Absence

3 minutes de lecture

Pour me souvenir que tout fut fini avant que tout ne commence.

L'absence en instance, en attente impatiente, d'être acquittée par omission. Indifférence, emportée, de loin en loin, de moi en moi, de toi en toi, de foi en foi, de soi en soi, de loi en loi, de croix en croix, de bois en bois, de voix en voix, de noix en noix, de joie en joie, de quoi en quoi, de voie en voie, de point en point. L'absence n'est pas un manque, elle est dans l'expectative d'une présence. L'impatience tarie le cœur curieux d'avoir devant la présence qu'on n'attendait plus. L'absence disparaît par sa récurrence, plus l'absence est impalpable, moins elle est occasionnelle, plus elle est commune et semblable. L'absence devient constante présence, à disposition d'invoquer l'être, sans avoir son mot à dire ou d'avoir son corps à disséquer de ses souvenirs malicieux.

Récurrence dans l'errance, à chaque nouvel éveil, de cette absence. Jamais absolue. Tous les jours parcellaire. Fait après fait, le terme se scelle. Figé en une anatomie squelettique, chair rongée et remâchée par la nostalgie, corps déshydraté par la mémoire austère et profanatrice du sculpteur de marbre, fossoyeur de l'âme abandonnée au jamais de sa condition de néant.

Absence de l'attente pour l'absence. Folle résolution du moindre lointain en impatience de la fatale sentence. Impossible client sachant pertinemment le diagnostic de son cancer, et pourtant dans le pavillon d'attente, fébrile à l'idée de souffrir du lent passage des heures, indéfiniment à se plaindre de ses rumeurs, bourdonnements et toux alentours, rage aux dents d'en exécrer du passage increvable des patients avant sa personne. Conscient à l'extrême de ce passage qui ne passe pas... pas suffisamment vite à son goût qu'il en crève d'envie d'en crever quelques uns... Hystérique paralytique.

Difficile dans tous ces états de ne pas être dans l'atteinte de la passivité.

Si un vide autre s'engouffrait en moi — ça ne peut qu'être nécessité chronique, phénomène au fil des ans se réitérant, jusqu'à la vieillesse des disparus en soit l'habitude — serais-je semblable en écailles, en racines ? Ces vides, ces absences, ces disparitions, ces sans-voix, sans-présence, sans possibilité de retour, comment les accepter pleinement ? Faire table rase du passé ? Feindre l'indifférence, passer à l'autre ? Être négation en puissance et en demeure. Je ne le pourrais. Voué à se morfondre. Ne pouvoir enterrer ses morts. Continuer le dialogue seul ? Je n'envisage aucune alternative qu'écrire ces souffrances d'être impuissant, de parler à ce qui jamais ne répondra, causer... folie...

Où est ?

Les notions de temps et d'espace sont des repères inexistants, sans eux l'humain tourbillonne dans le chaos, sans mesure — chaque réitération. La mort est proche, la vie lointaine, l'humeur en soi, le bonheur au bout des doigts. La pesanteur affaiblie, engourdie les frêles épaules, la légèreté ne semble plus qu'une invention. Quand l'instant se rapproche, tout semble être fait pour reculer l'échéance, pour éprouver l'attente patiente d'une forme d'être sans dedans, un être ouvert, en symbiose avec les éléments. Une annihilation par le feu, et par transmutation étant souffle d'un son.

D'échos au loin dans le Lointain. Ailleurs lointains.

Nul espoir de retour. Tourne la page. Le Livre est écrit. Nous fumes morts avant de naître. Ferme ce Livre. Oublie-le, ce n'est qu'un simulacre, dès sa première manutention le Livre fut corrompu.
Son apparition fut fantomatique. Charnelle... Une illusion de ton esprit, une instance vivante à ton contact, inexistante à distance de tes sens. Une particule fragmentaire de l'être instinctivement appréhendé, une parcelle d'une échappée. D'une évanescente, songeuse...

Absent et là. Là est absent. Et absent là.

Absent de ce monde-ci. Je n'existe pas. Je suis fantôme de mon ombre.

L'absence se terre en toute présence, sous les masques, rien à voir. La présence illusoire illumine tous nos soirs, anime toutes nos histoires.

L'absence, essence de nos errances.

La vie s'endormait, j'en oublie le nom.

Plus on se sent saisir l'insaisissable, moins on ne le tient.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Marquis de Corbeau-de-Vaulserre ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0