Chapitre 23 : allo ?

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« Okay, dites-moi vite ce que vous voyez, n’importe quoi. Une inscription sur un bâtiment, votre position par rapport au soleil, ce que vous pouvez… allô ? allô ? »

Il était trop tard. Trop tard pour eux. Je n’ai pas eu le temps de les aider. Quel malheur ! J’entendis frapper à la porte qui s’ouvrit une seconde plus tard. Je manquais d’air.

« Bonjour Adi, comment allez-vous aujourd’hui ? J’ai entendu que vous étiez déjà réveillé. Ce n’est pas dans vos habitudes. Vous savez que le réfectoire n’ouvre qu’à 7 heures ! ». La petite IfAS, Valentine, venait faire son numéro de gentille. Ses énormes mamelles tremblantes tentaient d’amadouer ma vigilance.

« Pas du tout, répondis-je. Je suis comme d’habitude c’est vous qui m’avez réveillé.

— Oh pardon monsieur grincheux, je ne voulais pas vous réveiller. Rendormez-vous donc. »

Elle ressortit. Il n’était pas question que je me rendorme. Si c’est pour qu’ils viennent me chercher moi aussi, un matin, sans prévenir. J’allais rester sur mes gardes. Ce matin-là, je ne me rendis pas au troisième étage pour suivre mon programme de réhabilitation.

Un médecin passa me voir en fin de journée.

« AdCS187 – Smith, comment vous sentez vous ?

— Bien, peinai-je à articuler.

— Vous ne vous êtes pas présenté au programme aujourd’hui, vous êtes souffrant ?

— Rien de bien grave, une petite migraine.

— Vous savez que c’est important de se rendre au programme. Allongez-vous je vais vous ausculter. »

J’observais attentivement tous ses faits et gestes, pour voir s’il n’avait pas l’intention de m’endormir sournoisement avec une seringue.

« Bon, vous avez un peu de tension, et vous transpirez beaucoup. Vous avez mangé quelque chose aujourd’hui ?

— JE VOUS AI DIT QUE JE NE ME SENTAIS PAS BIEN ! criai-je à m’en effiler les cordes vocales. »

Le médecin eu un mouvement de recul et plaqua son dos contre le dossier de la chaise. Durant les quelques secondes qui suivirent, le silence se fit. Un silence tellement parfait que je me demandai si tout l’immeuble n’était pas devenu muet. Le médecin reprit :

« Smith, tout va bien, restez calme. J’ai bien compris que vous étiez très fatigué. Ne vous inquiétez pas il n’y a pas de problème. Quand vous êtes trop fatigué pour descendre au réfectoire, il suffit de le dire à l’infirmière de l’étage et on vous fait monter un plateau. Détendez-vous, je vais vous faire monter de quoi vous restaurer un peu, ce n’est pas bon de rester sans manger. Prenez encore un jour ou deux de repos, je vais prévenir l’administration du centre que vous serez absent du programme de réhabilitation. Au revoir, reposez-vous, l’infirmière passera tout à l’heure. »

Il quitta la chambre en marmonnant.

Comme prévu, Valentine revint.

« Adi, je vous ai préparé un plateau repas. Mmmh, regardez, vous allez vous régaler. Vous n’avez pas l’air d’aller beaucoup mieux. Je pose ça là. Mangez cela va vous faire du bien. »

J’attendis qu’elle s’en aille pour m’approcher du plateau. Il y avait des cubes de légume, une barre de protéine saveur poulet avec une sauce blanche. Un tube de méta-fruits et un gâteau gélatineux qui ne m’inspirait pas beaucoup.

J’éteignis la lumière pour manger en toute intimité et pris le plateau sur mon lit. Les cubes de légumes paraissaient moins appétissants. Leur vert était plus terne que d’habitude. Je voulu commencer par la barre de protéine mais la sauce me sembla plus « jaunâtre » qu’à l’accoutumé. Peut-être tentaient ils de m’empoisonner par la nourriture ? Bien sûr, pourquoi me feraient ils monter un plateau, si ce n’est pour être sûr que j’avale ce qu’ils ont prévu pour moi ?

Mais je n’allais pas me laisser faire ni n’allais me laisser mourir de faim. Je décidai de descendre au réfectoire pour manger et de laisser le plateau tel quel. Le lendemain j’irais au programme pour me montrer en forme !

Le lendemain matin, Valentine passa dans ma chambre.

« Alors Adi, vous sentez vous mieux ? Je vois que vous n’avez pas touché au plateau ! Il faut mangez ! me gronda-t-elle, comme si un haussement de ton allait me convaincre.

— J’ai mangé. Je suis désolé, je suis descendu me dégourdir les jambes et j’ai mangé au réfectoire en oubliant le plateau. Quand je suis remonté je n’avais plus faim, et puis tout a refroidit. Navré.

— Ah vous avez mangé, c’est très bien. Ce n’est pas grave pour le plateau. Avez-vous bien dormi ?

— Oui je me sens mieux, je vais aller au programme aujourd’hui, d’ailleurs je dois me dépêcher de filer à la douche.

— C’est parfait, je me réjouis de vous voir en pleine forme, je vais en informer le médecin qui s’inquiétait pour vous.

— Ah ah, il s’inquiétait ? feignis-je de m’amuser. Non je vous ai dit, une petite baisse de forme passagère. Rien de grave. Vous êtes très en beauté aujourd’hui Valentine et sexuellement très attirante.

— Ah tant mieux, rougit-elle. Passez une bonne journée Adi. »

Sous la douche, je tentais de contacter mes amis Ameer et Anabella.

« Ameer, Ameer, réponds ! ». Rien

« Anabella, ou êtes-vous ! Je suis tout seul, ils veulent ma peau. Répondez s’il vous plait. » Rien non plus. J’essayai ainsi de les joindre une partie de la journée, y compris durant le programme de réhabilitation. Les exercices de protocoles étaient parfaitement ennuyeux et me laissaient le temps de m’inquiéter pour mes amis.

« Voici une mise en situation pour voir si vous avez bien compris, lança un éleveur. Vous recevez un formulaire incomplet car le tampon de l’entreprise demandeuse est excentré par rapport au cadre prévu pour le tampon. Sous le cadre est inscrit la mention « merci de ne pas dépasser du cadre », le clone signataire du formulaire est bien connu, il vous envoie des formulaires toutes les semaines, vous savez qu’il travaille chez Global District Market en cohérence avec le tampon qu’il utilise, que faites-vous ?

— Ah ahah facile ! Lança un clone.

— C’est évident ! répondit un autre.

— On rejette la demande car c’est le protocole ! Répondirent-ils tous en cœur.

— Bravo, celle-ci était très simple, félicita l’éleveur. AdCS187-Smith vous n’avez pas répondu ?

— Et bien si, on rejette la demande c’est facile. J’ai hésité parce que je pensais qu’il y avait peut-être un piège, c’était trop facile. »

Tout le monde me regarda comme si j’étais le dernier des fous. « Un piège ! » entendis-je quelque part. « N’importe quoi » entendis-je ailleurs.

« Pourquoi pensez-vous qu’il aurait pu y avoir un piège Smith ? reprit l’éleveur.

— Et bien je vous l’ai dit, c’était trop facile c’est tout.

— La plupart d’entre vous êtes là parce que vous n’avez pas su faire face à des situations « trop faciles ». C’est le propre d’un protocole d’être « facile à appliquer ». Mais vous, vous ne l’avez pas appliqué. Peut-être aviez-vous mal lu ? Ou peut-être avez-vous pensé bien faire, à tort ? Ou alors vous avez pensé qu’il y avait un piège… Il n’y a pas de piège Smith, juste le protocole. Respectez-le ! C’est votre rôle. »

Je me sentis humilié par son petit ton supérieur de clone non déviant.

« Et peut être que si nous ne perdions pas un temps faramineux à respecter ces conneries de protocoles, nous n’aurions pas autant de clandestins, peut-être qu’on serait un peu plus réactifs et qu’on ne crèverait pas à trente-cinq putains de balais comme du misérable bétail ! »

Une fois de plus, le silence se fit complètement. L’éleveur ne voulut pas surenchérir.

« Smith, je ne comprends pas. Vous étiez sur le bon chemin jusqu’ici, que se passe-t-il ? On m’a dit que vous étiez souffrant ces jours-ci. Vous êtes sûr d’aller mieux ? Je pense qu’il est préférable pour tout le monde que vous voyiez le médecin et que vous restiez dans votre chambre le temps d’aller mieux. » Une manière bien diplomatique de me demander de dégager. J’avais déconné une fois de plus. Je quittai la salle et retournai dans ma chambre.

Il était certain qu’en empruntant cette route, ils allaient me penser irrécupérable. Et il n’allait sans doute pas être question de payer pour héberger et nourrir un clone qui ne produit rien et qui est perdu d’avance. Il fallait que je rattrape le coup avant qu’on vienne me chercher. Je passais devant la chambre d’Ameer et devant celle d’Anabella au premier étage, juste pour imaginer qu’ils étaient là. Je me tenais devant leurs portes fermées et j’imaginais que chacun était de l’autre coté en train de vaquer à ses occupations. Comme s’il ne me suffisait que de frapper aux portes pour qu’ils soient là, mais que je décidai de mon plein gré de ne pas frapper. Je maintenais ma communication télépathique éteinte de la même manière, en imaginant qu’ils étaient à l’autre bout des ondes mais qu’on ne pouvait pas discuter juste parce que mon amplificateur était éteint. J’espérais qu’ils soient toujours vivants, tout en sachant qu’ils mourraient, soit maintenant, soit demain, soit dans une semaine, peu importe. C’est comme s’ils étaient déjà morts.

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