CHAPITRE 32 : Et la lumière fut

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Adi était parti depuis une éternité. Je n’avais plus la notion du temps, plus la notion de la raison non plus. J’avais passé trop de temps enfermé dans le noir, privé de mes sens. Les différents traitements qu’ils m’ont fait subir ont fait sauter mon dispositif d’amplification. Seul, il ne m’aura fallu que quelques jours pour perdre la boule. Je n’avais plus de nouvelles d’Anabella, je ne savais pas si elle était encore en vie. Ce que je savais, c’est que moi j’étais encore en vie, malheureusement. Je souhaitais chaque jour que se termine mon calvaire, et chaque jour j’entendais le « Boom boom » des hommes en blanc qui annonçaient de loin leur présence en cognant leurs chariots sur la tôle. Ce son terrifiant était la dernière information qui m’indiquait qu’il existait encore un monde extérieur. Il déclenchait chez moi une raideur physique et une paralysie mentale qui, à terme, finissait par bloquer toute pensée.

La solitude la plus totale, l’absence de contacts physiques ou verbaux sont motrices d’une perte d’espoir abyssale dans laquelle mon esprit se complaisait à s’engouffrer, à défaut de pouvoir s’enfuir ailleurs.

J’entendis résonner une énième fois le tintement des portes métalliques. Pendant une seconde, mon angoisse fut teintée de joie. Je sentis que cette fois était la dernière, que cette fois c’en était fini pour mon esprit, que mentalement, j’allais chuter et que ce serait une délivrance bien méritée. « Boom Boom », puis la porte de ma cellule s’ouvrit laissant la lumière entrer. La délivrance était proche, j’en jubilais d’avance. « Allez-y défoncez moi ! ahahah, moi je me tire ! Approchez ! ». L’une des deux, non, pas deux, trois silhouettes que je peinais à distinguer me répondit.

« Je vois que tu es prêt Ameer ! Navré d’avoir été si long. On se casse d’ici ».

Il me fallut quelques secondes pour reconnaître l’écho familier de la voix d’Adi qui résonnait comme à travers un gros volume d’eau. Je me suis demandé si ce n’était pas une manigance de plus, pour me faire baisser ma garde, pour me redonner un peu d’espoir afin de le retirer aussitôt. Mais l’énergie me manqua pour raisonner. Deux hommes me saisirent. Je fis un effort pour durcir un peu mes jambes et petit à petit marcher mollement. Je sortis de la pièce sur mes deux jambes, ceci pour la première fois depuis… depuis une autre vie.

La lumière du couloir m’aveugla. Je vis d’abord tout blanc, puis je ressentis une douleur intense derrière les yeux. Je fermai les paupières, les pressant l’une contre l’autre aussi fort que possible, mais la douleur était trop profonde. Je maintins tout de même les paupières fermées, me laissant guider par celui qui semblait être Adi. Puis je sentis une étreinte douce et réconfortante. Je reconnus Anabella. Je n’eus pas la force de parler et sentis mes larmes couler sous mes paupières fermées.

« On n’a pas le temps pour ça, dépêchons-nous ! ». C’était la voix d’un homme que je ne connaissais pas. Je tentai d’ouvrir un peu les yeux, la luminosité était toujours trop forte mais je parvins tout de même à regarder mes pieds. Anabella demanda « Vous pensez qu’on va sortir comme ça ? » et Adi répondit « Ils n’ont pas l’air d’être programmé pour se battre, personne ne leur oppose jamais de résistance, s’ils nous retiennent on passe en force ». Je regardais les jambes d’Adi, il était en blouse, l’autre homme portait également une blouse mais sa carrure laissait entendre qu'il était étranger au personnel.

Tout en me laissant trainer, les jambes flageolantes, je tentai de comprendre : « Adi c'est toi ?

— Et oui, je suis venu te chercher !

— Et cette blouse ?

— On a attaqué un android du personnel dehors. Ils portent des puces de reconnaissance, j'ai pu entrer facilement. Par contre Hicks qui est avec moi...

— Enchanté ! l'interrompit Hicks.

— ... n'a pas de puce. Je suis donc seul avec trois prisonniers dont un avec une blouse. La supercherie ne va pas durer. Rien que pour moi tout seul ils étaient deux. »

On entendit du bruit à quelques portes d'ici. Le colosse prit les choses en main.

« Adi, ouvre une cellule, n'importe laquelle ! Vite !». Il s’exécuta et ouvrit la première cellule à portée. Nous nous engouffrâmes tous à l’intérieur. Elle était vide. Ouf, pas de raison que quelqu’un entre ici. Nous attendîmes quelques instants, écoutant le son du chariot se rapprocher. La porte la plus proche s’ouvrit. Je m’assurais qu’Anabella allait bien, et me rendit compte, en la cherchant des yeux, que le colosse n’était pas avec nous. Adi fronçait les sourcils, il s’en était rendu compte. Il ouvrit la porte de la cellule et nous nous trouvâmes nez à nez avec le spectacle de Hicks, chaque main sur les mâchoires d’un scientifique et lui ouvrant la gueule jusqu’à lui séparer la tête en deux parties. Du liquide vert pâle s’en échappa. Hicks sortis un couteau et éventra la carcasse au sol pour en sortir un circuit imprimé. Il le garda sous le bras et nous fit signe d’avancer. Je me tins cette fois sur mes deux jambes. Anabella pleurait mais ne se retenait pas pour autant de courir.

Adi tendit le bras pour nous faire signe d’arrêter.

« Marchez, restez près de nous comme si vous étiez nos prisonniers. Laissez nous vous guider dehors ».

Nous fîmes ce qu’Adi recommanda. Nous arrivâmes dans une pièce dans laquelle deux scientifiques étaient présents. La panique m’envahit immédiatement. J’agrippais Anabella aux hanches, elle fut courageuse pour nous deux et ne trembla pas. Les deux scientifiques nous regardèrent. Puis Adi lança « Ces deux-là sortent ».

L’homme, ou cette ... chose qui était assise près de la porte du fond se leva et répondit : « La demande n’a pas été reçue. Vérification en cours pour les cellules quatre et douze. »

Hicks le colosse et Adi nous retinrent légèrement, pour nous faire signe de patienter calmement. Je n’avais pas la force de faire autre chose que m’en remettre à eux. Anabella me regarda, ses yeux étaient vides d’espoir mais elle semblait heureuse de me retrouver quelques instants, même dans cette situation d’urgence et dans son état d’accablement avancé.

Hicks montra des signes de nervosité, un androïde mis en pièce attendait dans le couloir, il ne valait mieux pas s’attarder dans les parages. Je jetai un œil à des écrans de surveillance sur le côté de la pièce. Je cherchais des yeux le cadavre à la mâchoire explosée mais ne trouvai aucun écran qui filmait le couloir. Les écrans étaient numérotés de un à vingt et seuls deux d’entre eux étaient allumés. Le numéro quatre et le numéro douze. Il s’agissait de nos cellules désormais vides. Il y avait fort à croire que nous étions les seuls prisonniers ici. Les expériences devaient être des faits rares.

« Sortie non autorisée. Les sujets doivent être ramenés dans leur cellule. »

Soudain, je me suis senti moins oppressé. Adi me regarda un instant. Il avait observé les écrans lui aussi. Il sortit une arme de sa blouse, rangée sur son flanc, ce même type d’arme que celles que j’avais remarqué à mon retour sur Terre, en forme de caméras. Il fit feu sur l’homme près de la porte. En une micro seconde, sans que j’entendisse le moindre bruit, l’homme fut quasiment désintégré et la tôle de la porte avait fondu. Au même moment Hicks se retourna et massacra le second scientifique. Adi s’adressa à Hicks : « Ils sont seuls ! Regarde c’est minuscule ici, ils ne se défendent pas. Hicks, on dégomme tout ! »

Nous repartîmes en arrière, et fouillâmes en quelques minutes l’intégralité du bâtiment. L’arme à la main, Hicks et Adi annihilèrent tous ces scientifiques humanoïdes qui n’eurent même pas le réflexe de se cacher, cinq en tout. Ces armes surpuissantes qu’ils utilisaient vinrent à bout des hommes, autant que des parois, des portes ou de quoi que ce fût qui nous barrait la route. Nous arrivâmes enfin sur la plateforme sur laquelle l’œuf nous avait déposés la première fois. Hicks était sur le point de détruire le dispositif électronique. Adi l’arrêta :

« Non laisse, pas la peine de montrer au reste de l’asile que quelque chose cloche. Les prochains patients qui seront envoyés ici trouveront immédiatement une sortie, c’est à nous de faire en sorte qu’ils nous trouvent facilement. On aura le temps d’y penser plus tard, tirons-nous d’ici. » Il était cette fois temps de sortir. Nous arrivâmes dans un Hangar, juste derrière la porte métallique qu’Adi avait fait fondre en ouvrant le feu la première fois. Des cabines ovales, plus grandes que les œufs lévitant que j’avais connus jusqu’ici attendaient en rang. « A l’extérieur, dit Hicks, ce ne sont pas des scientifiques mais des sentinelles armées. Il y en a au moins deux, peut être trois.

— Je propose, répondit Adi, qu’on prenne la voie de sortie normale. On monte dans deux cabines et on se laisse porter. Si on décide de revenir, on reviendra plus nombreux.

— Ça me va, dit Hicks. Vous deux montez dans les cabines. »

Anabella et moi nous exécutâmes. Nous commencions enfin à reprendre nos souffles. Ce fut le moment de nos retrouvailles. Je la pris dans mes bras et ...

« Pas dans la même cabine, nous interrompit Adi. Le protocole c’est un prisonnier et un membre du personnel par cabine. Vous vous ferez des mamours plus tard ».

A cet instant, la porte du Hangar s’ouvrit. Elle avait été ouverte par un garde qui, malgré le silence des armes utilisées avait été alerté par le brouhaha des quelques parois qui s’étaient effondrées.

Adi tenta un « tout va bien, il y a eu un petit incident mais tout est sous contrôle.

— Vous n’êtes pas habilité à porter une arme, seules des matraques sont attribuées aux androïdes du bloc. »

Le garde portait une arme conventionnelle, proche de celles que j’avais connues de mon temps. Hicks, à la gâchette facile, décida d’en finir et tira sur le garde. Rien ne se passa. Il insistait et appuyait sur le déclencheur comme un forcené. Une batterie qu’il portait attachée sur sa hanche pris feu.

Le garde ouvrit le feu sur Hicks qui s’effondra au sol. Adi pointa son arme sur la sentinelle et la désintégra en une fraction de seconde. « Idiot tu as épuisé les ressources de ton arme cria-t-il à Hicks ». Hicks se releva, il détacha rapidement la batterie de sa hanche puis se tint fermement sur le flanc droit, là où il avait été touché, comme s’il s’agissait d’un vulgaire point de côté. « Passe-moi une batterie de rechange au lieu de m’engueuler ! Cria Hicks.

— J’ai pas de batterie de rechange. Faudra s’expliquer avec le vieux qui m’a dit qu’on ne partait pas en guerre. C’est sûr que les autres gardes sont alertés maintenant. J’ai de quoi tirer deux pulsions encore, peut être trois, pas plus.

— Qui est vieux ? demanda une vois derrière le Hangar avec un fort accent russe.

— Miroslav ? tu devais attendre à au moins cinq cents mètres.

— Oui, mais Hicks était avec toi, et j’ai connu de meilleurs bougres quand il s’agissait d’être discret. C’est bon la voie est libre. Ameer, Anabella, ravi de vous revoir !

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