Prologue (Partie 2)

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« Mon diable. » l’avait-il appelé. Lucifer ignorait l’usage de ce nouveau nom, comme tout ange sait se tenir éloigné du mal profond, celui qui tarit le cœur humain et amuse certains êtres célestes.

Le Père descendait de son trône, ultime acte d’amour envers son fils pour l’entretenir à échelle égale de sa Volonté. Comme Dieu ne pouvait lire l’ange de lumière, ni trouver les clefs de son avenir, les termes du contrat seraient discutés dans une équité plutôt satisfaisante, car la curiosité de l’inconnu était l’un des péchés mignons du Seigneur, mais fort heureusement, Lucifer l’ignorait. Les deux partis possédaient quelque chose que l’autre désirait. L’amour et l’amour.

L’ange de Lumière se tenait droit et majestueux devant la Grâce de Dieu, Il admirait sa création, presque un grand homme, à la beauté irrationnelle à la couleur opale, une infinité de détails formait son visage sérieux si bien que la moindre expression devenait une œuvre céleste car elle pouvait ne jamais plus revenir parer les traits de l’ange, oui ce qui qualifiait Lucifer de merveille résidait dans sa rareté toujours infinie. Dieu l’avait créé à l’image de la pureté de l’Éternel, une facette précieuse du divin accordée à son enfant prodige.

– Le temps est venu, mon fils, de te faire cesser ta rébellion avant que tu n’attises ma colère. Tu ne dois pas détruire l’humanité, ton rôle se trouve plus loin, bien après que la Vie ai été annihilée par le jugement dernier, qui est mien.

La fin de cette phrase marquait alors le silence du Paradis, l’ange ne put s’empêcher de sentir le vide absolu derrière lui, preuve qu’il était seul face au Père, terriblement seul. Jamais encore le Seigneur ne l’avait convoqué sans spectateur pour écouter et rendre compte de ses argumentations à l’encontre de la nature humaine et de ses expériences sur ces âmes faibles à la tentation, dans le but éperdue de faire entendre raison au Créateur et de le garder d’ouvrir la cité de Grâce aux humains désincarnés. Il savait au fond de lui que Dieu planifiait quelque chose de parfaitement inhabituel. Son Père reprit.

– Lucifer sais-tu qui est le diable ? il demanda cela le regard lointain, la réalité se perdait avant de disparaître au sein de son regard divin, l’ange de lumière restait de marbre. Le diable n’existe pas encore, il est le mal qui sévit sur la Vie, un être capable de tenter et corrompre la foi humaine. Le diable deviendra mon ombre, c’est en lui que ce que tu déplores de la Terre ira brûler pour l’éternité, dans une cité opposée à la nôtre nommée Enfer. Tes nombreuses plaidoiries contre l’humanité ont retenu mon intention, je suis fier de toi mon fils, tu as raison, les humains sont faibles et vicieux, alors seuls les humains vertueux accéderont au Paradis sous ma garde. Nous sommes à l’aube d’un grand bouleversement depuis la Création, bientôt, tout ce que nous connaissons sera teinté de la Vie par ma Volonté.

L’ange de lumière fléchit le genou pour se prosterner devant la puissance de Dieu, alors que sa pensée effleurait ses lèvres, résonnant dans tout le Paradis telle une mélodie fatale. « Mon diable… », le Père esquissait un sourire comblé en entendant ces mots.

– Le Paradis et l’Enfer, le Créateur et le diable, le Tout se complexifie pour accueillir l’esprit humain si compliqué. Mon enfant, je pense que tu es la clef qui permettra l’équilibre de ce nouveau monde que je veux créer. Ainsi, je vais pactiser avec toi pour faire un marché.

L’ange ne pouvait trouver les mots justes tant la stupéfaction le maintenait figé, jamais le Seigneur n’avait tenu aucun être vivant ou céleste en si haute place pour lui proposer un marché. Tous sont en dessous de l’amour de Dieu, comment pouvait-Il vouloir pactiser avec un ange, son omniscience n’avait rien à lui faire perdre ou gagner dans un pari, ou alors Lui ne perdrait rien peu importe l’issue du pacte. Lucifer commençait à craindre la puissance de son Père et le mal qu’il se donnait pour se débarrasser d’un simple ange, rien ne faisait de sens dans l’esprit de son fils.

– Voici les termes du pacte : Je vais faire de toi un humain et tu résideras sur Terre pour expérimenter la Vie, expliqua posément Dieu tandis que le visage de l’ange pâlissait dangereusement car il n’était en aucun cas question de pouvoir refuser le marché. Imbibe-toi de tout ce que l’humanité possède, mélange cette essence de Vie avec tes aptitudes célestes que je ne te confisquerai pas, seulement l’accès au Paradis te sera interdit jusqu’à ta mort humaine.

Le sol se dérobait sous le corps de Lucifer, son existence entière semblait le quitter au point où la menace était palpable.

– Vous voulez m’anéantir pour sauver l’humanité de ma haine, la voix de l’ange n’était plus qu’un sombre murmure.

– Il n’en est rien mon fils, cela n’eut pas pour effet d’apaiser l’ange pour autant, quand tu seras sur Terre, aucun être vivant ne doit découvrir ta véritable nature, si bien celle d’ange que celle de diable. Tu es le diable maintenant, ton rôle sera de tenter les âmes au péché, comme tu en es déjà coutumier, lança-t-Il avec un regard accusateur.

– Qu’adviendra-t-il de votre diable si un humain découvre son secret ?

– Alors, je créerai l’enfer pour que tu en deviennes le Roi pour l’éternité et tu y resteras avec ces âmes que tu hais tant, sans pouvoir revenir au Paradis, ni même me revoir jamais.

Des larmes limpides coulaient le long du visage de Lucifer.

– Mais, si aucun humain ne découvre que tu es un être céleste, alors tu achèveras ta vie pour mourir. Au moment de ta mort humaine, tu redeviendras mon ange de lumière, mon plus beau fils. Si tu sors victorieux de cette épreuve, l’esprit de la Vie résidera en toi et je ferai de toi mon successeur. Tu deviendras Dieu Lucifer. Un Dieu d’amour dans un nouveau Paradis où la Vie pourra évoluer parmi le divin. Il ne tiendra qu’à toi de faire naître l’enfer et devenir le diable pour toujours, ou accepter l’humanité pleinement et devenir Dieu.

Une force spectaculaire commençait à évincer Lucifer des Cieux, il se sentait perdre son existence céleste pour être précipité dans un corps matériel. La lumière du Père disparaissait, son monde s’effondrait. Dans sa chute, il parvint à entendre les dernières paroles de Dieu, « Je t’aime, Lucifer. »

Malgré les termes du pacte qui allaient en sa faveur, les mots de son Père sonnaient comme un adieu et pour la première fois, il sentit son cœur humain se serrer bien trop fort dans sa poitrine.

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