Duncan - Heroes

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« I will be king, And you, You will be queen
Though nothing, Will drive them away
We can beat them, Just for one day
We can be heroes , Just for one day »

La quiétude des lieux, le silence simplement perturbé par le clapotis de la rivière toute proche.
Le bruissement des feuilles de frênes qui se sont fait une place au milieu des pins maritimes omniprésents.
L'odeur de la nature, de la sève.
Il peut quasiment entendre le bruit de l'herbe qui pousse. Le moindre insecte qui court sur le sol. Le pouls de la terre.
Tout cela l'apaise.
Son aura, son être se sont connectés à cet endroit pour ne faire qu'un avec lui. Pour percevoir le monde sous un autre angle. Un monde que l'Homme ne cesse de martyriser et qui continue pourtant d'offrir encore et encore. Pour combien de temps ? La question est entière.
Le druide assis là, au milieu de cette clairière, le ressent.
Un jour, la nature refusera de donner. Elle reprendra. C'est inévitable. L'Homme l'aura bien cherché, n'est-il pas ?

Les paumes tournées vers le sol et les yeux clos, Duncan est là sans réellement l'être. Rare druide du Cercle encore présent à Istarios, il « recharge les batteries » comme il le dit si bien. Il observe aussi. La méditation n'est pas qu'une affaire de hippie, comme le sous-entend son aîné trouvant toujours un moyen de le taquiner. C'est aussi par ce biais que Duncan peut percevoir les instabilités du Voile. L'un de ses pouvoirs de Gardien. Le Voile, le monde éthéré issu de la magie même de Hécate a ses propres lois, des lois trop largement transgressées depuis quelques temps. Ces exceptions sont des failles dans la réalité, laissant parfois entrer un monstre ou deux... voire plus. C'est le devoir de Duncan que de surveiller ces anomalies et de les régler. Voilà en quoi consiste le rôle du Gardien. Il protège cette réalité des autres mondes qui l'entourent pour l'équilibre de la Création. C'est un « radar à bestioles » pour un Alan toujours aussi... imagé dans ses expressions. Pour le plus grand désespoir du druide.

Pour l'heure, rien ne lui apparaît. Mais son instinct n'est pas tranquille. Cela fait deux heures que le druide fouille les moindres recoins du monde éthéré que son rang et son sang lui permettent de visiter. Et rien. C'est frustrant, cela se voit à sa mine déconfite. Le blanc laiteux qu'ont prise ses prunelles durant sa médiation, s'évanouit au profit d'un azur clair qu'il ne partage absolument pas avec son frère. Il faut dire que dans la famille Danekis, les différences sont assez tranchées. Si le cheveu noir reste une constante, pour le reste, c'est une autre affaire. Duncan est le portrait de sa mère, Elizabeth. Druidesse de longue lignée Picte, il a autant hérité de ses traits doux, de son caractère sage que de ses pouvoirs. Alan quant à lui est le portrait craché d'Antonios. Sanguin, ténébreux et à l'humour douteux. Les deux frangins se complètent parfaitement, cela explique le lien fusionnel qu'ils entretiennent depuis toujours. Plus encore avec la disparition de leurs parents.

— Alors ? Tu as vu quelque chose, mon oncle ?

Duncan sursaute en se rendant compte de la présence en face de lui et manque de basculer en arrière. C'est que le retour à la réalité est plus brutal quand on se retrouve nez à nez avec un curieux comme celui qui se tient là.

— Par la déesse, Cal'... Tu m'as collé les jetons. Je t'ai déjà dit de pas me surprendre quand je sors du Voile. Je n’ai pas encore toutes mes facultés quand j'en reviens. Tu veux me filer une crise cardiaque ?
— Pardon ! Pardon ! Alors ? À voir ta tête, j'ai l'impression que tu as fait chou blanc.
— Comment ça, ma tête ? le druide pourrait presque s'insurger. Il n'y a rien. C'est le calme plat. Et c'est tant mieux ! Ne boude pas comme ça. Courir après les créatures de failles ce n'est pas comme aller au parc d'attraction.

Devant lui, un jeune homme au regard bleuté, pétillant d'enthousiasme.
C'est Callahan, un jeune thaumaturge que forme l'épouse de Duncan, depuis de longues années maintenant. Cette tête brune à la tignasse bouclée coupée courte tout récemment, se balade dans ses pattes depuis qu'il est enfant. Les frères Danekis le considèrent un peu comme leur neveu. Callahan vient d'une famille autrefois très proche de la leur. Duncan tout comme Alan a vu Callahan naître, grandir et s'épanouir malgré la tragédie qui l'entoure.

Apprendre que Duncan n'a rien "vu" déçoit presque le jeune Sorcier. Une semaine s'est passée depuis la chasse au Strygide en pleine nuit.

— Je sais bien mon oncle mais... je m'ennuie, répond-t-il à la remarque du druide.

Il tend la main vers Duncan puis l'aide à se relever.
L'autre grogne. Les membres engourdis, le druide se frictionne les cuisses comme si cela ferait fuir les fourmis qui se sont emparées de ses muscles. Aux paroles de son cadet, le Gardien lève un sourcil un peu perplexe.

— Si tu t'ennuies réellement, je peux demander à Alan qu'il te fasse récurer les salles d’entraînements du Temple ? Qu'est-ce que tu en penses ? Ou alors, à Andreas d'étiqueter toutes les fioles de son officine, et tu sais à quel point il est tatillon sur le sujet.

Le simple fait d'évoquer le chef des soigneurs fait grimacer le jeune thaumaturge.
Andreas est le plus vieux sorcier encore en vie dans tout le Cercle. Aucunes maladies, aucuns sorts ou malédictions ne peuvent avoir raison de son savoir. Mais c'est aussi un vieux de la vieille qui a parfois bien du mal à composer avec son temps. Ce n'est pas pour rien que Cal' – et parfois Alan – le traite de « fossile ». La trogne qu'arbore le jeune homme fait rire le druide qui tapote l'épaule de son neveu tandis qu'ils regagnent le Temple d'Hécate tout proche.

— Et ton travail ? demande le druide, enfonçant les mains dans les poches de sa veste.
— La rubrique des chiens écrasés de l'Hermès ? Y'a vraiment rien de trépidant là-dedans, grommelle d'un air contrit le jeune homme en regardant les premières pierres des ruines du Temple se dévoiler à eux.

Duncan hausse les épaules en souriant, il se montre bienveillant comme toujours avec le jeune homme. Il est un peu plus sensible que son aîné qui est bien plus bourru que lui. Alan aurait certainement botté les fesses de Callahan depuis longtemps.

— Alors à toi de faire tes preuves. Et de prouver que tu vaux mieux que ça ? Tu as le sens de l'observation. Tu es rigoureux et tu as une superbe plume. Tu peux faire de belles choses en tant que journaliste Cal'. Il te suffit juste de le vouloir, avoir autant d'ambition que celle que tu as pour les créatures des failles.

Le jeune homme opine du chef et sourit à son tour. Un regard échangé qui parle pour lui, il remercie son aîné. Cela regonfle un peu de sa fierté qui s'est fait la malle depuis longtemps.

Le havre des Sorciers du Cercle se cache à la vue de tous grâce à la magie de la déesse à qui ils ont juré fidélité. Ce n'est qu'un tas de pierres qui tient encore difficilement debout aux yeux des profanes. Mais pour ceux qui savent voir à travers l'illusion, c'est une bâtisse qui a gardé toute sa superbe d'antan. Ses colonnes abritent la statue de la déesse lunaire aux trois visages et le pouvoir qui réside encore en elle. Ici, les recrues, les étudiants en magie ainsi que les maîtres trouvent un abri, un lieu de connaissance. Mais aussi d’entraînement.
Tout est fait pour que les Sorciers du Cercle puissent être à la fois protégés, capables de se défendre et de continuer d'évoluer avec leur temps. Il accueille aussi les orphelins de Sorciers disparus en mission ou tués par les nombreux ennemis qui rôdent là, dehors. Celle qui vient à leur rencontre fut l'une d'entre eux.

— Où étiez-vous passés tous les deux ?
— Oh, je méditais dans la clairière. Je m'assurais que tout se passe bien en ville. Et j'avais un spectateur..., répondit le Druide qui s'approche d'elle pour l'embrasser sur la joue.

Un geste tendre qui fit sourire cette femme menue aux longs cheveux sombres, la peau hâlée qui n'est autre que son épouse : Marie. Cette dernière reporte son attention sur Cal' qui rit comme un benêt.

— Un spectateur tu dis ? Callahan, tu ne devais pas m'aider à confectionner des onguents pour l'officine aujourd'hui ?

D'un naturel doux, cela n'empêche pas à Marie d'inspirer une certaine crainte. Personne n'a jamais entendu la fille adoptive du Thaumaturge en chef hausser la voix, pas une seule fois. Pourtant, tout le monde sait de quoi elle peut être capable si on la pousse à bout. Enfin, ils l'imaginent. Une sorte de petite légende urbaine qui fait bien rire la principale concernée qui s'amuse donc à souffler le chaud et le froid sur sa propre personne.

— Oh... Merde ! Mince j'veux dire. J'suis désolé Marie. J'ai oublié. J.. j'y vais tout de suite.

Duncan quant à lui s'est tourné vers le jeune journaliste.
La teinte pâle de son neveu le fait pouffer de rire alors que ce dernier s'éloigne déjà tout penaud. C'est que ce gamin fait tout pour avoir l'approbation de ses pairs. Il a du talent, mais tellement de doutes.

— Tu n'as pas honte de le torturer ainsi ? demande l'époux à sa femme qu'il vient prendre dans ses bras et embrasser sur le front.
— C'est si drôle. Il marche dedans à chaque fois. Mais c'est un bon garçon. Il fera de grande chose avec un peu plus de confiance en lui.
— Ça je n'en doute pas une seconde...

Tous les deux regardent le jeune homme se confondre en excuse devant un Andreas à la mine peu réjouie qui l'attend sur le pas de l'officine, et ils rient. Puis Duncan reporte son attention sur son épouse.

— Je te laisse travailler. Je passe par la clinique voir si tout va bien puis j'irais chercher les enfants à l'école. Certainement que l'on passera voir Alan sur le retour.
— Très bon programme Docteur Papa Poule. Au fait, comment va son dos ? Il ne s'est pas raté avec ce vol plané depuis un toit.
— Oh ! Ton baume fait des merveilles. Il arrêtera de se plaindre d'ici deux à trois jours. Nora va s'en assurer à coup sûr.

Mettre le prénom de la nymphe et celui d'Alan dans la même phrase attire toujours un petit sourire entendu de la part des deux époux. Ils ne disent rien mais n'en pensent pas moins.

— Je vous attends tous à la maison pour dix-neuf heures au plus tard. Cela fait longtemps que l'on n'a pas fait un petit repas de famille.
— À vos ordres, ma Dame.

Le druide couvre la soigneuse de tendresse avant de quitter les lieux. La clinique vétérinaire dont il est le directeur ne va pas tourner toute seule. Le regard de son épouse quant à lui, est plus inquiet. Marie n'a pas besoin de demander à son mari la réalité de son état pour le deviner, c'est une Thaumaturge elle aussi. La Sorcière sait que son druide d'époux n'est pas tranquille. Il est épuisé par ces recherches que lui impose un instinct qui se trompe rarement. Quelque chose se prépare, elle le sent. Elle espère que ce repas de famille de ce soir saura mettre un peu de baume au cœur dans cette famille ô combien particulière.

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