui reprocher les moindres faits et gestes. À le pousser à encore plus et le reprendre à la moindre occasion.
Cal' perd petit à petit patience. Ses poings se serrent sur l'établi, la tête baissée et les yeux clos. Il allait ouvrir la bouche, sortir une parole malheureuse que le Maître-Sorcier saura lui faire payer quand Marie arrive enfin dans le laboratoire.
Aussitôt, la colère du jeune homme reflue et il se contente de hocher la tête.

— Tout va bien par ici ? demande l'arrivante, de cette voix douce qui la caractérise si bien.

Son attention va de l'un à l'autre, réellement curieuse mais pas idiote. Ce n'est pas difficile de sentir la tension dans l'air entre les deux Sorciers.

— Je rappelais Monsieur Brythes à ses responsabilités, rien de plus.
— Encore, lâche sans prévenir Cal' .
Ce qui crispe aussitôt Andreas et la tension grimpe d'un cran.
— Oui encore ! Non seulement vous avez oublié de venir nous aider comme promis et qui plus est, vous n'êtes même pas capable de vous concentrer plus de trois minutes sans avoir à sortir votre téléphone ! Vous n'avez pas tenu votre parole ! Mais après tout, cela ne m'étonnes guère...

Andreas n'a pas le temps de terminer sa phrase que les poings du jeune homme cognent sur l'établi. Il se tourne vivement vers celui qu'Alan appelle « le Fossile » et, s'approche d'un pas.

— Allez au bout de votre pensée, Andreas, grogne Callahan qui perd soudainement de sa retenue habituelle.

Sa fierté est piquée au vif, la patience a disparu.
Marie s'interpose.

— Bon, c'est fini vous deux ! Ne m'obligez pas à me mettre en colère et en prendre un pour taper sur l'autre.

La jeune Sorcière a beau faire à peine le mètre soixante, elle aussi sait s'affirmer. Elle se tient entre les deux hommes qui se défient du regard tels deux chiens sur le point de se sauter à la gorge. Andreas est d'ordinaire, un homme réputé pour sa sagesse, recule d'un pas et soupire.

— Je te laisse gérer le stock pour aujourd'hui, Marie. J'ai d'autres choses à faire.

Il préfère battre en retraite plutôt que de devoir se prendre le bec avec sa propre fille.


Cette sagesse semble revenue et le Maître-Sorcier tourne les talons tout comme Callahan qui s'est tourné vers la petite fenêtre du laboratoire donnant sur les prés herbeux qui bordent le Temple. Un long silence s'impose. La tension disparaît peu à peu, Marie laisse les nerfs de son apprenti se calmer.
Elle a de l'affection pour ce « gamin » qui lui ressemble un peu trop sur bien des points. Sans famille quand elle est arrivée ici, c'est Andréas qui l'a élevée tout comme c'est Duncan et surtout Alan qui ont pris Cal' sous leur aile. Trouver sa place peut être difficile même après tant d' années.
S'affirmer et chercher sa légitimité pour un homme portant le nom honni de Brythes l'est encore plus.

— N'en veut pas à Andreas, il est de la vieille école...

Marie brise le silence devenu bien trop pesant. Les bras croisés sur une poitrine menue, les hanches ceintes d'un tablier de lin blanc, on lui donnerait des airs de nymphes. Le jaune pastel de sa robe fait ressortir son teint halé et ses yeux couleurs noisette. Son vis-à-vis lui tourne toujours le dos, le regard perdu dans le vague.

— Quoique je fasse, je crois que je n'aurais jamais ma place ici. Je suis un Brythes et même si je ne suis coupable de rien, j'ai le tort d'être son fils, constate alors le jeune sorcier avec amertume.

Callahan ne veut même pas prononcer le nom de son propre géniteur tombé en disgrâce.

Ses poings se serrent et la mélancolie s'empare de son esprit quand les souvenirs de sa mère, d'une famille heureuse, remontent à la surface.
La mort de Sylvia Brythes a provoqué un tel chagrin chez son époux qu'il s'est plongé dans l'étude de la magie interdite pour la ramener dans le monde des vivants. La Nécromancie est bannie par Hécate qui refuse que l'on change le cours du temps et du destin. Hank Brythes n'en a eu cure à cette époque. Il a défié la Déesse et même Alan qui n'était autre que son meilleur ami.
La folie, la douleur et l'obsession ont eu raison de son âme. Le tout sous les yeux d'un fils délaissé, seul. Hank a trahi le Cercle. Il a disparu en laissant Callahan aux bons soins du Temple. Lui faisant indirectement payer, les conséquences de son acte. On le dit mort depuis bien longtemps.

Doucement, la main de Marie glisse sur le bras du jeune homme pour le pousser à lui faire face. Un doux sourire s'est fiché sur les lèvres de la petite Sorcière qui est tout aussi sage que le plus ancien Maitre-Sorcier ici-bas. Elle secoue légèrement la tête, réfutant les certitudes de son protégé.

— Ce n'est pas pour cela qu'Andreas est dur avec toi, Cal'. Il a vu ce que tu vaux, ce que tu peux faire de ton don pour les autres. C'est le plus ancien d'entre nous et crois-moi, il se trompe rarement. À sa manière, il te pousse vers l'excellence. Parfois, ce n'est pas vraiment de la bonne façon, mais les intentions sont là. Un jour, tu sauras leur clouer le bec à toutes ces mauvaises langues et pour ça, tu dois les surpasser. C'est sa vision des choses...

Un petit rire discret lui échappe tandis qu'elle caresse la joue du jeune Sorcier qui la dépasse d'une bonne tête.

— ... Il est sage, mais pas doué pour les relations humaines. C'est un grincheux dans l'âme, il est comme ça.

Qui mieux que Marie pour parler de son père après tout ?
Le regard de Callahan s'est adoucit et l'ambiance est plus apaisée dans le laboratoire où les onguents, les potions et les pommades n'ont pas beaucoup avancé. Il vient poser sa paume sur celle de son aînée et finit par sourire, un petit rictus furtif qui allège le cœur de Marie toujours allergique aux conflits de toute nature.

— Je préfère chasser les monstres des Failles plutôt que de concasser des noix pour les onguents.
— Oh, ça je sais ! dit Marie dans un petit rire cristallin, Tu es comme tes oncles ! Seulement, n'oublie pas que la Magie a un plan pour toi. Tu es un Thaumaturge, ce n'est pas un hasard. Penses-y.

Le jeune homme retrouve un peu le sourire et acquiesce puis l'embrasse sur la joue.

— Merci Marie, finit-il par souffler avec un brin de timidité.

Tous les deux se remettent au travail, enfin ! Andreas n'aura plus de raison d'être ronchon quand il reviendra. Concentré sur les différentes recettes consignées dans d'antiques parchemins, Cal' met du cœur à l'ouvrage.
C'est sans compter sur Marie et son caractère malicieux qui n'a absolument pas oublié la nature des griefs de son père à l'encontre de son protégé. Tout en travaillant, sans même lever le nez vers le concerné et d'une voix faussement distraite, elle le taquine :

— Dis-moi, qu'est-ce qui te fais sourire comme un benêt collé à son téléphone ? Ce ne serait pas Tina par hasard ?

Callahan en perd son pilon qui tombe par terre dans un juron qui lui échappe tout autant. Il semblerait que Marie ait vu juste. Elle a d'autant plus raison quand le jeune Sorcier se redresse avec les oreilles rouges et une mine pas franche.

— Hein ? Quoi ? balbutie Cal' d'un air faussement distrait comme pour tenter d'échapper à l'interrogatoire. C'est mal connaître la Thaumaturge.
— Ah ! Je m'en doutais !

Pas besoin de réponse venant de l'intéressé, il se trahit tout seul.
Marie tape dans ses mains, excitée comme une puce et folle de joie. Elle adore jouer les commères en compagnie des nymphes du Sanctuaire, voilà un nouveau potin à raconter à Nora !
Cela dit, elle n'aura pas le temps de chercher la petite bête qu'un autre Sorcier du Temple entre dans le laboratoire, la mine déconfite. Le sourire si radieux de la jeune Sorcière s'évanouit. Elle comprend trés vite ce que le visiteur s'apprête à leur annoncer : une mauvaise nouvelle. Callahan reste figé devant son établi, comme pendu aux lèvres du messager qui se demande s’il doit parler seul à seul avec la Thaumaturge ou non. C'est d'ailleurs Marie qui attire son attention.

— Eh bien ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
— Je cherchais votre époux ou le Grand Maître, Marie. Les avez-vous vus ? demande-t-il un peu hésitant.
Marie secoue la tête, désolée.
— Duncan est parti voilà un peu moins d'une heure. Alan est en service. Je te sens perplexe Hélios, dis-moi ce qui te tracasse ?

Hélios, jeune Sorcier spécialiste des artefacts magiques, finit par entrer et refermer la porte derrière lui.

— Le Grand Maître m'a apporté il y a quelque jour, une statuette dérobée au musée.
— Oui, ça lui a d'ailleurs valu une belle chute d'un toit, ajoute la Sorcière.

Marie se rappelle avoir bien rit quand Duncan lui a raconté la mésaventure d'Alan dans la benne à ordures. Callahan s'approche, intrigué. Hélios a un petit sourire pincé, il continue :

— Cette statue de Hécate est en réalité ce qu'on appelle « La Clé du Voile ». Elle est bénie par le pouvoir de la Déesse et l'on dit qu'elle est liée au Temple. C'est un artefact gardé par le conservateur du Musée.
— Elias est un Maitre-Sorcier que je connais bien et un ami de mon mari, approuve Marie en pensant au Conservateur.
C'est là que Hélios pâlit.
— Eh bien, je viens de découvrir que l'artefact que le Grand Maître a ramené est un faux. La statue est censée renfermer une pierre stellaire en son sein et celle-ci n'est qu'une vulgaire copie, elle est vide, dénuée de magie ! De plus, nous venons d'apprendre que Elias a été assassiné, chez lui.

Le pauvre Sorcier est dans tous ces états.
Surprise, Marie porte la main devant la bouche pour étouffer une plainte de tristesse. Cal' se porte à ses côtés et pose la main sur l'épaule fine de son aînée puis questionne leur porteur de mauvaises nouvelles, la mine sombre.

— Tu parles de pierre stellaire, de Clé du Voile. Qu'est-ce que ce tout ça veut dire ? Est-ce que l'on sait qui a bien pu s'en prendre au Conservateur ?

Hélios secoue la tête, sans réponse sur la question du meurtre, il peut au moins informer ses deux interlocuteurs sur l'artefact en lui-même.

— Les manuscrits disent que la Clé Du Voile permet d'ouvrir des Failles dans le Voile et donc, dans l'espace-temps. D'entrer en contact avec d'autres mondes sans avoir les dons du Gardien. On dit aussi qu'elle peut révéler le Temple et ouvrir la barrière. C'est à la base, un moyen que les premiers des nôtres avaient pour entrer en contact avec la Déesse avant la chute de la foi, et de se protéger des Hommes...

Soudain il se fige. Tout comme Callahan et Marie.
Tous les trois tournent la tête vers l'origine d'une grande perturbation magique. Elle leur étreint le cœur et les fait frissonner d'appréhension, l'instinct en alerte. Les portables sonnent dans tous les sens pour Marie et son protégé. Quand elle décroche, c'est la voix d'Alan qu'elle peut entendre.

— Marie ! Le Voile s'est déchiré ! Istarios est sur le point d'être envahie. Les gens du Sanctuaire arrivent avec Nora et tes petits. Tu dois les guider avec Andreas et les autres. Dressez la barrière et ne bougez pas de là tant que l’on n’a pas réglé cette affaire. Tu m'as compris ?
— Oui... oui c'est compris. Et Duncan ? s'inquiète t'elle aussitôt, le cœur battant et la peur qui la fait trembler des pieds à la tête.

— T'en fais pas, il est avec moi. Fais ce que je te dis !

Puis il raccroche sans préavis.
Lorsque Marie remonte les yeux vers ses deux voisins, il ne reste plus que Hélios.
Callahan a disparu. Tina était seule, il devait aller la chercher.

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