8 Au théâtre des espoirs (partie 2)

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Le bonheur de pouvoir s’épanouir sur la scène, parmi des artistes qu’elle apprenait à connaître et dont les nombreux atouts ne pouvaient qu’attirer le respect et la sympathie, enchantait la jeune femme qui se rapprochait d’un pas vif du lieu de rendez-vous. Déjà des éclats de voix s’élevaient depuis le couloir.

– L’arrivée du chœur doit se faire après la révélation du marquis, Jeremy devait être en train de recadrer la mise en scène, ce qui prenait toujours la première heure des répétitions, que Sheryl aimait occulter de temps à autre. Trent baisse la lumière pour laisser le temps du changement de décor, dans le même temps le chœur se positionne.

L’effectif ne tenait qu’à une vingtaine de membres, dont le chœur n’était qu’en réalité un trio masculin. Sam, James et Henrick en leur don de barytons, venaient de prendre leurs places respectives, les trois formaient un triangle qui encerclait l’héroïne jouée par Michelle. L’équipe technique activait les poulies, sur ces mêmes rouages témoins de l’atrocité d’Ethan jadis, pour faire descendre une fresque sombre représentant une chapelle parsemée de flammes rosées.

– Maintenant les lumières se ravivent, il marquait une pause pour laisser le temps à Trent de remanier son éclairage et d’un signe de tête sec, invite l’actrice à avancer vers le faisceau d’un jaune pâli. Là-dessus le marquis attrape Susan, elle se défait de son emprise et commence à fuir, bientôt rattraper par le chœur…

Dans une lenteur rythmée, Jeremy exposait l’action de chaque rôle de la pièce, véritable chef d’orchestre disposant de la musique comme d’un corps inerte, afin de le magnifier.

– Alors Sheryl s’avance.

Tirée de sa rêverie à l’appel de son nom par ce metteur de scène toujours dos à elle, Sheryl s’empressait de gagner la scène.

– La mort entame sa danse autour des corps du marquis et Susan, Sheryl s’exécutait gracieusement déjà transportée par son rôle macabre, projetant l’imagination d’être la faucheuse sur son jeu. N’utilise pas tes bras si cela te fait trop souffrir. Bien, des mouvements amples, Michelle cesse de rire ou je donne ton rôle à Sheryl.

À ces mots, l’humeur de l’actrice devenait fort déplaisante, n’hésitant pas à hurler à qui voulait bien l’écouter – personne – que Sheryl prenait du bon temps avec Jeremy pour obtenir le rôle principal et ce, sans avoir jamais pratiqué l’art de la scène. Au moment où sa main manucurée allait agripper les cheveux de sa cible, Sheryl eut un mouvement très étrange.

Avant que quiconque n’avait pu porter assistance à la jeune femme insultée, elle avait attrapé Michelle par la gorge, pour l’envoyer valser ailleurs. L’accident survenait si rapidement que personne n’avait eu le temps de voir son visage se crisper, son expression devenir animale. Une fraction de seconde plus tard, elle portait secours à l’actrice écroulée un peu plus loin, s’excusant en larmes pour son comportement. Bien entendu, après un tel incident, les répétitions avaient été suspendues, car Michelle avait été très secouée par la force de l’insoupçonnée redoutable Sheryl, ce qui avait eu pour effet de poursuivre ses hurlements agaçants jusqu’à la nuit tombée, allant jusqu’à la nommer « démon », ce qui amusait grandement Lucifer. « Vous n’avez pas vu sa tête ! Elle voulait me tuer ! ». Sheryl baissait la tête.

Fort heureusement, pour Sheryl, la troupe ne lui tenait pas rigueur de son « réflexe » de défense, ils en riaient même de bon cœur car Michelle n’arborait aucune blessure. Mais la force qu’elle avait déployé lui paraissait étrange, pendant un instant son corps n’était plus le sien dès lorsque ses griffes acérées se refermaient sur le cou délicat de Michelle, comment avait-elle pu faire ça ? Elle essayait de ne pas attirer les soupçons sur elle depuis la mort de son mari, sa folie meurtrière ne devait jamais refaire surface. Sa vie avait déjà bien mal commencé, l’amnésie et ensuite une boucherie dans son foyer avant d’être précipitée à la rue.

Le pire ne pouvait plus se produire, bien qu’elle ignorait qu’une enquête se voyait menée actuellement par les forces de l’ordre, où pouvait bien se cacher la veuve de McBarden alors que son mari et son beau-père venaient d’être découvert sauvagement assassinés un an plus tôt ? Personne ne connaissait son nom de mariage, ses origines floues avaient convenu aux membres du théâtre et même Jeremy dont le passé lui était aussi inconnu.

Cependant Jeremy se méfiait doucement de Sheryl, cette blessée agonisante qui refusait d’être enregistrée au centre de soin de la ville, et qui avait une peur bleue de la police, dont le mystère qui l’entourait ne se dissipait pas. Quand le couple sortait dans les dédales pavés, elle portait toujours un couvre-chef couvrant son visage, aimant se cacher au creux de son bras quand un officier leur passait trop près. Lucifer savait garder la police en retrait, son pouvoir le liait aussi à la justice après tout. C’était en gage de soutien pour sa dame, que Jeremy avait passé les rênes à M. Raphael, évitant de devoir recevoir ses actionnaires et autres marionnettes dans le théâtre, là où il résidait à plein temps depuis dix ans. Depuis lors, ce lieu se consacrait à l’art et à une lutte céleste contre le Paradis.

Comment la pousser à lui révéler ses secrets ? Voilà une pensée bien peu gentleman qui tiraillait Jeremy, dont sa charmante protégée devenait encore plus belle que la lune, tant ses yeux s’illuminaient à sa vue et que ses joues rougissaient adorablement, qu’avait-elle ?

Le diable pouvait être d’un aveuglement crasse.

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